Face à la flambée des prix de l'énergie, il faut bien plus qu'un bouclier tarifaire

09/10/2022 Par acomputer 578 Vues

Face à la flambée des prix de l'énergie, il faut bien plus qu'un bouclier tarifaire

En l'espace de quelques semaines, la hausse sans précédent des prix du gaz, de l'électricité et des carburants a propulsé de nouveau la question du coût de l'énergie au sommet des préoccupations des Françaises et des Français. Cette nouvelle "crise" de l'énergie, qui vient s'ajouter à la très longue crise sanitaire, économique et sociale que nous venons de traverser, oblige les responsables politiques français à trouver les réactions adaptées... c'est-à-dire celles qui répondent aussi à la crise environnementale et notamment climatique !

Selon le médiateur de l'énergie, 79 % des Français (contre 71 % en 2020) déclarent que les factures d'énergie représentent aujourd'hui une part importante des dépenses de leur foyer, et 20 % des foyers interrogés (contre 14 % en 2020) déclarent même avoir souffert du froid pendant au moins 24h dans leur logement.

Avant même l'explosion des prix, 12 millions de Français avaient froid chez eux ou peinaient à payer leurs factures d'énergie. Cette situation préoccupante, qui voit la précarité énergétique se maintenir à un niveau élevé ces dernières années, menace de s'aggraver fortement dès cet hiver et de se prolonger au cours des prochaines années.

Prix du gaz : +70% depuis le début de l'année

Les tarifs du gaz ont augmenté de 70 % depuis le début de l'année, ceux des carburants de 20 % : comment les ménages aux ressources très modestes, fragilisés encore davantage par la crise sanitaire, pourraient-ils y faire face sans un soutien à la hauteur de l'enjeu ?

Pourtant, le "bouclier tarifaire" annoncé par le gouvernement se borne à faire glisser la charge financière liée à la hausse du prix du gaz jusqu'à la fin 2022, ce qui revient à glisser la poussière sous le tapis. Conduisant, par construction, à maintenir des prix élevés sur le long terme, il ne permettra ni de limiter la croissance rapide du nombre de précaires énergétiques, ni d'aider les ménages fragiles à payer des factures déjà trop élevées aujourd'hui, et qui le seront davantage demain.

De même, l'augmentation de 100 euros du chèque énergie ne permettra même pas d'absorber la hausse des prix sur un an, alors que l'augmentation des factures entre l'hiver 2021 et l'hiver 2022 pourrait atteindre plus de 500 euros par foyer.

Surtout, ces aides d'urgence ne permettront pas aux ménages concernés de procéder à la rénovation thermique de leur habitation, seul moyen de réduire durablement leurs factures de chauffage.

Face à la flambée des prix de l'énergie, il faut bien plus qu'un bouclier tarifaire

La crise est grave, il ne faut pas la prendre à la légère. Ses conséquences sanitaires, sociales et économiques menacent d'être dramatiques si l'Etat ne prend pas immédiatement des mesures ciblées sur les plus précaires, soit les 3,5 millions de ménages reconnus en précarité énergétique, et à la hauteur des besoins réels.

Un Chèque Energie d'un montant minimum de 700 euros

La première priorité est de revaloriser le Chèque Energie pour le porter à un montant minimum de 700 euros, qui permettra aux familles d'arrêter de se priver fortement d'énergie de chauffage - un réflexe face à la hausse des prix qui s'avère dangereux pour la santé de personnes déjà en situation de sous-chauffe chronique. Une telle mesure serait moins coûteuse que la baisse annoncée de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) annoncée à 5 milliards d'euros, et bien mieux ciblée sur les ménages réellement dans le besoin.

Ces ménages bénéficiaires d'un chèque énergie renforcé doivent être considérés comme prioritaires pour bénéficier d'accompagnements adaptés à la maîtrise des consommations dans leur logement, bien souvent des passoires thermiques, afin que le confort et l'efficacité énergétique y soient rapidement et durablement améliorés.

Au-delà des perdants, il ne faut pas oublier que cette crise produit également des gagnants, à commencer par les producteurs d'énergies fossiles et d'électricité vendue sur le marché de gros, qui profitent de bénéfices exceptionnels et devraient donc participer au financement des mesures, dans une logique redistributive.

La lutte de la précarité énergétique se joue à l'échelle locale

Mais une grande partie de la lutte contre la précarité énergétique se joue aussi à l'échelle locale, au plus près des ménages, pour identifier ceux qui en ont besoin et apporter une solution adaptée à la spécificité de chaque situation. L'Etat et les fournisseurs d'énergie (qui ne respectent pas toujours leurs obligations légales en la matière) doivent augmenter leur soutien technique et financier aux dispositifs déployés par les collectivités locales, qui sont en première ligne et doivent faire face à un afflux sans précédent de demandes d'aide au paiement des factures d'énergie.

On le voit, si les aides d'urgence récemment annoncées étaient nécessaires, elles sont loin d'être suffisantes. Surtout, elles ne doivent pas conduire à retarder la nécessaire accélération des politiques de transition bas-carbone et notamment de rénovation énergétique des bâtiments, seules à même de réduire la vulnérabilité des ménages et de les protéger réellement des crises énergétiques qui, n'en doutons pas, se reproduiront.

Sortir au plus vite de la "trappe à pétrole"

`De même, face à la hausse récente du prix des carburants, les mesures annoncées la semaine dernière par le Premier ministre ne suffiront pas à protéger durablement les ménages les plus exposés. Il est impossible de faire l'économie d'une réflexion de long terme sur la dépendance à la voiture individuelle et la nécessité de sortir au plus vite de la « trappe à pétrole ». Afin de répondre à la diversité des usages de mobilité, c'est une palette de mesures qu'il convient de mettre en oeuvre dès à présent : création d'une super-prime à la conversion de 7.000 euros pour les ménages les plus modestes avec un objectif de zéro reste à charge pour l'achat d'un véhicule électrique, poursuite de l'ouverture de la prime à la conversion à d'autres modes de transport, augmentation du fonds vélo à hauteur de 500 millions d'euros, renforcement des investissements en faveur du transport ferroviaire et en particulier dans les lignes du quotidien et les services de RER métropolitains, lancement d'un nouveau programme d'investissement pour soutenir le développement de l'offre de transports en commun, baisse la TVA à 5,5 % sur les transports collectifs terrestres, etc.

Au total, le gouvernement a mis sur la table 11 milliards d'euros, sans aucune consultation sur les modalités, pour des mesures palliatives à court terme, et insuffisamment ciblées. Avec une telle somme, il nous semble possible et nécessaire de faire d'une pierre deux coups : à la fois protéger vraiment les ménages vulnérables, et accélérer la transition écologique dans les transports et le bâtiment. Il est encore temps pour le gouvernement de revoir sa copie !

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(1) Signataires :

Morgane Creach, directrice du Réseau Action Climat

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre

Danyel Dubreuil, coordinateur de l'Initiative Rénovons

Jean-Pierre Goudard et Julien Robillard, co-présidents du Réseau pour la transition énergétique CLER

Véronique Devise, Présidente du Secours Catholique-Caritas France

Jean-François Maruszyczak, Délégué Général d'Emmaüs France

Françoise Thiébault, administratrice des Associations Familiales Laïques de Paris

Olivier Schneider, président de la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB)

Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement

Collectif (1)

7 mn

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