Chasseurs poursuivis pour ne pas avoir tiré des sangliers: la réponse de leur avocat LA NEWSLETTER HEBDOMADAIRE DE CHASSONS.COM
Le 28 septembre dernier, nous faisions écho dans nos colonnes de chasseurs poursuivis pour avoir épargné des laies en Moselle. Suite à ce papier, l’avocat défendant les chasseurs nous a contacté afin de donner un droit de réponse à cette affaire et mieux en appréhender les faits.Voici la réponse de Maître Savouret
« Cher Monsieur,
Chasseur, avocat, et lecteur régulier de votre magasine, c’est avec un réel plaisir que je me permets de vous écrire ces quelques lignes suite à la parution d’un article en vos colonnes, lequel appelle de ma part le complément d’information qui va suivre.
En effet, j’ai eu l’honneur d’assurer la défense – parmi d’autres confrères – de chasseurs mosellans renvoyés devant une Tribunal de police de Thionville le 23 septembre 2021, pour avoir « épargné des laies » – selon le titre évocateur de votre article paru le 28 septembre 2021 relatant cette affaire pour le moins saugrenue. Douze chasseurs, tous partenaires d’une même association de chasse auxquels il a été reproché lors de cette audience d’avoir simplement participé à des actions de chasse (pendant la saison 2016/2017 on appréciera au passage non sans ironie la célérité judiciaire … ) avec consignes de tir sur les laies de plus de 45 kilos.
Plus précisément, le parquet a poursuivi les malheureux Nemrods au seul motif que les statuts de leur association de chasse comportaient une clause oubliée et non appliquée prévoyant, vestige d’une époque révolue en Moselle, des restriction de tir sur les femelles sanglier de plus de 45 kilos ce qui est interdit depuis la parution du SDGC 2014/2020. Ajoutez à cela la jalousie d’un ancien partenaire, le zèle d’un agent de l’OFB (pour lequel j’aurai la délicatesse de ne pas livrer ici les raisons évidentes de son acharnement) et vous obtenez quatre années de poursuites pour des faits « contraventionnels » c’est-à-dire au plus bas de l’échelle pénale.
A l’heure où le système judiciaire est à bout de souffle, d’aucuns diront au bord de l’implosion, consacrer autant de temps et d’énergie dans cette affaire, surprend. Surprise assurément partagée par les justiciablesnon-chasseurs présents dans la salle d’audience ce jour-là davantage habitués à l’image tenace du « mauvais chasseur » tirant à tout va , qu’à celle de chasseurs poursuivis au pénal pour avoir épargné des « mamans ». Elle pourrait même faire sourire cette affaire, si ces douze chasseurs ne risquaient pas, par le jeu cynique des peines complémentaires, le retrait pur et simple de leur permis de chasser, soit la fin d’une vie pour les passionnés que nous sommes. Sauf, qu’ils ont été poursuivis à tort.C’est en tous cas la thèse de la défense.
En effet, la lecture de l’article R428-2 du Code de l’environnement sur lequel repose les poursuites, seule l’association de chasse, est susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée pour avoir conservé dans ses statuts une clause contraire au SDGC. L’article R428-2 du Code de l’environnement vise exclusivement, sous le terme juridique de « fermier », le preneur, titulaire du droit de chasser, soit en l’espèce, l’association de chasse, personne morale.
Selon la défense, les partenaires ne peuvent donc voir leur responsabilité engagée. Chose étonnante, cette subtilité juridique – pourtant d’importance capitale en ce qu’elle aurait évité la poursuites des partenaires au profit de l’association de chasse – à l’encontre de laquelle les poursuites sont aujourd’hui prescrite – ne semble ravir, ni le parquet, ni la fédération des chasseurs constituée partie civile pour l’occasion. Poursuivre les chasseurs individuellement pour avoir pris part à des battues – au court desquelles aucune consigne ne leur a été donnée – est un non-sens juridique. Car enfin, ces derniers ne sont pas responsables en leur seule qualité de partenaires des statuts de l’association de chasse.
J’irai plus loin.
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— Eco & Beyond Fri May 04 20:17:00 +0000 2018
La poursuite des partenaires inverse le sens de la loi, pourtant d’interprétation strict en conduisant à une pénalisation de comportements individuels guidés par une éthique de chasse qui appartient à chacun – celle de lever le fusil – alors que l’article R428-2 du Code de l’environnement condamne lui, une gestion contraire au cahier des charges départemental ce qui n’est pas le même chose.En d’autres termes, peut-on pour reprendre le titre évocateur de votre article être poursuivis et condamnés pour avoir épargné ? La réponse est, fort heureusement, non. L’inverse serait une hérésie, en tout état de cause la mort annoncée d’une chasse éprise d’éthique. Cette éthique si précieuse en ce qu’elle fait de nous, non des « flingueurs », mais les héritiers d’une pratique qui n’a de sens qu’à travers ses valeurs.
Le Parquet maintiendra contre vents et marrées sa demande de condamnation à l’endroit de sept des douze chasseurs cités à des peines d’amende. Éclair de bon sens, la relaxe sera requise pour cinq d’entre eux qui n’étaient même pas partenaires lors de la saison incriminée. Ce procès fut surtout fut une formidable occasion d’expliquer, à travers le prisme juridique, à une Présidente intéressée par ce monde qu’elle semblait ignorer, que la chasse ne se résume pas seulement à « tuer », et que les chasseurs ne sont pas les simples exécutants quotas administratifs.
« Ne pas tirer est aussi un acte de chasse ». Cette affaire nous conduit inexorablement à nous inquiéter des menaces qui pèsent sur l’avenir de notre belle passion.
La mutation qui s’amorce, la volonté affirmée de politiques schizophrènes qui caressent d’une main de velours les associations animalistes et tiennent d’une main de fer les chasseurs, gommant dans cette pratique ancestrale –à coup de réformes électoralistes – toute notion de passion, de tradition et de plaisir au profit d’une chasse de « régulation » doivent nous interpeller. La disparition une à une des chasses traditionnelle sous couvert d’écologie – bien que les naturalistes « objectifs » – si rares –s’accordent sur le fait qu’elles n’ont aucun impact sur la biodiversité doivent nous conduire à une mobilisation sans faille des acteurs de la chasse pour défendre, cette chasse que nous aimons tant, celle éprise d’éthique dont nous sommes les dépositaires et que nous devons transmettre à nos enfants.
Mais voilà, un virage inquiétant a été pris avec notre complicité involontaire dans cette rapide entreprise de déconstruction de nos valeurs, lorsque, pendant la période de confinement, nous avons été privés de chasse mais sommés de participer à des battues de destruction d’ESOD (anagramme aseptisé pour qualifier les Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts) sous peine d’avoir à indemniser toujours plus de dégâts subis par nos amis agriculteurs. Telles des guêpes tombant dans le sirop, nous nous sommes précipités dans le piège. Il faut bien avouer que la tentation était grande. Nous étions tous, moi le premier, heureux de pouvoir retrouver nos forêts et amis pour traquer la bête noire que nous aimons tant.
Aveuglés par notre passion débordante, nous avons laissé nos dirigeants ouvrir la boîte de pandore. Mais sommes- nous prêts à abandonner notre statut de chasseur pour celui , exclusif, d’auxiliaire de l’intérêt général ?S’il convient de ne pas nier l’utilité publique de la chasse, car c’est un argument (parmi tant d’autres) en notre faveur, la participation à une mission d’intérêt général doit être l’accessoire et non le principal de notre passion. Comme en résonance avec ce constat, je finirai en rappelant la phrase lourde de sens par laquelle Madame le Procureur a entamé son réquisitoire :« Ici messieurs, la coutume ne fait pas loi ».
Certes, Madame le Procureur, Mais si, la bataille sémantique est peut-être déjà perdue, perdue, la guerre des valeurs reste à mener. Alors battons-nous pour transmettre à nos enfants nos coutumes et nos traditions et tirons les enseignements de cette affaire.
Battons-nous pour conserver cette liberté si belle, de pouvoir lever le fusil au passage d’un sanglier, d’une chevrette et de son petit, ou d’un renard sans avoir à lire de nouveau, dans les colonnes de nos canards, que des chasseurs ont été poursuivis et condamnés pour avoir simplement, par éthique ou sensibilité, refusé de tout tuer.Verdict le 25 novembre… »
Jonathan Savouret, Avocat