Surtout, ne parlons pas de racisme | L’actualité
Le gouvernement du Québec s’apprête à lancer une consultation sur le racisme et la discrimination systémique.
Ça, c’est la version officielle, mais Jean-François Lisée voit clair dans le jeu des libéraux. Ce n’est pas une consultation, oh non, c’est un «procès que le Parti libéral veut faire aux Québécois». On veut vous faire passer pour des racistes, mesdames et messieurs! C’est un procès, c’est le Nuremberg des pauvres!
En réponse, le premier ministre Philippe Couillard a choisi la voie de la raison, et il a expliqué son projet sur un ton posé.
…
BEN NON! Je vous niaise! On est au Québec, et on parle de racisme et d’identité. Couillard a donc choisi de qualifier le chef péquiste de «négationniste», un terme juste un tantinet connoté. Négationniste, parce que Jean-François Lisée et le gars louche qui essaie de te convaincre qu’Hitler avait quand même quelques bonnes idées: même combat!
Un autre débat bien engagé pour le Québec. Merci pour votre beau travail, les boys.
* Ici, le chroniqueur roule des yeux tellement intensément que ceux-ci restent coincés vers le haut et il doit taper le reste de sa chronique en se fiant à ses cours de dactylo. Vous lui pardonnerez les fautes de frappe.*
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On sait tous ce qu’est le racisme: c’est le commentaire malaisant que laisse tante Lucie sur Facebook, malgré sa photo de profil montrant une licorne qui boit dans un lac en arc-en-ciel.
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Mais la discrimination «systémique», qu’ossé c’est?
Selon le Barreau du Québec, il s’agit de «la production sociale d’une inégalité fondée sur la race dans les décisions dont les gens font l’objet et les traitements qui leur sont dispensés. L’inégalité raciale est le résultat de l’organisation de la vie économique, culturelle et politique d’une société».
En clair, ça veut dire que si tu n’as pas le look d’un Sylvain Tremblay, ça se peut que tu te butes à des obstacles invisibles et à des préjugés, vestiges de la façon dont le monde s’est organisé avec le temps.
Disons que la société est mon tiroir de chaussettes. Comme on fait systématiquement le lavage avant d’avoir vidé le tiroir, je ne pige jamais les bas du fond quand je m’habille le matin. Je n’ai aucun préjugé conscient envers les chaussettes du fond du tiroir, qu’elles soient résilles, en soie ou en coton («tous les bas sont de ma race», comme le chantait Vigneault), mais le système est arrangé de façon telle que je ne les choisis jamais.
C’est un peu ça la discrimination systémique. Un peu. Sauf que dès qu’on essaie d’en parler au Québec, on se fait répondre qu’on essaie de faire passer les Québécois pour des bas puants pleins de trous.
Dites «racisme systémique» et le cerveau de votre interlocuteur va se mettre à penser en majuscules avec des points d’exclamation, sous l’effet d’un étrange réflexe pavlovien, dans une discussion qui va ressembler à ceci:
— Peut-être qu’il existe en société des biais inconscients et des structures qui empêchent les minorités de…— HEY, C’EST PAS VRAI QU’ON EST TOUS DES RACISTES, OK?!— … OK. Ça tombe bien, ce n’est pas ce que je disais. Je parlais d’une commission qui remettrait un rapport, rien de contraignant qui…— ARRÊTE DE FAIRE PASSER LES QUÉBÉCOIS POUR DES RACISTES!!— … Accepterais-tu de faire semblant de t’appeler Mohamed la prochaine fois que tu essaies de louer un appartement?— … PAS RACISTES, OK?!
Viendra ensuite l’argument massue: le Québec n’est pas plus raciste que le reste du monde (ce qui est probablement vrai). Bref, vive le strict minimum! On ne voudrait surtout pas commencer à être meilleurs qu’ailleurs. À quand un trophée pour le fait qu’on n’appelle plus les Asiatiques des «Tchintoques»?
La peur de se faire traiter de raciste est profondément ancrée dans le Québécois moyen, surtout celui de tendance nationaliste. Depuis des années, il a l’habitude de lire que dans l’échelle du racisme, il est quelque part entre Mel Gibson déguisé en Hitler et Tintin au Congo, juste à côté d’une blague de Chinoise au volant de Peter Macleod. Au Canada anglais, la rumeur veut que le Bonhomme Carnaval soit un costume du Klu Klux Klan dont on a arrondi la tête.
En réaction, certains vont aujourd’hui à l’autre extrême et prétendent que le Québec est le seul endroit au monde où c’est inutile de s’interroger. Ici, tout va bien. Ici, la discrimination est le fait de quelques sombres individus, qui ont visiblement toutes leurs journées libres pour commenter sur Facebook.
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Ici, le taux de chômage des Maghrébins, des Noirs et des autochtones est à peine de deux à trois fois supérieur à la moyenne québécoise. Juste ça.
C’est d’ailleurs pour combler cet écart que Jean-François Lisée proposait récemment une banque de CV anonymes. La Gabriel-Nadeau-Dubois-isation de la politique québécoise lui aura rapidement fait oublier cette époque où il rêvait encore de ravir des votes à Québec solidaire.
Début mars, après une série de consultations, l’Ontario a publié ce communiqué intitulé: «L’Ontario combat le racisme systémique et lève des obstacles.» Et vous savez quoi? Personne n’est sorti d’un buisson en faisant: «Ha, HA! Je le savais que tous les Ontariens étaient de sales racistes!»
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