Après la naissance d'un enfant (superstitions chinoises)
Superstitions (traditionnelles) chinoises après la naissance. Extrait de "Manuel des superstitions chinoises, ou Petit indicateur des superstitions les plus communes en Chine."Par le P. Henri DORÉ, S. J. (1859-1931). Diffusé par chineancienne.fr sous license CC-by-nc-sa.
Le troisième jour après la naissance d'un enfant, une double cérémonie s'impose :
1° La prostration aux Esprits du lit. Ce jour‑là on place un coq près du lit de la femme accouchée, qui allume des bougies et fait des prostrations devant le coq, ki, même consonance que ki, faste : c'est un jeu de mots. Ce rite s'appelle : p'ai Tch'oang‑kong Tch'oang-mou, saluer les deux Esprits du lit, masculin et féminin. Au cas où la femme accouchée serait malade, cette cérémonie serait accomplie par la sage‑femme, si-p'ouo , vulgo tsié‑cheng. Le coq est immolé.
2° Si-san-tchao. Le bain du troisième jour. L'enfant est placé dans un bain chaud et parfumé de diverses façons avec des branches d'armoise et de hoai. On y jette quelques sapèques, et quelques fruits de bon augure, pour lui souhaiter bonheur et longue vie. Les garçons sont revêtus d'habits rouges après le bain rituel ; quant aux filles, elles sont vêtues d'habits verts. En cette occasion, diverses coutumes superstitieuses sont pratiquées suivant la diversité des pays ; toutes ont pour but d'écarter les mauvaises influences, pi-sié, et d'attirer les cinq bonheurs sur le nouveau‑né. Les parents et voisins offrent à la mère de l'enfant des gâteaux tsao‑lao et kang‑kao. Elle ne doit pas prendre d'autre alimentation pendant les trois premiers jours après ses couches. Ce temps expiré, les gens du dehors ne peuvent plus pénétrer dans son appartement, ce serait néfaste ! Au Kiang‑nan, l'accouchée boit trois fois par jour une décoction d'armoise, ngai-tsao, mêlée avec du sucre rouge, hong‑t'ang. Le troisième jour, on tire l'horoscope de l'enfant, et le devin détermine les douanes dangereuses qu'il devra passer ; il indique les moyens à prendre pour le tirer d'affaire. Le devin se base surtout sur le jour et l'heure de la naissance pour en tirer des présages. Ce jour‑là on remercie aussi Song‑cheng niang‑niang.
Man‑yué, à la fin du mois après les couches.Le mois terminé, tous viennent offrir leurs félicitations et leurs présents, l'heureuse mère peut aussi franchir le seuil de sa chambre. Parmi les présents figurent des pains sur lesquels on a imprimé le caractère hi, joie. C'est une réjouissance, une fête de famille très licite pourvu qu'il ne s'y mêle pas d'autres pratiques païennes.
Hiang-t'an. Si, avant la fin du mois qui suit l'accouchement, l'accouchée entrait dans une maison voisine, ce serait un présage de malheur. Le remède : dans les pays du Ngan‑hoei, on a recours à la vaporisation du vinaigre hiang‑t'an. On verse du vinaigre dans un creuset en fonte, chauffé au rouge ; l'odeur acide du vinaigre vaporisé chasse les influences néfastes.
La première sortie. Le mois révolu à partir du jour de la naissance, on rase la tête de l'enfant. Ceci fait, l'oncle paternel prend l'enfant dans ses bras, tandis que le mari de la tante maternelle prend un parapluie et l'étend au‑dessus de l'enfant. Tous deux le promènent ainsi sur la rue de la ville ou du bourg. Il n'aura plus jamais peur !
Kouo-k'iao Le même jour, le père ou la mère prennent l'enfant dans leurs bras ; d'une main ils tiennent des bâtonnets ╓10 d'encens allumé et passent un pont, en répétant par deux fois :Ni-p'ou p'a ! N'aie pas peur ! Les méchants lutins sont particulièrement à redouter près des ponts.
Keou-mao-fou. Après avoir rasé la tête de l'enfant, et avant de le sortir, on a soin de mêler une mèche de ses cheveux à du poil de chien ; on enferme le tout dans un sachet, qui est cousu sur ses habits. L'enfant muni de cette amulette peut être porté dehors, rien à craindre, ni pour lui ni pour les autres.
Les superstitions d'usage au sujet des enfants sont très nombreuses et très variées. Voici quelques‑unes des plus communes.
Poussahs sur le bonnet des enfants. Les païens aiment à orner le bonnet de leurs enfants de différentes statuettes de poussahs. De chaque côté du bonnet, au‑dessus des oreilles, figurent trois ou quatre statuettes de Maitreya (Mi-lei-fou), le Bouddha futur. Les Huit Immortels, Pa‑sien, de chaque côté.Les deux statuettes de Houo Ho eul sien, figurant joie et richesse. Statuettes des Esprits Fou, Lou, Cheou, bonheur, dignités, longue vie. Diverses inscriptions :Koan‑cha‑k'ai-t'ong, La douane du revenant est ouverte. Tch'ang‑ming fou‑koei, Longue vie et richesse. (C'est plutôt un souhait.) Une tête de tigre sur le médaillon central. L'image du dieu du bonheur, Fou‑chen. Tous ces ornements sont ordinairement en argent ou même en vermeil.
Eul tchoei-tse, pendants d'oreille. On perce l'oreille des petits garçons comme celles des petites filles, mais on ne leur donne qu'un seul pendant d'oreille. Les uns prétendent que c'est pour donner le change aux diables malfaisants. qui seront trompés sur le sexe de l'enfant. Les méchants lutins, croit‑on, en veulent spécialement aux garçons. Plus souvent, le pendant d'oreille affecte la forme d'un poids massif en argent ou même en or. Un poids est lourd, les méchants diables ne pourront pas soulever l'enfant et l'emporter 5 !
Pi-k`iuen, la boucle du nez. Les buffles et les bufs portent une boucle au nez, par ce moyen on peut les retenir à domicile, les empêcher de s'évader. De même la boucle passée dans le nez d'un enfant permettra de l'enchaîner à la vie, et les maladies ou les lutins ne l'enlèveront pas à l'affection de ses parents.
T'ien-tschou, le point rouge au front. Mot à mot : le cinabre du ciel. Le rouge est la couleur du yang, par conséquent du bonheur, de la vie. On marque les enfants d'un point rouge au front, sur les joues, comme gage de bonheur, de longue vie et de la protection du ciel. Le 5 de la Ve lune, au matin, on fait un mélange d'eau‑de‑vie et de phosphore, avec lequel on frotte la tête, les tempes, les oreilles des enfants. C'est une composition exorciste contre les Ou‑tou, les cinq venimeux. C'est, en chinois, un pi-sié, talisman exorciste, surtout si avec ce mélange on trace sur leur front le caractère wang, roi, c'est‑à‑dire le Tigre‑roi.
Hiang-k'iuen, le collier. Cercle d'argent passé autour du cou de l'enfant. Le but est de l'encercler à la vie. Dans les milieux grossiers, c'est un présage que l'enfant sera aussi facile à élever qu'un petit chien ; de là son nom vulgaire : keou k'iuen. Quelquefois le collier est imposé par le bonze, qui en garde la clef. Il faudra payer pour avoir celle‑ci. Le plus souvent, ce sont les parents et amis qui font les frais et offrent un beau collier d'argent pour le nouveau‑né.
Jen kan‑fou, choisir des pères adoptifs. Quand on a tout lieu de craindre pour la vie d'un nouveau‑né, on le fait adopter par huit hommes de la famille ou du voisinage. Ces huit hommes lui achètent un collier d'argent et un cadenas pour le fermer. Le jour où ils le lui mettent au cou, c'est le souo‑koan. C'est‑à‑dire qu'aucun lutin ne pourra lui nuire. La douane est fermée ! Quand l'enfant est arrivé à l'âge de 12 ans, les huit pères adoptifs reviennent et ouvrent eux‑mêmes le cadenas pour enlever le collier ; cela s'appelle : k'ai-koan, ouvrir la douane.
Lao‑jen‑koanSi le devin reconnaît que l'enfant doit passer la douane du vieillard, lao-jen‑koan, il n'y a qu'un moyen de l'arracher à un péril de mort certain : c'est de trouver un vieillard qui consente à porter le deuil ; alors l'enfant aura la vie sauve.
Yu-in, le sceau de jade. Un sceau de jade placé sur le bonnet d'un enfant en guise de médaillon frontal, est un talisman souverain contre la peur.
Griffe de tigre. Pour la même raison, des ornements d'argent ou de cuivre représentent une griffe de tigre. C'est de plus un talisman protecteur contre les ennemis transcendants.
Hou-lou, la gourde. Une petite gourde en cuivre, en argent, ou mieux sculptée en bois avec les planches d'un ancien cercueil, est un talisman efficace contre les maladies. Elle figure la gourde aux remèdes de l'Immortel Tchang Kouo-lao, et la gourde aux pilules d'immortalité de Lao‑tse. Cet ornement est attaché au bonnet des enfants.
Song-hiang-k'iuen, le collier de fer. Quand une famille éprouvée voit tous ses enfants mourir, les parents prennent part à sa douleur, et offrent, pour le premier garçon qui naîtra, un collier en fer, forgé avec le clou de la longévité qu'on voit fixé sur le cercueil des morts.
Pé-souo-cheng, la corde aux cent fils. Cordon passé au cou des enfants, et qui est destiné à enchaîner le nouveau‑né à la vie ; c'est une simple corde chez les pauvres. C'est une allusion à la prise de Maitreya par Lao-tse, qui lui passa au cou le cordon mystérieux que lui avait remis Bouddha 8.
Ts'ien-long, l'enfilade de sapèques. Il est d'usage de suspendre au cou des enfants quelques sapèques enfilées dans un cordon rouge. C'est un gage de richesse. Les païens y tiennent étonnamment. Les vieilles sapèques des règnes brillants sont préférées. Quelquefois le cordon et les sapèques sont déposés sur l'autel du Tch'eng-hoang avant que le collier soit passé au cou de l'enfant. Pendant la procession du Tch'eng‑hoang, le Pé lao‑yé porte des sapèques suspendues dans sa bouche, par un fil ;celles‑là sont particulièrement efficaces. Ces sapèques s'appellent han‑k'eou‑ts'ien, quand elles ont été suspendues par un fil au‑dessus du cercueil, et introduites dans la bouche d'un défunt. Les sapèques enfilées dans les tiges de roseaux formant l'ossature des maisons de papier, sont recueillies avec empressement, après la combustion de ces maisonnettes. On donne les sapèques aux enfants, qui les suspendentà leur cou. Ce sont là tout autant de talismans précieux .
Tai-souo, porter un cadenas suspendu au cou. Le cadenas, d'argent ou de cuivre, de formes très diverses, est suspendu à une chaînette d'argent. La chaînette est passée au cou de l'enfant ; alors il n'y a plus rien à craindre : il est enchaîné à l'existence, il ne mourra pas. De multiples inscriptions ou emblèmes superstitieux sont gravés sur ces cadenas. Parfois, les tao-che ou les bonzes le passent eux‑mêmes au cou de l'enfant et en gardent la clef, qui est déposée dans une ouverture ménagée sur le dos des statues dans les pagodes. Le sbire du Tch'eng‑hoang, appelé vulgairement M. Blanc, Pé lao-yé, porte dans sa bouche suspendus à des cordelettes, des cadenas amulettes, qui sont grandement appréciés des familles païennes .
Pé‑kia‑souo, le cadenas des cent familles. Acheté par la cotisation de toutes les familles voisines, parents amis, voisins. Il est plus efficace parce qu'il fournit la preuve que tout le monde aux alentours s'intéresse à la bonne santé de ce précieux bébé.
Pa-koa et médaillons superstitieux. Beaucoup d'enfants portent suspendus à leur cou des médaillons superstitieux de toutes les formes, ornés d'emblèmes ou d'inscriptions d'origine superstitieuse, quand ils ne le sont pas essentiellement. On y voit figurer, par ex. : les pa‑koa, huit trigrammes ; les Animaux du Cycle ; des talismans dessinés par les tao-che et les bonzes ; des figures de poussahs etc. ...
Tchouo-tse, le bracelet des filles. Dans le pays de Zang‑zôh (Kiang‑sou), les petites filles sont trop souvent vouées au démon, et pour gage de ce pacte honteux, elles portent au bras gauche, jusqu'à 13 ou 14 ans, les fers de l'esclavage. C'est un petit bracelet d'argent, fermé par un cadenas auquel est fixé une petite chaînette de même métal. Les familles moins à l'aise se procurent un appareil de même forme, mais en cuivre. Souvent, la clef du petit cadenas est déposée dans le ventre d'un gros poussah. Ces affreux magots en bois ou en boue, sont évidés à l'intérieur, et un trou ménagé dans leur dos, permet d'y déposer divers objets.
T'ao-ho-souo, les cadenas sculptés dans un noyau de pêche plate, pan‑t'ao. La pêche est le fruit de l'immortalité, servi au banquet des Immortels, chez la déesse Wang‑mou niang‑niang. Aussi les mamans aiment‑elles à attacher ces petits cadenas aux deux pieds de l'enfant. Pour les lier, elles se servent du cordon employé pour nouer la tresse de leurs cheveux.. Elles croient que ces cadenas procureront la longévité à leurs enfants.
Les sonnettes. Beaucoup croient que la coutume d'attacher des sonnettes aux pieds des petits enfants a eu pour but, en principe, d'effaroucher les esprits malveillants. Affaire d'intention !
Porter des habits de bonze. Généralement, c'est une promesse. faite à un poussah :« Si vous m'accordez un garçon, je vous le voue comme bonze à votre service, et il portera des habits de bonze. Par exception, il y a la routine, agissant sans réfléchir et par imitation du commun. Souvent le vu est conditionnel, on fixe l'âge de l'enfant, où il pourra être racheté par une aumône faite aux bonzes.
Pé‑kia-i, porter l'habit des cent familles. On va de porte en porte quêter un morceau d'étoffe, et avec ces pièces bigarrées et disparates on confectionne un habit pour l'enfant chéri qu'on veut préserver de la mort. Comment pourrait‑il mourir, quand tant de gens s'intéressent à son sort 16 ?
Pé‑kia‑sien, le fil des cent familles. On demande à tous les voisins un bout de fil, puis de ces fils multicolores on fait un petit pendentif qu'on suspend à l'habit de l'enfant. L'idée est la même que la précédente, mais le procédé est plus simplifié.
Pei-king. Des formules tantriques sont écrites sur de petits calepins minuscules, qu'on attache à la ceinture des enfants après avoir prié les bonzes de réciter ces formules. Elles préservent l'enfant des malheurs et de la mort.
Tchan-yao-kien, le sabre des obsèques. Le sabre magique composé de sapèques ou sabre pourfendeur de diables. On le suspend au lit ou à la muraille ; les diables effrayés à cette vue s'enfuient. Ce glaive leur rappelle les terribles sabres de Tchang T'ien‑che et de Tchong K'oei.
Le poignard homicide. Tout poignard avant servi à tuer un homme devient de ce fait un instrument transcendant, capable d'intimider les diables. Pour leur interdire l'entrée d'une chambre, il suffit de le suspendre au‑dessus de la porte.
Les clous de cercueil. Les clous de vieux cercueils deviennent aussi des talismans efficaces pour terroriser les diables.
Le crible et les 3 flèches. Le crible est le talisman au mille yeux appelé ts'ien‑li-yen. Les flèches sont fixées sur le crible avec cette inscription :Tch'oan-yun‑tsien, Flèches pénétrant les nuages.
Sachet de poils de chien. On suspend près du berceau un sachet contenant des poils de chien, un oignon, du charbon et des bâtonnets.
La culotte du père de l'enfant. Cette culotte est suspendue à la colonne soutenant les rideaux du lit. La ceinture doit être tournée vers le bas et les jambes en haut. C'est un pi-sié (ou pi-hiong ; d'autres écrivent pi) ou exorcisme.
Avant d'envoyer l'enfant à l'école. On invite le diseur de bonne aventure, qui examine les huit caractères, pa‑tse, de l'enfant et suppute le jour favorable pour l'entrée à l'école. En un mot, dans toutes les circonstances principales de la vie le devin donne une décision d'après les pa‑tse ; et après la mort, ils sont écrits sur la tablette de l'âme.
A l'âge d'1 an. Choix de la carrière. On dispose devant l'enfant divers objets : abaque, pinceau, outils ; suivant l'objet qu'il choisit, on augure de sa profession future.