Niqab, hidjab, burqa : des voiles et beaucoup de confusions

16/05/2022 Par acomputer 694 Vues

Niqab, hidjab, burqa : des voiles et beaucoup de confusions

Comment illustrer une information évoquant une ou des femmes voilées ? La question se pose régulièrement dans les rédactions. Et la réponse n’est pas toujours satisfaisante. Mercredi 10 juin, le site de Valeurs actuelles a ainsi utilisé cette image pour parler d’un fait divers impliquant une femme portant un hidjab :

L’image en question, prise par un photographe de l’AFP, montre des femmes de Bahreïn manifestant après la mort d’une femme détenue par les autorités. Ces femmes portent le niqab, et non le hidjab.

Le site de l’hebdomadaire n’est pas le seul à commettre ce type d’erreurs. Le Monde.fr a également fait la confusion par le passé, comme n’ont pas manqué de le relever d’autres sites. Un Tumblr, Réflexe Niqab, recense ce type d’erreurs commises au moment d’illustrer un article.

Pourtant, beaucoup d’éléments distinguent niqab, hidjab, tchador et burqa, les quatre principaux types de voile islamique. Explications :

1. Que dit le Coran du voile ?

Le voile est antérieur au Coran : dès les Assyriens, la femme libre est obligée de porter le voile, sous peine de sanctions. Une pratique qu’on retrouve, avec divers degrés d’obligation, chez les Juifs ou les Romains.

Le Coran reprend cette pratique et la codifie, sans toutefois explicitement préconiser le port du voile. Néanmoins, plusieurs écrits évoquent cette pratique pour les épouses du prophète Mahomet, notamment au verset 31 de la sourate 24 :

« Et dis aux croyantes de baisser leur regard, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. »

Mais aussi au verset 59 de la sourate 33 :

« Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grandes voiles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées. Allah est pardonneur et miséricordieux. »

Niqab, hidjab, burqa : des voiles et beaucoup de confusions

L’usage a ensuite différé, selon les pays et les époques, tendant parfois vers plus de souplesse, et d’autres fois, à l’inverse, vers une codification importante, qui a pu être érigée en loi par les régimes politiques des pays en question. On distingue à cet effet quatre types de voiles :

2. Le hidjab : le « voile » générique

« Hidjab » signifie en réalité « voile », « rideau » ou « écran ». Le terme désigne le voile dans son acception large, et donc toutes ses déclinaisons. Néanmoins, aujourd’hui, on l’emploie surtout pour parler du voile islamique le plus répandu, couvrant la tête et les cheveux, mais pas le visage.

Selon les régions du monde, le hidjab peut être porté autour du visage entier (notre photo, où il est porté par une Australienne), comme un simple voile couvrant la chevelure, ou en tant qu’élément d’un costume plus complet (Inde, Indonésie).

Le hidjab ne recouvre donc pas le visage, ni l’ensemble du corps, mais il en existe plusieurs types, qui peuvent être plus ou moins visibles.

3. Le niqab : le voile cachant le visage

En général de couleur noire, le niqab se distingue du hidjab car il masque aussi le visage, à l’exception des yeux. Son port est plutôt le fait de pratiquants d’un islam rigoriste, notamment les adeptes du salafisme. Le niqab s’accompagne parfois de gants destinés à cacher les mains (voire de lunettes de soleil ou d’un masque), et peut consister en un vêtement couvrant tout le corps.

Une controverse existe au sein de l’islam sur « l’obligation » ou non du port du niqab. Certains courants, rigoristes, estiment que c’est le cas, contre l’avis de la plupart des théologiens.

C’est le niqab qui a posé question en France, en 2011, et abouti à la loi interdisant le fait de se masquer le visage dans les lieux publics. C’est également le niqab qui est le plus souvent utilisé par la presse pour illustrer les questions de voile, alors même que son port est largement moins répandu que celui du hidjab.

Un autre vêtement se rapproche du niqab : le haik, une pièce de tissu attachée à la ceinture, que les femmes du Maghreb portaient avec un voile, parfois transparent, sur le visage. Il est aujourd’hui moins présent, mais existe encore dans certains villages.

4. Le jilbab saoudien, entre hidjab et niqab

Un autre vêtement, qui n’est cette fois pas limité aux cheveux et au visage mais englobe tout le corps, apparaît depuis quelques années : le jilbab, une longue robe, souvent noire mais pas exclusivement, et utilisée par les Saoudiennes. Contrairement au niqab il ne cache pas le visage, mais contrairement au hidjab, il couvre l’intégralité du corps, masquant les formes de ses porteuses, ce qui est vu comme « vertueux » par les défenseurs de ce vêtement.

Celui-ci, et son « équivalent » masculin (le qamis, une longue robe masculine de couleur unie, venue d’Arabie saoudite), sont parfois vécus comme étant eux aussi empreints d’une signification religieuse, voire les seuls vêtements « purs » pour de vrais croyants. Cette vision rigoriste est diffusée notamment dans l’islam salafiste.

Pourtant, de très nombreux théologiens refusent cette interprétation, rappelant qu’historiquement, les musulmans se sont habillés très différemment selon les pays et les époques, et que ces deux vêtements sont surtout originaires du golfe Persique.

5. Le tchador : vêtement iranien

Fréquemment employé pour « niqab », le tchador est en réalité un vêtement (de couleur bleue, noire ou plus rarement blanche) correspondant à une pratique précise : celle du chiisme iranien. Le tchador n’est pas seulement le voile (qui se porte, comme le hidjab, sans couvrir le visage), mais une pièce de tissu, sans manches, que les femmes iraniennes portaient avant l’avènement de l’islam.

Au départ porté durant la prière, le tchador est devenu obligatoire dans la rue au XVIIIe siècle. Le chah d’Iran l’a ensuite interdit en 1936, demandant aux policiers de faire la chasse aux femmes qui le portaient.

Dans les années 1970, les femmes iraniennes avaient adopté des voiles plus légers, laissant voir les cheveux. Mais, à partir de 1979 et l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny, le tchador a été remis à l’honneur. Néanmoins, son port n’est pas obligatoire dans l’Iran actuel, un foulard cachant les cheveux et des vêtements dissimulant les formes étant suffisants.

6. La burqa : vêtement imposé par les talibans afghans

Là aussi source de nombreuses confusions, la burqa n’est pas le niqab. Et ce vêtement n’existe que très peu en dehors de l’Afghanistan, où il est né. La burqa, souvent de couleur bleue, est un vêtement couvrant tout le corps, y compris le visage. Un voile ou une « grille » de tissu sont installés au niveau des yeux pour permettre de voir.

Ce vêtement, devenu un symbole de l’oppression subie par les femmes dans des pays aux mains d’islamistes radicaux, n’existerait que depuis quelques décennies sous cette forme, le vêtement traditionnel afghan étant plus proche du tchador iranien.

Ce sont les talibans, fanatiques islamistes, qui ont imposé la burqa lors de leur arrivée au pouvoir dans le pays, à la fin des années 1990. Leurs motifs pour le faire étaient différents de ceux évoqués dans le Coran : il ne s’agit pas de voiler la femme pour sa protection, mais bien pour éviter aux hommes la tentation.

Samuel Laurent

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