L’injustice vestimentaire des poches des femmes enfin prouvée

15/02/2023 Par acomputer 564 Vues

L’injustice vestimentaire des poches des femmes enfin prouvée

Seulement 10% des poches des femmes peuvent contenir une main de femme, tandis que 100% des poches des hommes peuvent contenir une main d’homme. Pour obtenir ces chiffres, l’organisation journalistique The Pudding a mesuré les poches de jeans provenant de vingt marques différentes (dont Levi’s, Lee, H&M et Abercrombie). « Nos mesures ont confirmé ce que chaque femme sait déjà : les poches des femmes sont ridicules », déclarent les auteurs de l’étude. Et à ceux qui répondraient déjà que « c’est normal puisque les hommes sont plus grands que les femmes », ils expliquent avoir comparé des jeans de taille similaire, 32 pouces de tour de taille, des deux côtés.

En moyenne, les poches avant des jeans pour femmes sont 48% plus courtes et 6,5% plus étroites que celles des hommes. The Pudding s’est aussi « amusé » à comparer les poches des deux genres en mesurant ce qu’elles pouvaient contenir. Résultats : un iPhone X et un portefeuille entrent dans 40% des poches féminines et dans 100% des poches masculines tandis qu’un Samsung Galaxy peut être inséré dans 20% des poches de femmes contre 95% des poches pour hommes.

Difficile de faire entrer un téléphone portable dans une poche de femme © Mikaela Shannon / Unsplash

Si cette particularité vestimentaire peut sembler banale, elle représente pourtant un réel problème pour certaines femmes. Les hommes peuvent ainsi se permettre de ranger leurs effets personnels dans leurs poches (portefeuille, téléphone portable, trousseau de clés, etc.) tandis que les femmes doivent compter sur un sac pour faire le job, ce qui n’est pas pour déplaire à « l’industrie du sac à main et ses 8 milliards de dollars », rappelle très justement The Pudding. Le cas des poches intérieures des vestes est encore plus flagrant : les hommes en ont, mais pas les femmes (ou alors très rarement). Pire encore : certains pantalons de femmes contiennent de « fausses poches », c’est-à-dire une couture représentant une poche… mais sans trou.

L’injustice vestimentaire des poches des femmes enfin prouvée

Pour trouver l’origine de cette « injustice vestimentaire », il faut remonter au Moyen-Âge. À l’époque, les hommes et les femmes avaient des « poches » nouées autour de leur taille, comme des petits sacs bananes. Mais à partir du 17e siècle, les poches sont directement cousues sur les vêtements des hommes, tandis que les femmes gardent leurs poches « portables », de très grandes poches de tissus dissimulées sous leurs robes.

Jusqu’à la fin du 18e siècle, les poches se nouaient à la taille, sous la robe principale © National Museums Liverpool

La Révolution française changera la donne. Alors que le milieu du 18e siècle, baigné dans le style rococo, produisait de larges jupes décadentes, la garde-robe des femmes change drastiquement vers la fin du siècle : les jupes se resserrent, la taille remonte et la silhouette s’éclaircit. Un tel look néoclassique n’offre plus aucune place aux poches. Or, les femmes ont toujours besoin de porter leurs affaires. C’est la naissance du réticule, l’ancêtre du sac à main. Les poches des femmes n’ont plus qu’à disparaître.

Pour The Pudding, il s’agit là d’un véritable problème d’égalité. « Les poches sont des espaces privés et cachés. En limitant l’espace dans lequel les femmes (du 18e siècle, NDLR) pouvaient contenir leurs affaires en sécurité et en leur confisquant la mobilité de leurs deux mains, l’époque leur limitait également leur capacité à naviguer dans l’espace public, à transporter des lettres privées et à voyager seule. Cette idée est dépassée ».

En 1954, le célèbre couturier Christian Dior prononcera une phrase symbolisant tout le sexisme de ce « pocketgate » : « Les hommes ont des poches pour garder les choses, les femmes pour la décoration ». Sauf que depuis, l’époque a changé et les habitudes (et droits) des femmes aussi. The Pudding le dit si bien : « Que voulons-nous ? Des poches fonctionnelles. Quand est-ce que nous les voulons ? Maintenant, ou plutôt il y a plusieurs siècles ».