FRANCE :: LES RAISONS DES EMPOISONNEMENTS AU CAMEROUN? PAR L'ECRIVAIN CALVIN DJOUARI

24/07/2022 Par acomputer 620 Vues

FRANCE :: LES RAISONS DES EMPOISONNEMENTS AU CAMEROUN? PAR L'ECRIVAIN CALVIN DJOUARI

Le sort des Mbenguistes en séjour au Cameroun, livre à la face de notre société la méchanceté des hommes. La nouvelle court les rues depuis quelque temps. Les Mbenguiste de Paris, Bruxelles, en passant par les Etats unis et le Canada, sans oublier ceux du Moyen Orient ou de l’Asie ne sont pas les bienvenus au Cameroun. Après un retour euphorique pour retrouver leur famille avec qui, ils veulent passer les jours heureux pour des souvenirs précieux, les Mbenguistes sont la cible des compatriotes jaloux de leur effervescence. Par un détour de bière, un poison aphrodisiaque leur est servi au cours d’un cocktail. Ils sont tués comme des poulets de ferme, en dehors de toute considération humaine.

Je tiens à préciser que ce qui se passe aujourd’hui au Cameroun n’est pas trop différent de la réalité qui a toujours existé dans les crimes organisés autrefois dans notre pays. Cette situation dramatique pousse une grande partie des Mbenguiste aujourd’hui à atterrir incognito et en repartir sans faire de bruit. D’autres n’ont presque plus de chance de fouler le sol camerounais puisqu’ils ont été menacés à bout portant.

Imaginez une personne qui arrive au Cameroun et dès l’aéroport, il fait quelquesaccolades avec ceux qui sont venus l’accueillir, tout à coup, il commence à ressentir des crissements dans son corps et deux heures après, il vomit du sang… Arrive-t-on à peser le désespoir des familles qui perdent un de leur surtout quand ce dernier était le pionnier et le porte flambeau ?

Le cas le plus flagrant fut la mort de cette Tatiana Tchoubou. Celle-ci vivait au Canada.Après un mariage féerique, elle a vu son sort se sceller pour toujours. Quand on arrive au Cameroun désormais, on nous demande d’être prudent. Des parents refusent carrément que leurs enfants mettent le nez dehors, les Mbenguistes habitués à déambuler dans les rues du quartier et à tenir des discours lénifiants et soporifiques à des amis parlent désormais à partir d’un petit trou de la fenêtre.

Qu’est-ce qu’un Mbenguiste ?

Le mot Mbenguiste est vulgarisé dans les années 80 pour désigner les gars qui venaient de Douala. À l’époque douala était une ville de référence. Elle était propre et lumineuse surtout la nuit. Les habitants d’une autre ville du Cameroun étaient fascinés par la présence d’une personne qui venait de douala par le simple fait qu’il venait de cette cité.Les Miss de la petite cité qui tombaient sur vous à bouche que veux-tu. Mbeng, c’était Douala. On reconnaissait l’habitant de Douala par sa coiffure, ses vêtements bigarrés, mais raffinés, ses allures d’homme mondain et sa façon posée de s’adresser aux autres compatriotes. Le Mbenguiste était donc une personne venant de douala et Douala n’était pas Yaoundé.

Douala fascinait quiconque la visitait, surtout pour son côté hétéroclite, son aspect baroque. C’est une ville où les envers se côtoyaient ; c’était la ville des réjouissances, de l’effervescence, ouverte, où tous les visiteurs pouvaient se promener à loisir même la nuit en regardant les cuisses des jeunes filles perchées sur des balcons, qui attiraient les regards des passants. Cette ville, garnie d’histoire qui rappelle un passé tumultueux mais gai, unit le passé et le futur.

Douala était donc une ville de prédilection pour les camerounais de l’arrière-pays. Tous les passants jouaient le rôle d’un personnage fabuleux, et y tissaient des intrigues qu’ils racontaient au retour dans sa ville d’origine. Lorsque tu avais bien raconté ton histoire, on te donnait le titre de Mbenguiste, c’est-à-dire, l’homme qui avait visité Douala.Aussi, dans ces années 80, apparaissent les premiers sapeurs après le passage de Djo Balard à la télévision camerounaise. À Deido, tous les jeunes blondins vont affûter leur costume et les grands tailleurs vont proliférer. Tous les soirs à partir de 16 h, ils ciraient leur chaussure derrière les maisons en « carrabote ». Frais et souriants, vantards et mythomanes, les Mbenguiste de douala se remarquaient par sa chaussure et son pantalon rouge dressé sous un blouson en cuir noir, une canne à la main droite avec à la bouche une pipe sans tabac.

On le voyait alors monté Bessengué jusqu’à Mbali à pieds avec les « Banayé Banayé » qu’ils distillaient à tout passant.Ces gars sans occupations réelles, faisaient fureur à Bali. C’est la première vague de ceux-ci qui prennent le chemin de l’aventure et s’arrêteront à Dakar au Sénégal, où ils rencontrent les Capverdiennes qu’ils confondent à des Européennes. Les métisses capverdiennes sont versées à Dakar.

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Mais la femme capverdienne aime faire l’amour. Chez elle, c’est tous les jours, certains camerounais vont prendre la poudre d’escampette, ils terminent leur course dans un bateau qui va à Paris. Les Mbenguiste de Bali deviennent après quelques années des Parisiens. Pendant les vacances, ils organisent les descentes au Cameroun. Ils continuent à s’appeler Mbenguiste dans l’hexagone. Lorsqu’ils retournent au Cameroun, ils sont baptisés par les anciens admirateurs de Bali comme des Mbenguistes en provenance de Paris. Ils auront comme capitaine le kribien P. Kalagang.

Pendant leur séjour, ces Mbenguiste de Paris mènent un quotidien qui ne s’épuise pas sans retentissement. Ils flânent, ils boivent, ils sont dans toutes les rues. Ils organisent des ambiances où on leur donne la fine fleur du quartier. C’est à cet instant que l’imaginaire des jeunes se nourrira et s’émancipera. Les plus petits auront aussi ces rêves de juteux éthyliques. Lorsqu’ils retournent en France, ils ramènent dans leur bagage, leur petit frère Mbenguiste en herbe. C’est celui-ci qui va causer un problème quand il faut parler de la France. D’abord, il informe les autres restés au pays que les recruteurs pour le boulot les attendent à l’aéroport, que les femmes blanches sont dans les bancs publics et attendent les Noirs… que le blanc porte une chaussure une seule fois et jette, qu’il y a le parfum qui embaume l’air aux champs Élysées. Que les prêtres jettent leur voiture après deux ans d’usage. Ces petits veulent tout avoir, ils veulent tout toucher, ils veulent montrer, qu’ils connaissent tout, ils habitent aux Champs Élysées, qu’ils sont les voisins de François Mitterrand, que s’il avait voulu, il aurait été choisi pour la mission Ariane dans l’espace. Ils sont les amis de Paul Pogba, qu’ils peuvent se rendre chez ce dernier quand ils veulent, et au Cameroun avec ces genres de petits discours quelles petites peuvent résister ? Au Cameroun, ces gamins faisaient des promesses de mariage au moins à 12 filles.

Combien de petites ont laissé tomber leur petit copain lorsqu’elles ont fait connaissance avec un Mbenguiste ? Même les femmes éminentes tombent devant le Mbenguiste, surtout quand elles n’ont jamais visité l’occident. Elles voient le Mbenguiste comme un Martien ; tout ce qu’il dit est beau, tout ce qui sort de sa bouche est vrai.Une petite anecdote en passant, en 1976, Ewané ancien boursier du Cameroun en Angleterre retourne à Kolouloun. C’est inédit, D’abord, on a balayé les rues de son quartier ; tout le village est sorti jusqu’au chef pour l’attendre à l’aéroport. On a barré la voie du quartier afin qu’une voiture ne passe pas devant le portail qui pourrait réveiller Ewané quand il dormait ; il y avait deux personnes devant la porte pour demander au passant de faire moins de bruit lorsqu’ils traversent. Quand Ewané passait dans les rues du quartier dans toutes les maisons, c’était… "Ewané passe…" "Ewané passe…" Les habitants se plaçaient à la fenêtre pour voir Ewané marcher.Je me souviens aussi que le camp Yabassi a connu sa vedette Mbenguiste. Celui-ci s’appelait le marseillais. Après six ans d’études à Marseille, notre ami était de retour, le traitement qui nous avait été réservé me fit prendre la décision de venir voir ce qu’il y avait de ce côté. Il était interdit de lui parler sans intermédiaire. Notre ami à son retour de Marseille, arpentait les rues du quartier avec des Bodyguard, les méfiances étaient de taille. Ce qui suscita une théorie de Nelson restée célèbre : quand tu suis le Mbenguiste… Tu es considéré comme un mendiant… Quand tu le gardes à distance… Tu es jaloux…oh pauvre de nous, nous étions des gamins qui ne savions même pas comment on tue une mouche. Je ne suis pas historien des mœurs, mais comme les romanciers ne s’effacent pas devant les problèmes de sociétés, laissez-moi parler de ces expériences personnelles.

Outre ce petit détail, des camerounais sont partis du Cameroun avec beaucoup de problèmes sur le dos : certains ont pris les tontines et ont fui. Je ne parlerai pas des détournements de fonds dans les petites structures où ils étaient caissiers. Chez les femmes, il y a celles qui ont arraché le mec de leurs copines au point de se marier avec ce dernier. Vous voyez d’où peuvent naitre les rancœurs quand ce mari les a amenées en occident. Des coups bas entre copines. C’est fréquent. Et quand on dit copine, ce sont des personnes qui étaient comme des sœurs. Une jeune fille avait pris le blanc de sa camarade intime qu’elle aidait à dialoguer sur Internet. Une sœur qui s’est volatilisée avec le passeport et le billet d’avion de sa grande sœur en vacances au Cameroun ; à l’aéroport elle a commis une erreur après l’enregistrement intimant à l’hôtesse qu’on lui remette sa grande valise alors que l’hôtesse la conservait pour les bagagistes de l’avion.

Les vies dans nos voisinages de quartiers sont des vies foncièrement de jalousie. Il suffit de passer un bon diplôme ou de trouver un bon travail ou si tu es un artiste, d’avoir un petit succès pour que ton voisin du quartier ou ton ami de tous les jours, ne te salue plus. Les calomnies commencent, ils peuvent se rendre à ton lieu de service inventé un passé sur toi. Les gens ont quitté souvent le Cameroun parce que l’atmosphère est invivable, une personne ne te connaît pas, mais fait un récit homérique sur ta personne. Et une fois que tu retournes, c’est ce même gens qui cherche à te liquider.

Les empoisonnements de Mbenguiste, ne datent pas d’aujourd’hui, il est très ancien, avant on rendait le Mbenguiste fou, ou très pauvre, comme un possédé. On te lançait des maladies en permanence. La seule chance, ça n’atteignait très souvent pas à cause de la distance et des océans qui aimante ces potions dans les profondeurs. Il s’agit d’ailleurs d’un domaine où les preuves scientifiques sont difficiles à obtenir.On empoisonne les gens tout simplement parce que, quand tu voyages, tout le monde compte sur toi, surtout les tantes et les oncles. Ils veulent que leurs enfants passent avant tes propres petits frères. Lorsque tu ne fais pas venir ces cousins ou ces cousines, ils te feront payer cela d’une manière ou d’une autre.

Pendant ton séjour au Cameroun, le danger est partout, dans ta propre famille, ceux qui n’ont pas bénéficié de ta présence en occident, et même aussi dans ta belle-famille. La belle famille est celle qu’on redoute le moins, on s’expose, mais c’est là où peut venir le danger. On te fait du mal parce qu’on estime que c’est toi qui empêches à leur fils ou fille de les faire venir. Un cousin ou une cousine qui est déçu de leur cousine en Europe peut empoisonner le mari de cette cousine. On peut également liquider ton enfant quand on a pu t’avoir. Les gens seront étonnés quand je le dis, mais ce sont des expériences vécues, parce que l’objectif était de faire mal à leur cousine qui est ta femme. Toujours les proches qui sont déçus. En dehors de ceux-ci, il a les amis. On a des amis qui nous sont toujours chers. Lorsque tu les quittes, ils sont désemparés, s’il y a moyen, ils n’hésiteront pas à t’éliminer.Il n’y a pas d’ancien ami cher au Cameroun. Quand ce n’est pas le poison, de gangs armés qui font irruption organisés par tes proches. Un Mbenguiste qui refusait de boire dans un bistrot avec des amis qui tentaient de l’empoisonner ce jour-là, s’est vu interpellé dehors pour se faire bastonner grièvement, par des personnes montées par ceux qui l’en voulaient.

Le mobile souvent, c’est la jalousie. Je le redis, quand on ne peut pas t’atteindre, on cherche à atteindre tes proches, ta femme en visite au Cameroun ou ton fils ou ta fille peut se faire empoisonner par ta propre famille parmi laquelle on trouve toujours des gens qui sont mécontents de toi. Et n’importe qui peut être exécuteur. Pourtant, c’est dans sa belle-famille qu’on fait moins attention. Le poison, c’est encore au Cameroun, un jour, il arrivera à Paris, et te sera servi par la personne dont tu t’attends le moins.

Les investissements des Mbenguistes choquent. Des mariages grandioses avec les riches peuvent provoquer la jalousie des copines. Quand on commence à chercher le visa et qu’on le dise à son entourage, c’est difficile de l’obtenir, ils feront tout pour que tu ne l’obtiennes pas. L’esprit négatif a aussi une pensée magique, surtout lorsque deux personnes sont au courant.

Le genre de poison.

Souvent les dents de vipère écrasées en poudre, ou des vers séchés, de peau de grenouille, d'os humains, d'écailles de poisson et de diverses plantes maléfiques. D'apparence anodine, ces substances suffisent pour détruire l’organisme. En effet, de nombreux médecins font mention de cas d'empoisonnement issu des éléments tirés chez les animaux. Le mieux connue d'entre elles, le poisson ballon, l'intoxication de la graisse de ce poisson qui vient rarement à la surface des eaux peut entraîner de nombreux troubles dans le corps détruisant en passant le métabolisme pour installer la victime dans un coma.

Les victimes d'empoisonnement alimentaire viennent fréquemment des végétaux, fortement toxique qui contiennent des toxines et des propriétés à la fois euphoriques et hallucinogènes. Absorbé, le poison créé une importante diminution du rythme cardiaque. Ses effets, consommés en forte dose, sont dévastateurs. Deux rats écrasés suffiraient pour altérer de façon significative l'état de conscience et les capacités intellectuelles d'une personne intoxiquée. Dans d’autres cas, le poison est versé le plus souvent dans la chaussure ou sur le dos de la personne visée afin qu'il imprègne la peau, on verra la peau pourrir jusqu’au cerveau. Nous voici qui glissons allègrement dans un jeu périlleux dans une autre culture camerounaise. Celle de la coupe des nations des empoisonnements.