Fusillades à Montréal « Assez, c’est assez »
L’attaque qui a fait trois morts à Rivière-des-Prairies lundi soir était la goutte de trop:le SPVM veut mettre fin dès maintenant àcesactes de violence qui inondent la ville depuis le début de l’été. La police promet d’avoir les gangs de rue à l’œil.
La police veut «prévenir la réplique»
L’avertissement ne pouvait être plus clair: «Assez, c’est assez. À partir d’aujourd’hui, vous avez toutes les forces du SPVM sur le dos. Si j’ai une recommandation à vous faire, c’est de cesser immédiatement tous les actes de violence», a tonné David Shane, porte-parole du corps policier, à l’attention des groupes criminels derrière les fusillades survenues cet été dans la métropole.
«Il aurait pu y avoir des victimes collatérales», a poursuivi l’inspecteur d’un ton grave, offrant ses condoléances aux familles des personnes tuées lundi soir, à Rivière-des-Prairies, au cours de la fusillade.
Cet épisode sanglant s’inscrit dans la foulée des nombreux évènements survenus au cours de l’été [voir notre carte à l’onglet suivant].
Devant cette flambée de violence, la Sûreté du Québec (SQ) collaborera dorénavant avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour lutter contre le trafic d’armes àfeu. Pour accentuer la pression sur les groupes criminels, des ressources spécialisées en enquête criminelle viendront prêter main-forte.
Un conflit qui s’exacerbe
Les cinq hommes visés lundi soir, des individus connus des policiers, se trouvaient à l’avant et à l’intérieur de l’appartement2 au 9301, boulevard Perras, à Rivière-des-Prairies. L’immeuble avait déjà été visé par des tirs, le 5juin dernier, sans faire de blessés. Selon de nombreuses sources policières, il s’agit du repaire des Profits Kollectaz, gang de rue d’allégeance rouge présent dans le nord-est de Montréal.
Trois personnes sont mortes et deux se sont retrouvées à l’hôpital dans un état stable. L’un des hommes tués était muni d’une arme à feu chargée. Il n’y a pas eu d’échange de coups de feu, mais une trentaine de projectiles ont été tirés.
Devant l’appartement où s’est produit la fusillade, un trou de balle était visible dans lafenêtre avant du balcon, au passage de LaPresse mardi soir, alors que le périmètre de sécurité installé par les policiers venait d’être levé, peu après 20h.
Les policiers y étaient depuis la veille; au total, le périmètre de sécurité est donc resté en place environ 24heures.
«Nos enquêteurs avaient des expertises à faire sur place. Ils ont rencontré des témoins, récolté de l’information. Aujourd’hui, c’était surtout l’analyse de la scène avec l’identité judiciaire. Dans un cas d’homicide, c’est très, très minutieux. C’est la raison pour laquelle ça peut prendre autant de temps», a résumé en soirée l’agente Véronique Comtois, porte-parole du SPVM.
Dans le quartier, bien des résidants semblaient inquiets après la levée du périmètre de sécurité, mardi soir. «On espère que tout ça va s’arrêter, mais la réalité, c’est qu’on ne le sait pas», résume un résidant du quartier, sous le couvert de l’anonymat. De son balcon, il affirme que la fusillade et la violence dans le secteur l’incitent à aller s’installer ailleurs, tant pour sa sécurité que pour celle de ses proches. «On ne prendra pas de risques», poursuit-il en soupirant. «On ne sait pas ce qui peut arriver. C’est sûr que c’est assez préoccupant», ajoute un autre résidant.
Parmi les trois défunts, on compte un membre des Profits Kollectaz et deux membres des Block Boys, groupe affilié à cette clique, ont confirmé à LaPresse des sources policières. Selon une personne proche des Profits Kollectaz, le conflit s’est exacerbé au terme de multiples provocations sur les réseaux sociaux. Durant la pandémie, les gangs opposés n’avaient pas accès l’un àl’autre.
Craintes de répliques
La majorité des actes violents des derniers mois sont attribuables à des groupes criminels, selon DavidShane. Il s’agit de conflits personnels ou de disputes territoriales liées au trafic de stupéfiants.
De nombreux résidants des secteurs environnants craignent aussi de potentielles ripostes de cliques rivales. «Notre priorité, c’est de prévenir la réplique. Des effectifs supplémentaires feront des patrouilles ciblées dans les endroits que nous connaissons», explique l’inspecteur Shane.
En entrevue avec LaPresse, le porte-parole aévoqué une banalisation des armes à feu. Ainsi, des luttes de territoire, des conflits personnels entre des chefs ou des tentatives de contrôle de gangs de rue par des groupes du crime organisé sont tous des facteurs pouvant faire augmenter le nombre de fusillades dans la métropole, explique MariaMourani, criminologue et présidente de Mourani-Criminologie. «Tout ça fait ensorte qu’il y a des années [où] c’est très calme,et des années où c’est plus chaud», explique-t-elle.
Faire des choix
Pour lutter contre cette flambée de violence qui génère inquiétude et insécurité chez la population, le SPVM a mis en place une équipe vouée à la lutte contre le trafic d’armes (ELTA). Au lendemain des évènements de Rivière-des-Prairies, de nombreux résidants remettaient en question les efforts policiers mis en place et le peu d’arrestations. «Je vois des patrouilles, maispas plus qu’avant», soutient ChristinaGrandpierre, jeune résidante duboulevard Perras depuis 19ans.
Bien que les membres de groupes criminels soient connus des services policiers, «il y a une différence entre l’information, le renseignement et la preuve», justifie DavidShane.
L’ELTA ne peut pas être partout. Aucun corps policier ne peut être à chaque coin derue, tout le temps. Il faut faire des choix stratégiques.
DavidShane, inspecteur du SPVM
La clé du succès, c’est la collaboration du public, dit-il. Conscient de la peur face à de possibles représailles, il invite tout de même la population à divulguer le plus d’informations possible sur de potentielles activités criminelles. «De grâce, on vous appelle à communiquer. Il n’y a pas d’information trop petite pour nous. Chaque arme qui va être enlevée sauve une vie.»
Plus de 350armes à feu ont été saisies depuis la création de l’ELTA, en janvier. Ramener l’escouade Gangs de rue n’est pas sur la table, indique M.Shane. «Ce travail, on le fait de façon organique à même nosunités.»
Pinned to Wiki for Blind on @Pinterest: How To alleviate headaches during pregnancy https://t.co/DFP0lcNrf7
— Wiki for Blind Sun Oct 23 00:36:26 +0000 2016
Selon le professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal MarcOuimet, nous sommes témoins d’une «accessibilité grandissante [aux] armes de poing». Le nombre d’armes saisies a grimpé de 23,8%. Une tendance qui semble se poursuivre en2021.
Un contrôle serré des armes à feu fait partie des solutions à instaurer afin que les fusillades diminuent à Montréal, selon la criminologue MariaMourani.
Il y a un grand marché desarmes. Personnellement, jetrouve qu’on ne s’attaque pas assez à ce phénomène.
La criminologue MariaMourani
La surveillance des frontières est aussi capitale, selon la spécialiste. «En même temps, 80% des armes illégales viennent desÉtats-Unis, affirme-t-elle. Il y a une différence entre nos lois et les leurs, qui font que les armes à feu sont très accessibles et qu’elles traversent facilement les frontières.»
En février, alors que l’ELTA voyait le jour, la présidente de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec, MichèleGoyette, avait soutenu qu’il était «possible de réduire le besoin d’appartenance aux gangs de rue auprès des jeunes, à condition de fournir des activités où ils peuvent se réaliser, que ce soit dans le sport ou les activités parascolaires».
Évènements troublants
Les importants déploiements policiers sont chose commune pour ChristinaGrandpierre. Mais les évènements de lundi soir étaient «particuliers».
«Il y a toujours eu ces conflits. On ne s’en mêle pas, et c’est tout. Mais trois morts et deux blessés à l’intérieur… C’est un choc. Avant, les fusillades, c’était plus devant lescommerces, pas les résidences», fait remarquer la résidante du boulevard Perras.
«Il n’y a rien qui me fait plus mal que d’entendre ces citoyens qui disent vouloir quitter leur quartier», a ajouté CarolineBourgeois, mairesse de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal.
Elle a souligné les efforts du SPVM, mais considère que la lutte contre la violence armée doit être une priorité nationale. «Montréal ne peut pas être seul au front là-dedans.»
Ils et elles ont dit
Que des fusillades surviennent chez nous, c’est troublant et préoccupant. Mes condoléances aux proches des victimes. On va protéger les Montréalais et les Québécois.
FrançoisLegault, premier ministre du Québec
Comme la population montréalaise, je suis choquée par la fusillade d’hier [lundi] à [Rivière-des-Prairies]. La violence armée doit cesser. La sécurité des Montréalais-es est une priorité inconditionnelle. Notre équipe est pleinement mobilisée et travaille avec le SPVM pour trouver les coupables.
ValériePlante, mairesse deMontréal
La fusillade d’hier [lundi] et l’augmentation de la violence par arme à feu àMontréal au cours des dernières semaines sont troublantes, et ça doit cesser. J’offre mes condoléances aux familles et aux amis des victimes. Mes pensées vous accompagnent pendant cette période difficile.
JustinTrudeau, premier ministre du Canada
Mes condoléances aux proches des victimes. Nous devons tous lutter contre la criminalité et débarrasser nos quartiers de cette violence. Les citoyens ont le droit à la sécurité.
MarcTanguay, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de justice
Plusieurs morts et blessés causés par une fusillade à Montréal, encore. Il faut agir pour que cesse cette intolérable escalade de violence par arme à feu. Les citoyens et les familles ont droit à la sécurité. Sincères condoléances aux familles éprouvées.
MartinOuellet, porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique
Montréal a besoin de quiétude. Montréal n’est pas sécuritaire présentement, et on a besoin d’envoyer des messages très clairs à la population.
DenisCoderre, candidat à la mairie de Montréal
Propos colligés par CoralieLaplante et Mayssa Ferrah, La Presse
Flambée deviolence
Plus de 20 évènements impliquant des armes à feu. Deux homicides. Près d’une dizaine de tentatives de meurtre. En l’espace d’un mois, en juillet, le territoire du SPVM a connu uneinédite flambée de violence. Alors que s’amorce le mois d’août, deux fusillades sont déjà survenues à Montréal, qui ont fait quatre blessés et trois morts.
1erjuillet
Saint-Michel25e AvenueDes coups de feu ont été tirés par un suspect de 21ans, ne faisant ni mort ni blessé.
2juillet
Montréal-NordRue PierreVers 18h45, un homme de 29ans a étévisé par des coups de feu provenant d’un véhicule.
3juillet
Sud-OuestRue CanningUn homme de 21ans, Suman Mohammed Sayum, a été abattu alors qu’il se trouvait dans son véhicule.
5juillet
Montréal-NordÀ l’angle de l’avenue de Pariset de la rue MonseletUn homme de 43ans, Ernst Exantus, aété abattu peu avant minuit. La victime était surveillée par les policiers dans quelques enquêtes majeures ces dernièresannées.
6juillet
Saint-MichelParc ChampdoréTentative de meurtre survenue pendant la nuit. Un homme de 18 ans a été blessé par balle.
7juillet
Sud-OuestÀ l’angle du boulevard Newmanet de la rue Viola-DesmondUn homme d’âge inconnu a été blessépar balle près d’un immeuble résidentiel vers 15h.
9juillet
Côte-des-NeigesChemin de la Côte-des-NeigesDeux hommes de 17 et 19ans ont été blessés par balle au milieu de la nuit.
11juillet
Ville-MarieÀ l’angle des rues Atatekenet Saint-Antoine EstÉchange de coups de feu entre deux groupes d’individus, sans faire de blessé.
11juillet
Sud-OuestÀ l’angle des rues Quesnel et CanningProjectile d’arme à feu tiré sur la fenêtre d’une résidence, aucun blessé.
11juillet
VerdunÀ l’angle des rues Gilberte-Dubéet Wellington En plein jour, un coup de feu est tiré vers le véhicule d’un homme de 28 ans, qui n’a pas été blessé.
11juillet
Saint-LaurentÀ l’angle de la rue Robert-Choquetteet du carré Pauline-LighstoneUn homme de 27ans a été blessé par balle vers 19h alors qu’il se trouvait dans son véhicule.
14juillet
Sud-Ouest Rue JolicœurPlusieurs tirs ont traversé la fenêtre d’unlogement, sans faire de blessé.
16juillet
Plateau Mont-RoyalAvenue ColonialeNi mort ni blessé malgré plusieurs tirs.
17juillet
Montréal-NordÀ l’angle des rues Pascale et RollandNi mort ni blessé.
18juillet
Pointe-ClaireStationnementdu centre commercial FairviewUne voiture criblée de balles après une altercation entre deux individus, qui ont quitté la scène avant l’arrivée des policiers.
22juillet
Saint-LéonardCafé SorrentoUn homme qui n’était pas visé par les tirs a été blessé par des éclats de verre lors de cette fusillade possiblement liée au crime organisé.
24juillet
Hochelaga Avenue de CarignanUn impact de projectile à travers la fenêtre d’un logement, aucun blessé.
25juillet
Sud-Ouest À l’angle des rues Dominion et QuesnelUne femme de 22 ans est blessée par des éclats de verre à l’intérieur de son véhicule.
30juillet
Ville-MariePrès du Centre BellUn homme de 22 ans est atteint par balle après une altercation.
30juillet
Saint-Michel21e AvenueDeux femmes ont trouvé la porte de leur domicile criblée de balles.
1eraoût
Saint-LéonardRue De CapriVers 20h45, un conflit aurait éclaté entre un groupe de personnes. Un homme de 18ans a été blessé par balle.
2août
Rivière-des-PrairiesBoulevard PerrasUne fusillade en fin de soirée fait trois morts et deux blessés, tous des hommes connus des policiers.
Avec Daniel Renaud, LaPresse