Patti Smith se confie dans une interview inédite - Rolling Stone

17/12/2022 Par acomputer 612 Vues

Patti Smith se confie dans une interview inédite - Rolling Stone

« Je dois encore trouver comment je peux servir au mieux cette nouvelle époque dans laquelle nous vivons, » a confié Patti Smith dans une nouvelle interview accordée à Rolling Stone

Patti Smith n’est pas du genre à être casanière, mais cette année 2020 a fait l’exception, évidemment ; la pandémie l’ayant forcée à rester dans sa ville natale. « Je n’ai pas quitté New York depuis plus d’un an, ce qui est la plus longue période d’enracinement depuis que mes enfants ont grandi, confie-t-elle à Rolling Stone USA. Je n’ai pas l’habitude d’être enracinée à un seul endroit. Mais j’ai passé la plupart de mon temps à écrire. »

Maintenant que le monde est en train de se remettre peu à peu, l’artiste et musicienne globe-trotter est prête à remonter sur scène. Après avoir donné une poignée de concerts à New York au cours de ces derniers mois, elle se prépare à se produire les 22 et 23 mai au festival de printemps en plein air du Kaatsbaan Cultural Park à Tivoli, dans l’État de New York. Ces concerts serviront, en partie, à célébrer le 80e anniversaire de Bob Dylan, qui aura lieu le 24 mai.

Le festival propose également de la sculpture, de l’art culinaire et de la danse, ainsi que des spectacles de Yo La Tengo et Steve Gunn. « [Le festival] a été créé il y a longtemps pour la danse, explique Smith. Et ils élargissent leur champ d’action cette année, ce qui est passionnant ».

Rolling Stone a pu lui poser quelques questions…

Revenons en arrière : quel a été le dernier concert que vous avez joué avant les confinements ?

Patti Smith : Les trois derniers concerts que nous avons donnés, l’un d’entre eux était un grand show à Los Angeles et faisait partie du festival Power to the People ! d’Herbie Hancock (début mars 2020). Il avait un côté politique très galvanisant. Puis nous sommes allés à San Francisco et avons joué dans l’un de mes endroits préférés [le Fillmore West]. Et bien sûr, c’est un lieu historique. J’y ai joué de nombreuses fois, tout le monde y a joué. Vous montez ces longues marches en métal, et vous pouvez imaginer Jerry Garcia et toutes sortes de gens montant sur les marches du Fillmore West. Ces deux jours ont été très forts.

Et puis on était prêts pour une tournée mondiale. J’avais fait mes valises pour l’Australie. On était censés faire un dernier concert à Seattle, mais il a été annulé le jour où on était sur place. Et puis nous sommes rentrés à la maison et nous nous attendions à être en quarantaine et à passer par tout ce que nous devions passer. Mais, bien sûr, aucun d’entre nous n’avait prévu que nous serions sans travail pendant peut-être deux ans ou plus.

Dans quoi avez-vous canalisé votre énergie pendant cette période ?

Patti Smith : J’ai beaucoup de chance car j’écris partout où je vais. Je n’ai pas l’habitude d’écrire [à la maison]… Je suis une voyageuse. Et ce qui a été le plus difficile pour moi, ce n’est même pas de ne pas jouer, c’est d’être ancrée dans une seule ville… C’est le manque d’engagement physique qui a été difficile. Je ne suis pas une personne qui va à la salle de gym et tout ça. Je veux dire, je vais avoir 75 ans – je fais trois ou quatre concerts par semaine. C’est vraiment ma détente physique et mon exercice. Donc ça me manque vraiment beaucoup.

Patti Smith se confie dans une interview inédite - Rolling Stone

Mais j’ai de la chance, j’ai d’autres disciplines. J’ai pu écrire, prendre des photos et m’engager mentalement. Mais je sais que cela a été très, très dur pour les miens, pour tous les musiciens, pour ceux qui dépendent vraiment des spectacles et des tournées, non seulement pour leurs revenus mais aussi pour leur façon de créer. Je ne peux donc pas vraiment me plaindre, car j’ai beaucoup de travail à faire.

Après avoir vu New York rebondir suite à des événements comme le 11 septembre ou l’ouragan Sandy, comment voyez-vous le retour de la ville dans le domaine de la musique après la pandémie ?

Patti Smith : Je ne m’inquiète pas pour New York, mais pour le monde entier. New York va retrouver son chemin. La situation est mondiale… C’est sans précédent, car il s’agit du monde entier, partout dans le monde, les gens souffrent de la même manière. New York est une ville qui ne cesse de se reconstruire, de se réinventer et de survivre.

Je suis toujours optimiste. Je pense qu’il est important de rester optimiste et je pense aussi qu’il est important d’être capable de s’adapter. Nous devons nous adapter ; les choses ne vont pas rester les mêmes comme par magie. Nous devons être patients, créatifs, et voir comment nous pouvons redessiner notre monde.

Vous avez récemment recommencé à jouer en concert. Comment cela se passe-t-il pour vous ?

Patti Smith : Je n’ai fait que deux [séries de concerts]. J’ai fait quelque chose au Brooklyn Museum pour les travailleurs [dans le cadre de NY PopsUp]. Et puis j’ai fait deux spectacles au City Winery, très petits, avec mon fils [Jackson] et mon pianiste, Tony Shanahan. Je dois dire que c’est un défi. Je veux dire, c’est un défi, parce que, premièrement, vous devez vous « dépoussiérer ». Et puis je suis une artiste tellement viscérale que j’ai l’habitude d’avoir des gens très proches de la scène et d’interagir avec eux physiquement, voire même de leur serrer la main. Je pense qu’il est important de faire ces petits pas et de trouver sa voie. Mais c’est comme pour tout le reste, il faut renforcer ce muscle de la scène.

Nous devons faire ces choses par étapes. Mais je suis juste d’un autre temps. Je suis une artiste assez irrévérencieuse. J’aime les gens, mais j’aime que les choses soient un peu… pas dangereuses, mais bruyantes. Et même quand je fais un événement autour d’un livre, il y a une certaine quantité d’engagement, et même un engagement physique. Même le simple fait de se tenir debout pour lire un livre peut être engageant.

[Se produire maintenant] exige une certaine dose de compréhension, de compassion et de discipline par rapport aux nouvelles règles. Par exemple, je suis le genre de personne qui aime bouger autour des gens, passer du temps avec ceux qui attendent à l’extérieur de la salle, signer des trucs. Je suis une personne qui, quand je chante, a beaucoup de salive dans la bouche (… Je dois encore trouver comment je peux servir au mieux cette nouvelle époquz dans laquelle nous vivons.

Vous avez donc ce festival à venir. Parlez-nous en un peu.

Je suis très enthousiaste car ce sera mon premier concert en plein air et j’aime jouer dans cette condition (…) Et cet endroit est vraiment merveilleux. Je suis allée à Tivoli et c’est un endroit historique. C’est grand, c’est magnifique, là-haut. C’est une belle période de l’année. Je ne sais pas si vous le savez, mais c’était autrefois la ferme de chevaux des grands-parents d’Eleanor Roosevelt.

Je voulais faire quelque chose là-bas, quelque chose d’intime, mais quelque chose de spécial. Et j’ai réalisé que nous jouions juste deux jours avant l’anniversaire de Bob Dylan. Et il aura 80 ans, le 24. J’ai donc pensé que ce serait vraiment bien de faire quelque chose de spécial pour Bob. Donc, nous allons faire, je ne sais pas, cinq ou six chansons de Bob Dylan et des chansons de mon cru et quelques poèmes et d’autres trucs. J’ai écrit quelques poèmes à Bob quand j’étais jeune. Je trouverai quelque chose de spécial.

Pouvez-vous nous parler de la première fois que vous avez rencontré Bob Dylan ?

La première fois que je l’ai rencontré, c’était en 1974, je crois, et il est venu nous voir. Je crois que c’était au Bitter End [à New York]. Nous n’avions pas de contrat d’enregistrement. On jouait juste et il est venu nous voir. Et puis il est venu dans les coulisses. Je veux dire, j’aimais Bob Dylan depuis que j’avais 16 ans et soudain il était là. Il est entré et a dit : « Hé, il y a des poètes par ici ? » Et j’ai dit : « Je n’aime pas la poésie. »

C’est comme si un lycéen était méchant avec une fille parce qu’il l’aimait vraiment. C’est comme ça que j’agissais. Il avait un bon sens de l’humour et nous sommes devenus assez amis, en fin de compte. Et je pense que son soutien à notre groupe nous a vraiment aidés à être signés, car tout le monde l’a remarqué.

Quel message donneriez-vous à vos collègues artistes qui sortent enfin la tête de l’eau ?

Je veux juste leur dire… Je compatis vraiment avec ces gens, avec nos danseurs, nos actrices, avec le théâtre, avec les artistes du monde entier. Je suis sûr que le retour sur scène sera merveilleux (…) Mais c’est un défi à relever. C’est un défi dans cette situation de distanciation sociale et un défi juste pour reprendre pied. Ce n’est pas plus difficile que lorsque vous n’êtes pas montés à cheval depuis un certain temps et que vous vous y remettez. La première fois, la chevauchée est peut-être un peu difficile. Et puis les deuxième, troisième fois, vous volez.

Propos recueillis par Brenna Ehrlich