Voiture électrique : Renault se relance sans surenchérir sur Volkswagen
Après plusieurs semaines à distiller les informations qui doivent dessiner sa stratégie d'électrification, Renault est donc rentré dans le vif du sujet ce mercredi matin... Ceplan était très attenduau moment où les grands groupes annoncent d'imposants plans d'électrifications, au point que certains d'entre eux ont même décidé de changer de modèle industriel en adoptant le modèle Tesla (intégration verticale, amont et aval). Luca de Meo, lui, a choisi de ne pas aller aussi loin, sans pour autant minimiser les ambitions technologiques de sa stratégie.
Sous une thématique graphique très branchée, baptisée ElectroPop, la conférence de presse du groupe automobile français s'est surtout employée à détailler dans un jargon très technique, les arbitrages technologiques et les innovations qui doivent repositionner le groupe dans l'écosystème de la voiture électrique. De multiples experts ont tenté de vulgariser acronymes barbares (BMS, NMC, EESM...), et éléments de langages de polytechniciens (flux axial, machines synchrone à rotor bobiné...) qui doivent conduire Renault à redevenir le groupe innovant qu'il fut en matière d'électromobilité.
De beaux restes
Car Renault semble avoir perdu l'avance qu'il avait acquise il y a une dizaine d'années quand son patron d'alors,Carlos Ghosn, avait lancé parmi les premiers en Europe (et sous les moqueries), une voiture 100% électrique en Europe avec la Zoé. "Faux", répond Luca de Meo, son directeur général, qui a rappelé que Renault a consacré 5 milliards d'euros d'investissements sur cette technologie, a accumulé 10 milliards de kilomètres parcourus à travers son parc roulant de 400.000 voitures... Pour le nouveau patron, Renault a encore de beaux restes sur l'électrification pour enclencher une phase 2très ambitieuse, mais surtout à des coûts ultra-compétitifs, tout en engageant 10 milliards d'euros d'investissements supplémentaires sur les dix prochaines années.
Renault estime ainsi disposer d'expertises déjà investies pour améliorer ses moteurs électriques actuels et créer une nouvelle gamme, et sans terres rares cette fois. Le groupe mise également sur un nouveau type de moteurs dit à flux axial, pour améliorer les performances des moteurs hybrides. Il s'appuiera sur une startup française, Whylot, pour mettre en service ce moteur dès 2025.
En outre, Renault a une idée pour récupérer la partie de la valeur ajoutée qui va s'évaporer par la bascule entre voiture thermique et électrique en réinternalisant différents éléments de l'électronique de puissance (onduleur, convertisseur, chargeur embarqué...). C'est également tout l'enjeu de la stratégie autour des batteries dont Luca de Meo espère diviser le prix par deux en dix ans tout en lançant une nouvelle génération (en partenariat avec la startup française Verkor) à la densité énergétique beaucoup plus forte pour une gamme de modèles plus hauts de gamme ou sportives.
Nissan doit entrer dans la danse
Enfin, deux plateformes seront créées pour concevoir deux gammes de voitures. La CMF-BEV servira de base pour bâtir des voitures "abordables". Renault estime être capable de fabriquer une voiture électrique un tiers moins cher que l'actuelle Zoé. La plateforme CMF-EV attaquera les segments C et D, deux territoires où Renault est structurellement faible mais que Luca de Meo a mis en tête de ses priorités de reconquête.
Sauf que pour que l'équation réussisse, il faut que Nissan, son allié dont il possède 43% du capital, entre dans la danse puisque d'après la communication de Renault, il faut que 3 millions de voitures soient amorties sur la première plateforme en 2025, et 700.000 sur la seconde. Or, Nissan n'a encore rien annoncé, et Luca de Meo, lui-même, a refusé de s'exprimer sur la part du groupe japonais, lors de la séance des questions-réponses.
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En mal de modèles et de nouveautés (l'actuelle Zoé a plus de dix ans, malgré ses trois restylages), Renault s'est laissé distancer par les autres constructeurs généralistes qui ont déployé en moins de deux ans, une pléthore de nouveautés sur tous les segments (berlines, SUV...). En outre, le groupe est sous pression après les annonces spectaculaires de Volkswagen décidé à renverser son modèle industriel en adoptant une intégration verticale (gestion des bornes de recharge, maîtrise logicielle) ou d'Audi, Fiat ou Volvo qui basculeront au 100% électrique autour de 2030.
Un objectif 2025 timide, celui de 2030 plus ambitieux
Mais, Luca de Meo ne veut pas entrer dans une surenchère et préfère se concentrer notamment sur un aspect industriel avec le redéploiement des capacités industrielles autour d'Electricity (cinq usines dans les Hauts-de-France d'où sortiront 400.000 voitures par an). Sur la stratégie de gamme, le plan compte une dizaine de modèles à horizon 2025. Sur les objectifs également, les ambitions de Renault semblent mesurées avec 65% de voitures électrifiées en 2025 (c'est-à-dire voitures hybrides comprises). Renault juge toutefois être en mesure d'atteindre les 90% de ventes 100% électriques en 2030, ce qui implique une stratégie de produit plus étoffée mais également un redéploiement industriel plus conséquent.
S'il manque un trou dans la raquette, ce pourrait bien être celui de la maîtrise logicielle. Pour les experts, la véritable rupture technologique induite par le modèle Tesla réside dans cette expertise qui permet d'optimiser la gestion électronique des batteries, du moteur et des équipements intérieurs. Celle-là même qui a manqué à l'ID.3 lors de son lancement par Volkswagen à l'été 2020 et qui a conduit Herbert Diess à renverser la table devant son conseil d'administration. Luca de Meo, transfuge du groupe Volkswagen, n'ignore pas de tels enjeux. Il a d'ailleurs lancé sa Software Republique pour réfléchir, pour le moment, à l'écosystème de la connectivité de demain.
Nabil Bourassi5 mn
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