Comment Air France en est arrivé là
La direction d'Air France et les syndicats ont détaillé ce vendredi les mesures supplémentaires pour atteindre les objectifs du plan Transform 2015, notamment le plan de départs volontaires (PDV) concernant 2.800 personnes. Celui-ci touchera 1.826 postes au sol, dont 582 affectés au hub deRoissy-Charles de Gaulle et 591 dans les escales de province. Les mesures concernant le sureffectif des navigants (350 pilotes et 700 hôtesses équivalents temps plein) seront présentées ultérieurement.
Il s'agit du deuxième PDV en deux ans,aprèscelui lancé l'an dernier (3.400 personnes), et le troisième depuis 2009 (1.900 personnes sont parties en 2010). Résultat, avec les départs naturels non remplacés, Air France aura supprimé d'ic à fin 2014 près de 10.000 personnes en cinq ans, et comptera moins de 50000 salariés (70.000 filiales comprises, et 100.000 pour Air France-KLM). L'objectif de la compagnie est de revenir dans le vert en 2014 après avoir cumulé, pendant les six années de pertes consécutives, plus de deux milliards d'euros de pertes d'exploitation.
"On vivait au-dessus de nos moyens"
Comment en est-on arrivé là? Beaucoup d'observateurs ont souvent invoqué la crise en mettant en avant les difficultés structurelles des compagnies traditionnelles (manque de compétitivité à cause d'une taxation excessive, développement des transporteurs du Golfe et des low-cost…). Tout cela est vrai, mais n'explique pas tout. Air France est entrée dans la crise de 2009 moins bien préparée (en termes de coûts) que ses concurrentes Lufthansa et British Airways et, durant les premières années de la crise, la compagnie tricolore a tardé à réagir. "On vivait au dessus de nos moyens", reconnaît-on en interne. D'où aujourd'hui l'intensité du plan Transform 2015. Lancé le 10 janvier 2012, il ambitionne de réaliser deux milliards d'économies au cours des trois prochaines années à l'échelle d'Air France-KLM. Plus précisément, générer d'ici trois ans 2,9 milliards d'euros de cash flow, dont deux milliards pour Air France et 900 millions pour KLM, les deux filiales à 100% du groupe Air France-KLM. Ceci dans le but de réduire la dette de 2 milliards durant la période pour ramener la dette à 4,5 milliards d'euros.
Quand Air France-KLM caracolait en tête du transport aérien
Des objectifs très ambitieux pour se remettre sur les rails alors que, quelques années plus tôt, le groupe était montré en exemple pour ses excellents résultats, comme British Airways l'était dans les années 90. Pour rappel, en mai 2008, au moment où le baril franchissait les 100 dollars et où l'économie américaine montrait des signes inquiétants d'essoufflement après la crise des subprimes débutées à l'été 2007, Air France-KLM annonçait une hausse de 13% de son bénéfice d'exploitation pour l'exercice 2007-2008 à 1,4 milliard d'euros (un record). Sauf que ces chiffres étaient trompeurs. Ces bons résultats provenaient plus de l'efficacité des couvertures carburant (des instruments d'achats anticipés qui visent à payer le pétrole moins que le prix marché) qui, par exemple en 2007-2008, ont contribué à hauteur d'un milliard au bénéfice d'exploitation ! Ils provenaient également plus de la très bonne profitabilité de KLM, que de la performance réelle d'Air France, souvent surestimée.
Baisse de la recette de 15% en 2009
Durant cette période, la compagnie n'a pas su profiter de cette situation favorable pour baisser suffisamment ses coûts. Notamment lorsqu'ont été renégociés les nouveaux accords collectifs avec les pilotes en 2006 et les hôtesses et stewards en 2008. Ceci alors que dans le même temps, en février 2008, l'accord salarial pour le personnel au sol, est revu à la hausse. Il est même signé par la CGT, pour la première fois depuis 1982. L'augmentation des salaires en 2008 sera, en moyenne,de 3% (assortie d'une prime uniforme annuelle revalorisée de 200 euros, l'équivalent d'une hausse de salaires de 0,6 %), alors qu'elles étaient habituellement calquées sur les prévisions d'inflation autour de 1,6 %.
En outre les gains de productivité provenaient essentiellement d'une politique de croissance des capacités à effectif plus ou moins stables. Quand les recettes unitaires se sont effondrées avec la crise de 2009 (de 15%), Air France a bu la tasse. Plus que les autres. Les résultats des trois premiers mois de 2009 en attestent. Durant cette période, Air France-KLM a perdu 529 millions d'euros (en exploitation) contre seulement 44 millions pour Lufthansa.
Le rebond de 2010 mal apprécié
Ensuite, le groupe a tardé à réagir. Certes, le traumatisme dans laquelle était plongée l'entreprise après l'accident du Rio-Paris le 1er juin n'était pas propice à des mesures drastiques. Toujours est-il que le plan de départs volontaires portant sur 1800 personnes décidé en août 2009 était largement insuffisant. Par ailleurs, le rebond de l'activité pendant quelques mois en 2010 a été mal apprécié. Croyant que la crise était finie, le groupe n'a pas voulu se priver de bras pour repartir de l'avant. Hélas, ce rebond, qui s'est traduit par des très bons résultats semestriels en 2010, n'était qu'un feu de paille. La crise est repartie de plus belle et, après une crise de gouvernance en 2011 qui n'a pas arrangé les choses, il faudra attendre début 2012 pour que soit lancé un plan à la hauteur des enjeux.
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