Le vélo à hydrogène roule vers le futur

28/02/2022 Par acomputer 797 Vues

Le vélo à hydrogène roule vers le futur

Vélo MagPragma Mobility fabrique, loue et recycle le seul « vélo à hydrogène » au monde. (DR)

À Biarritz, Pragma Mobility fabrique, loue et recycle le seul « vélo à hydrogène » au monde. Si les piles à combustibles, moins polluantes que les batteries au lithium, ne sont pas LA solution miracle, elles ont un bel avenir devant elles : spécialement sur nos vélos ?

Olivier Haralambon mis à jour le 15 octobre 2021 à 17h00 commenter

Pas de bruit, pas de fumée. On se targue de rouler électrique plutôt qu'au diesel, et ce serait faire preuve de mauvaise foi que de n'y voir aucune amélioration. Mais pour autant la propulsion électrique ne saurait être parée de toutes les vertus, et un progrès apparent peut s'avérer n'être qu'un nouvel avatar du problème.

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Certes, le déplacement d'un véhicule électrique ne génère pas de pollution immédiate (si l'on excepte les particules générées par l'usure mécanique), mais on ne peut pas en dire autant de sa fabrication, ni de son avenir : car, si l'électricité est un phénomène naturel, les batteries sont un casse-tête écologique.

Des batteries polluantes

De ce point de vue, on peut se demander si les batteries au lithium qui alimentent actuellement les moteurs électriques valent beaucoup mieux que les bonnes vieilles batteries au plomb, parfois à l'origine de phénomènes d'intoxication massifs mais indispensables aux démarreurs de nos moteurs thermiques.

La présence dans leur composition de certains métaux aggrave lourdement leur empreinte carbone dès la fabrication. Plus ou moins rares, ces minerais génèrent une activité minière excessivement polluante. Il faut noter au passage que le lithium lui-même n'est pas tant rare que « diffus » et qu'il suppose l'extraction de quantités phénoménales de roches, une énorme consommation d'eau, l'utilisation massive de véhicules thermiques, etc.

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Par ailleurs, à l'heure actuelle, le recyclage de ces batteries est pour le moins imparfait : il consiste à fondre les métaux pour les séparer par aimantation, mais le lithium lui-même, étant présent non pas sous forme métallique mais sous forme de sels, n'est pas récupérable !

La pile à combustible, le vélo à hydrogène

Le vélo, emblème écologique s'il en est, n'échappe pas à ces lourds enjeux. « On estime que 600 millions de VAE (vélo à assistance électrique) seront vendus dans le monde dans les 10 prochaines années, le défi écologique posé par les mobilités douces est immense », explique Pierre Forté, PGD de Pragma-Industries, société spécialiste des piles à combustibles, dont la filiale Pragma-Mobility produit aujourd'hui le seul « vélo à hydrogène » au monde. Une pile à hydrogène transforme l'énergie chimique, libérée par la réaction entre hydrogène et oxygène, en énergie électrique, ne rejetant ainsi que des molécules d'eau.

1 à 5 minutes Le temps de recharge d'un vélo à hydrogène.

« Surtout, poursuit Monsieur Forté, notre pile contient 5 à 10 000 fois moins de métaux qu'une batterie au lithium. Il s'agit de très faibles quantités de platine - 5 à 7 mg par pile - lequel est un métal rare, qui comme tel doit être récupéré, mais dont nous assumons nous-mêmes le recyclage. »

Côté performance, mentionnons la « densité énergétique » du système, pour le moins intéressante, puisque 1 kg d'hydrogène équivaut à l'énergie stockée dans... 75 batteries au lithium. Ainsi le vélo Alpha fait place à un réservoir de 3 litres à 300 bars de pression, qui permet au système délivrer 1 150 W/h ! Le temps de recharge est ridiculement faible (1 à 5 mn), et l'autonomie est comprise entre 100 et 200 km. La durée de vie de la pile est de 13 ou 14 ans (contre 2 à 4 pour une batterie au lithium), et celle du réservoir de 25 ans.

« Ce qui n'a aucun intérêt pour l'utilisateur, remarque Pierre Forté. Mais pour nous ça signifie que le vélo a une valeur résiduelle, puisque notre activité, de la production au recyclage en passant par la location, boucle le cycle de vie complet du système. L'objet en fin de vie est encore source de valeur ajoutée. C'est donc son recyclage qui nous permet de faire baisser le prix d'achat du vélo ! En 2017, les prototypes "sortaient" à environ 15 000€, le modèle Alpha Neo devrait n'afficher que 4 690€. Quant à la location longue durée que nous souhaitons privilégier, notre objectif est d'en descendre le tarif sous les 90 € par mois dès l'année prochaine. Ce ne sont pas des économies d'échelle, c'est de l'ingénierie. »

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Pas la panacée, mais...

Pour autant, l'hydrogène n'est pas la solution miracle. Non seulement les bornes de recharge ne sont pas monnaie courante _ elles font partie du pack que Pragma Mobility propose à ses clients - mais à l'heure actuelle, à 90 % la production de di-hydrogène, certes moins polluante que celle des batteries au lithium, est loin d'être neutre pour l'environnement en termes de gaz à effet de serre.

« On essaie de tout faire en France »

Pierre Forté, PDG de Pragma Mobility

« Cela dépend de la façon dont il est fabriqué, il existe des solutions plus vertueuses que d'autres, poursuit le PDG de Pragma Industries. Il y aura des différences géographiques, comme avec la production d'électricité : si vous roulez électrique en France, vous roulez au nucléaire. Si c'est en Allemagne, vous roulez au charbon à 50 %. Et en Angleterre, au gaz naturel à 46 %. »

Le chemin vers un hydrogène « vert à 100 % » est encore long. Mais l'annonce faite ce mercredi 12 octobre par le président de la République, d'attribuer 7 milliards d'euros au secteur de la production d'hydrogène, est une bonne nouvelle.

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En outre, ce plan est une promesse de subventions pour les clients potentiels de Pragma Mobility que sont les collectivités locales. « De notre côté, on fabrique et on recycle. On essaie évidemment de tout faire en France. Pour l'heure on a un atelier de recyclage à Biarritz, un labo à Grenoble. Ces 7 milliards ne sont pas faits pour alimenter l'économie chinoise ! » conclut M. Forté.

publié le 15 octobre 2021 à 11h57 mis à jour le 15 octobre 2021 à 17h00