Faut-il sauver les fonderies en France ?

02/08/2022 Par acomputer 703 Vues

Faut-il sauver les fonderies en France ?

Les Fonderies de Bretagne sont dans l’actualité, comme la « Société Aveyronnaise de Métallurgie » (SAM). Plus généralement, ce sont les fonderies de France qui sont menacées. Mais pourquoi ?

La plupart de ces fonderies sont issues d’un historique de petits ateliers régionaux. Accolés souvent à une mine locale (charbon, minerais de fer, etc.) ces forges comme on les appelaient autrefois ont disparu peu à peu. Désormais, on compte plus en France que 380 établissements qui emploient 29 000 salariés. La moitié environ travaille pour la filière automobile en produisant des blocs moteur, des collecteurs d’échappement, des carters, les éléments de suspension, des disques de frein, etc. Fonte, aluminium, etc. les produits sont divers.

50 millions d’euros d’aide pour les fonderies

Le point quasi commun à tous ces établissements est le fait d’avoir été durant des années la propriété d’un constructeur, ou de n’avoir eu comme client principal que ce constructeur automobile. Désormais, ces mêmes constructeurs se tournent vers des usines étrangères où la main d’oeuvre coûte moins cher et où certaines normes environnementales peuvent être plus souples.

Les Fonderies de Bretagne (FDB) anciennement Société bretonne de fonderie et mécanique (SBFM) est un peu l’exemple type. Créé en 1966 par la Régie Renault, à Caudan près de Lorient, FDB a eu pour client principal son propriétaire, Renault jusqu’à la fin des années 90. Renault représentait plus de 70% des commandes et la fonderie tournait bien.

Renault a revendu en 1998 la fonderie à l’Italien Teskid qui la revend en 2006 à un autre Italien : Zen. Mais la superbe est partie et la fonderie est déjà en grandes difficultés. Il faut dire que le groupe Zen qui s’est fait une spécialité de racheter les fonderies moribondes n’arrive plus à tenir le cap. SBFM n’est pas la seule puisque toutes les activités France du groupe Zen sont concernées avec plus de 2200 salariés au total en comptant Rencast, Fabris ou d’autres.

Renault cherche un repreneur, 12 ans après avoir racheté FDB

L’ancien propriétaire et toujours client principal, Renault, rachète la fonderie en 2009 après un plan drastique de départs. De plus de 600 salariés on est environ à 400 employés de ce qu’il faut désormais appeler la Fonderie de Bretagne. L’an dernier déjà, on a prêté à Renault l’intention de fermer FDB. Après un premier mouvement syndical, l’activité est repartie.

Mais, début mars 2021, Renault a annoncé au comité social et économique (CSE) qu’il cherchait un repreneur pour la fonderie. Et qui dit repreneur dit souvent reprise partielle des salariés et les 350 employées tremblent. Depuis, des mouvements animent la vie de l’usine avec ces derniers jours la « séquestration » de certains membres de la direction de l’usine. Les syndicats de salariés veulent que Renault conserve la fonderie.

Faut-il sauver les fonderies en France ?

« Ils sont sortis à 22H30 mardi. Ils ne veulent toujours pas discuter alors ça ne sert à rien de s’obstiner à vouloir parler avec des gens qui n’en ont pas envie », a déclaré à l’AFP Maël Le Goff, secrétaire général CGT de l’usine, qui emploie 350 salariés.

Quel sont les problèmes des fonderies en France ?

Selon les calculs de la Fédération forge fonderie, « le coût de main-d’œuvre est huit fois moins élevé en Turquie, trois fois moins au Portugal ». Et les constructeurs n’hésitent plus désormais à acheter à l’étranger. Le « patriotisme » industriel qui pouvait avoir cours de l’immédiate Après-Guerre aux années 80 c’est terminé.

Ensuite, ces fonderies produisent des pièces qui peuvent voir leur demande s’effondrer du jour au lendemain. C’est le cas par exemple des pièces spécifiques aux motorisations Diesel comme à Caudan dans le Morbihan, mais aussi d’autres pièces en fonte. En effet, la fonte pèse lourd et la marche forcée vers le véhicule électrique impose des changements de productions brutaux. La fonte pèse encore 20% du marché de la fonderie.

Lundi dernier, le Gouvernement a réuni un conseil stratégique de la filière automobile. A la clé, l’annonce d’une aide de 50 millions d’euros pour la reconversion des salariés des fonderies. Cela ne plait évidemment pas à ceux qui travaillent dans ces établissements.

Faut-il sauver l’industrie automobile française ?

Car oui, l’aide n’est pas pour sauvegarder les emplois et la filière fonderie en France. L’aide servirait à aider les salariés à se reconvertir. Oui, mais vers quoi ? Et surtout, ne faudrait-il pas regarder comment relocaliser des productions comme le demandent les syndicats ?

La production automobile en France a chuté drastiquement depuis des années. Les années fastes de la production française était le début des années 2000 avec plus de 3 millions de véhicules produit sur notre sol. Le soufflé est retombé rapidement à 2,5 millions avant de reculer peu à peu avec la montée en force des PECO (pays du bloc de l’Est et ex-URSS).

En 2020 ce fut même pire que tout avec pratiquement une production hexagonale divisée par deux. La pandémie à la Covid-19 n’explique pas tout car cela fait des années que pas mal de productions ont été délocalisées vers l’Espagne, la Turquie, l’Estonie, le Maroc, etc.

Se pose alors la question de savoir si on veut sauver la production automobile « made in France », ou s’il convient de l’oublier et de former les ouvriers de cette industrie vers autre chose. La filière automobile, comme d’autres industries lourdes (l’automobile est à cheval entre industrie lourde pour les pièces et industrie pour la production NDLA) fut longtemps un réservoir d’emplois que l’Etat France et les industriels ont décidé de laisser tomber et de délocaliser.

Des pistes pour sauver les emplois ?

On a longtemps promis de passer d’un pays de cols bleus à un pays de cols blancs. Mais, il faut avouer que ce mirage s’est dissipé. D’autres pays voisins ont fait le choix de soutenir la filière, quitte à la « subventionner » pour maintenir des emplois ouvriers. Fournir une aide financière à une usine permet de conserver des emplois directs et indirects, et rapporte au final plus que cela ne coûte.

La fonderie est le dernier exemple en date d’une industrie française qui se délite dans une course effrénée à la baisse des coûts pour maintenir ou augmenter les marges. On pourra citer la sidérurgie, les mines, les chantiers navals, ainsi que d’autres qui se joignent à cette liste de filières au passé plus grand que l’avenir en France.

Pourtant, certains économistes estiment que mettre un prix international au carbone pourrait changer la donne. En effet, qui dit prix du carbone élevé (et international) dit coût du transport plus élevé. Ainsi, une production plus locale, et donc moins taxée sur le carbone dû au transport, retrouverait de facto des couleurs.

D’autres industries de la filière auto seraient alors concernées comme les pneus (Michelin La Roche-sur-Yon, etc.) les boîtes de vitesse, ou différentes pièces pour moteur (thermiques ou électriques).

Faire payer très cher le transport international

La contrepartie à tout cela est un prix des biens manufacturés qui se renchérit par rapport à ceux produits par exemple en Asie puis importés par bateau ou train. Ce prix du carbone est aussi demandé par ceux qui prônent une transition dite écologique. Le Président Français, Emmanuel Macron, a déclaré ce jeudi (Reuters) : « (…) Si nous ne donnons pas un prix au carbone, il n’y a pas de transition possible. Il nous faut donc intégrer la dimension environnementale dans le coût des investissements, dans nos marchés régionaux, dans nos relations commerciales » lors d’un sommet virtuel sur le climat organisé par les Etats-Unis.

Le souci est qu’une énorme partie de l’économie mondiale est basée sur le transport de marchandise, de matières premières, etc. Et c’est l’un des freins à la mise en place de taxes sur le transport. Ici, repeint en vert en parlant du climat et du CO2, il pourrait recueillir plus d’adhésions.

Pour le moment, on brade les fonderies, héritières des forges. En 1936, aux forges d’Hennebont / forges de Lochrist (1860-1966), plus de 3000 employés faisait tourner la boutique. En 1966 ils étaient encore 1300 lors du dépôt de bilan, et bien moins quand Renault a décidé de moderniser les forges pour les transformer en fonderie, sur le nouveau site de Caudan.

Illustration : Renault, la Fonderie de Bretagne