Les Îles aimeraient doubler leur production éolienne
Le nouveau parc éolien des Îles-de-la-Madeleine demande au gouvernement un feu vert pour doubler ou tripler sa production électrique et ainsi réduire la dépendance des insulaires au mazout polluant.
Les gestionnaires du parc éolien Dune-du-Nord se sont récemment inscrits au Registre des lobbyistes. Leur but ? Voir si Québec serait prêt à acheter de l’énergie produite par deux, trois ou quatre éoliennes supplémentaires dans le petit parc récemment inauguré qui n’en compte que deux.
Les Madelinots dépendaient jusqu’à tout récemment exclusivement de la centrale thermique de Cap-aux-Meules pour leur électricité. Ils vivaient dans une sorte de « pétrodépendance », avait noté le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dans son rapport sur le parc éolien Dune-du-Nord.
Tout cela a changé en décembre dernier, lors de l’entrée en fonction des deux éoliennes.
Hydro-Québec estime qu’elles auront permis en décembre prochain, après un an d’exploitation, d’économiser 7 millions de litres de mazout, soit l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la moitié du parc automobile des Îles.
« L’expérience éolienne jusqu’à date est un succès. Fort de cette expérience, on est convaincus qu’il y a un potentiel de fournir plus d’électricité à Hydro-Québec et d’installer plus d’éoliennes », a expliqué en entrevue le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre.
Évidemment, on habite sur un territoire exigu, fragile. La place est limitée. La zone qui accueille les deux éoliennes pourrait potentiellement en accueillir entre deux et quatre autres.
Jonathan Lapierre,maire des Îles-de-la-Madeleine
Le parc éolien est le fruit d’un partenariat public-privé. La Régie intermunicipale de l’énergie de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, composée d’élus, est associée aux entreprises Valeco Énergie Québec et Plan A Infrastructure.
La Régie dit redistribuer 4 millions de ses revenus chaque année aux MRC.
Ses pourparlers avec Hydro-Québec visent à obtenir un contrat par lequel la société d’État achèterait une bonne part de l’électricité produite par les nouvelles éoliennes. Hydro-Québec s’est déjà engagée à acheter 6,4 mégawatts produits par les deux premières éoliennes.
On n’ira pas investir de l’argent municipal sans un contrat d’achat d’électricité d’Hydro-Québec sur une bonne période.
Simon Deschênes, maire de Sainte-Anne-des-Monts et président de la Régie intermunicipale de l’énergie de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine
Les deux éoliennes fournissent actuellement 10 % de la capacité installée de la centrale thermique, qui est de 67 MW. Mais la médiane de consommation aux Îles, loin des pics hivernaux, se situe davantage autour de 22 MW, indique le président de la Régie.
« Là on a un contrat pour 6,4 MW. Si on rajoutait deux ou trois éoliennes, on pourrait se rapprocher de la médiane et réduire de beaucoup la consommation de mazout lourd aux Îles », note Simon Deschênes.
En attendant le câble
La demande d’agrandissement survient dans un contexte particulier. Hydro-Québec a annoncé en septembre dernier son intention de relier les Îles à son réseau par un câble sous-marin.
Le câble de 225 km doit coûter plus de 700 millions et rejoindra Percé, en Gaspésie. À terme, cela permettra aux Madelinots de délaisser la centrale thermique.
Le projet d’Hydro-Québec doit être étudié par la Régie de l’énergie. La société d’État espère une entrée en service en 2027.
Mais l’arrivée du câble ne remet pas en cause la pertinence d’augmenter la production éolienne, fait valoir le maire Jonathan Lapierre.
Hydro-Québec ne prévoit pas réaliser son projet de câble avant 2027, ce qui nous laisse plus de cinq ans avant la mise en fonction du câble. D’ici ce temps, c’est beaucoup de carburant qui pourrait être économisé, c’est beaucoup de GES en moins.
Jonathan Lapierre,maire des Îles-de-la-Madeleine
M. Lapierre ajoute que le câble sera bidirectionnel, ce qui permettrait de redistribuer l’énergie éolienne dans le réseau d’Hydro-Québec.
La société d’État n’a pas voulu se prononcer sur l’ajout d’éoliennes au parc Dune-du-Nord. « C’est en évaluation présentement », a indiqué Cendrix Bouchard, porte-parole d’Hydro-Québec.
« On est au courant du souhait d’agrandir le parc éolien. On est en train d’analyser tout ça. S’il y avait de nouvelles initiatives dans ce dossier, ça devrait se faire dans la cohérence avec notre projet de raccordement », dit-il.
Il note cependant que la première année d’expérience éolienne aux Îles a été concluante.
D’un point de vue environnemental, on conclut [après] presque un an d’opération que ça fonctionne très bien. Sur un an, on aura économisé 7 millions de litres de mazout grâce à ces éoliennes-là, sur une consommation pour la centrale de 40 millions. Donc c’est vraiment très intéressant.
Cendrix Bouchard,porte-parole d’Hydro-Québec
L’ajout de nouvelles éoliennes aux Îles va certainement intéresser des groupes de défense de l’environnement. Dans son mémoire au BAPE, la Société de conservation des Îles-de-la-Madeleine s’inquiétait en 2017 « quant à la protection de l’habitat floristique protégé choisi, soit celui de la Dune-du-Nord ».
Les promoteurs du parc éolien ont d’ailleurs déplacé 35 plants de corème de Conrad, petit arbuste considéré comme menacé et présent uniquement dans l’archipel.
La Presse a tenté de joindre la Société de conservation, sans succès.