Le contrôle technique moto fait de nouveau pschiiit !
Alors que l'association Respire attaque devant le Conseil d'État la "présidentielle" mise en veilleuse du décret qui prévoyait l'application du contrôle technique moto, scooter et quadricyles à moteur dès 2023, le ministre des transports dévoile dans l'émission "Appoline Matin" sa suppression pure et simple dans son format initial (voir ci-dessous) !
"L'objectif est de faire mieux et plus simple", assure Jean-Baptiste Djebarri qui souhaite sortir des "logiques administratives" et procéder "différemment" en faveur de l'environnement et de la sécurité routière. A la place, le ministre souhaite développer un module dédié à la sécurité pendant le permis de conduire et encourager la transition électrique chez les utilisateurs de scooters.
Pas de contrôle technique moto "administratif"
Face à l'étonnement de notre consoeur de RMC face à cet énième revirement, Jean-Baptiste Djebarri avale son chapeau met les choses au clair : "il n'y aura pas de contrôle technique tel qu'il était envisagé, c'est à dire le contrôle technique administratif : vous allez dans un endroit et vous payez 50 euros et on fait un petit tampon. Ça, ça n'existera pas. Mais on va répondre aux questions de fond qui sont des questions importantes".
En clair : 13 ans déjà après notre article relatant l'abandon du contrôle technique prononcé en 2008 par l'ancien premier ministre de l'époque, François Fillon, le contrôle technique moto fait de nouveau "pschiiit" ! Rappelons que l'Assemblée nationale et le Sénat se sont également prononcés contre il y a six ans, au motif notamment du lobbying intéressé de ses partisans comme les groupes Dekra et SITA.
L'application du contrôle technique aux motos et scooters via le décret n°2021-1062 répond en réalité à une directive européenne vieille de six ans (2014/45/UE), qui prévoit que "les véhicules de catégories L de cylindrée supérieure à 125 cc soient soumis au contrôle technique à compter du 1er janvier 2022, sauf si des mesures alternatives de sécurité routière ont été mises en place au regard des statistiques pertinentes en la matière".
Comprendre : l'Europe impose le contrôle technique moto et scooter roues à tous ses États membres, bien que la sinistralité liée à une défaillance soit extrêmement faible pour les deux-roues, à l'exception des pays pouvant justifier d'avancées en matière de réductions des accidents. Et c'est justement dans cette direction que tend à se diriger le ministère des transports pour échapper au couperet du contrôle technique : de quoi réjouir les associations de motards comme la FFMC !
Un recul favorable aux motards, mais pas que
Les motards et scootéristes ne seront pas les seuls à fêter ce retrait : comme évoqué précédemment, le contrôle technique "tel qu'il était envisagé" - pour reprendre la formule consacrée - s'adressait également aux voitures sans permis (accessibles avec un permis AM), dont les propriétaires n'ont ni les mêmes profils ni les mêmes intérêts. Le décret du 9 août inclut par ailleurs les trois-roues comme les très populaires Piaggio MP3, ainsi que les Can-Am Spyder et les trikes Harley.
Autant de "tripodes" accessibles sans le permis A (moto) par des conducteurs détenteurs du permis B (voiture) après une formation de 7 heures le cas échéant : un paquet d'électeurs et d'électrices de tous horizons - souvent citadins pour les scooters à 3-roues -, potentiellement pas contents lors des prochaines élections ! Les prochaines manifs FFMC contre le contrôle technique n'auraient donc pas uniquement réuni des "blousons noirs", comme le suggèrent avec insistance les médias généralistes.
Autre information croustillante dévoilée durant cette interview : Jean-Baptiste Djebarri prévoit de mettre en place " des aides pour faire la conversion des scooters thermiques en scooters électriques. C'est un exemple de notre logique d'accompagnement et d'incitation, et pas d'interdiction".
Le ministre des transports justifie cette démarche par une comparaison favorable aux motos : "on a des scooters aujourd'hui, par rapport aux motos, quand on regarde ça pollue quasiment plus, et ça fait du bruit notamment en ville", explique-t-il. Les motards seront ravis, les écolos et les scootéristes beaucoup moins ! Surtout les propriétaires de maxi-scoot' à plus de 10 000 € dûment homologués Euro5...
En attendant leur probable levée de boucliers, le ministre des transports s'est également - et sans surprise - attiré des réactions indignées, notamment de la part de professionnels du secteur du contrôle technique sur le Twitter de RMC : Rodolphe Benchétrit évoque ainsi des "propos hallucinants, voire insultants pour une profession qui a tant fait pour la sécurité routière. J’invite @Djebbari_JB à visiter un de nos centres pour comprendre ce qu’il s’y passe". Ambiance...
Modalités du contrôle technique moto "tel qu'il était envisagé"
A compter du 1er janvier 2023, les véhicules motorisés à deux ou trois roues et les quadricycles à moteur font l'objet :
- D'un contrôle technique dans les six mois précédant l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la date de leur première mise en circulation
- Postérieurement à ce contrôle, d'un contrôle technique périodique, renouvelé tous les deux ans
- Avant toute mutation intervenant au-delà du délai de quatre ans prévu au 1° ci-dessus, d'un contrôle technique, dont sont toutefois dispensés les véhicules ayant subi un contrôle technique dans les six mois précédant la date de demande d'établissement du nouveau certificat d'immatriculation
- Pour les véhicules de collection, le délai entre deux contrôles techniques est porté à cinq ans à l'exception des cas de mutation