La plus ancienne représentation de fantôme découverte dans les recoins du British Museum
L’histoire de sa découverte elle-même a quelque chose de fantastique, au sens surnaturel du terme. Oublié dans les obscures réserves voûtées du British Museum, il aura patienté plus d’une centaine d'années - depuis son acquisition au 19e siècle - avant que quelqu’un ne le remarque enfin et ne lui rende justice. Le plus ancien dessin de fantôme jamais répertorié vient d’être identifié sur une tablette d’argile babylonienne vieille de 3.500 ans. Il prend la forme d’un homme barbu qui, les poings liés, se fait guider par une femme, sans doute vers l’au-delà.
La tablette, dont il ne subsiste que la moitié, est suffisamment petite pour tenir dans la paume d’une main. Selon l’assyriologue et conservateur au département Moyen-Orient du British Museum Irving Finkel, à l’origine de sa découverte dans les sous-sols du musée, elle aurait été mal déchiffrée par le passé et ainsi laissée aux archives. Et pour cause : le dessin du fantôme n’est visible que lorsqu’il est vu sous un certain angle - d'en haut -, et sous une lumière directe. Pour Irving Finkel, interrogé par le Guardian, qui révèle l'histoire, il s’agit d’un "objet antique absolument spectaculaire".
Un spectre esseulé
Cette tablette appartenait originellement à un ensemble formant un guide à destination d’un exorciste : à l’arrière du fragment, des instructions sur la conduite à adopter en cas de harcèlement par un fantôme ont été déchiffrées. Il est notamment conseillé à l’exorciste de se concentrer sur la raison pour laquelle cette âme erre dans le monde des vivants. Dans le cas de notre fantôme barbu, il semblerait qu’un trop plein de solitude – amoureuse ? - explique qu’il revienne hanter les vivants.
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— gaylifeafter40 Wed Dec 17 23:04:31 +0000 2014
Crédits : James Fraser et Chris Cobb pour "Les premiers fantômes", d'Irving Finkel/The British Museum
"Il s'agit manifestement d'un fantôme masculin et il est misérable. Vous pouvez imaginer qu'un fantôme grand, mince et barbu qui traîne dans la maison, ça énerve les gens. L'analyse finale a montré que ce fantôme avait besoin d'une partenaire", détaille Irving Finkel dans les colonnes du quotidien britannique. L’esprit est représenté marchant les bras tendus, les poignets attachés par une corde tenue par une femme, celle-là même qui permettra de le réexpédier dans l’au-delà.
Reconstitution miniature
Il est notamment conseillé de fabriquer des figurines d'un homme et d'une femme, à la manière de petite poupées vaudous : "Habillez l'homme avec une tenue de tous les jours et lestez-le de provisions de voyage. Vêtez la femme de quatre vêtements rouges et drapez-la d'un tissu violet. Donnez-lui une broche en or. Équipez-la également d'un lit, d'une chaise, d'une natte et d'une serviette ; donnez-lui un peigne et une gourde", a traduit le spécialiste du cunéiforme, du nom de ce système d’écriture répandu dans tout le Proche-Orient ancien et qui perdura jusqu’à l’aube de l’ère chrétienne.
Le texte se poursuit ainsi : "Au lever du soleil, en direction du soleil, entamez les préparatifs rituels et installez deux récipients de bière en cornaline. Posez un récipient spécial et dressez un encensoir de genièvre avec du genièvre. Tirez le rideau comme celui du devin. Disposez les figurines avec leur équipement et placez-les en position... Enfin, dites comme suit, Shamash [dieu du soleil et juge des enfers la nuit]." Et de conclure par un avertissement cocasse : "Ne regardez pas derrière vous !"
Selon l’expert, dont la découverte s’accompagne d’un ouvrage à paraître le 11 novembre 2021 aux éditions Hodder & Stoughton, "The First Ghosts : Most Ancient of Legacies" ("Les premiers fantômes : le plus ancien des héritages"), la tablette faisait sans doute partie de la bibliothèque personnelle d'un exorciste, pleine d'écrits magiques. Il espère la voir exposée un jour dans les vitrines du British, et non plus enfouie dans ses souterrains.