Les tisseurs d’histoire : quand la mode soigne ses archives
Nous sommes en plein cœur de Paris, au pied d’un bel immeuble haussmannien. Pour y entrer, il faut montrer patte blanche – et papiers d’identité – aux vigiles qui assurent la sécurité des lieux. Au fond d’une cour se dessine alors un autre bâtiment, d’apparence plus moderne et abritant des locaux au design épuré, imaginés sur mesure. Bienvenue chez Dior Héritage, là où la marque a installé une partie de ses archives, depuis 2016. C’est ici que Soizic Pfaff, directrice du patrimoine de Dior, passe le plus clair de son temps.
L’histoire de la maison, cette dame élégante la connaît sur le bout des doigts. Arrivée dans l’entreprise en 1974, elle y a occupé différents postes, notamment aux licences, avant de rejoindre les archives, en 1996. « Le service des archives est né en 1987 à la suite d’une exposition organisée pour les 40 ans de Dior au Musée des arts décoratifs, à Paris », détaille-t-elle. Petit service devenu grand. Aujourd’hui, une douzaine de personnes y travaillent quotidiennement.
Leur mission ? Trouver les pièces d’archives et les documents ayant trait à l’histoire de la griffe, les répertorier en vue de leur numérisation, les restaurer si besoin, en préserver la conservation et, si possible, remonter le fil de leur histoire. « Notre première fonction est de reconstituer les collections au maximum, qu’il s’agisse de haute couture, de prêt-à-porter ou d’accessoires. En priorité bien sûr les créations de monsieur Dior. Nous rachetons énormément de vêtements, d’accessoires et de documents. Il y a différents canaux pour nos acquisitions, notamment les salles des ventes. Nous sommes en liaison continue avec les plus grands experts à travers le monde. Désormais, des particuliers nous contactent également directement pour nous proposer vêtements et accessoires », ajoute Soizic Pfaff. Peu de gens ont accès à ces lieux. « On étudie chaque demande, notamment d’étudiants en mode ou de chercheurs qui travaillent sur un thème particulier, mais Dior Héritage n’est pas ouvert au public. Pouvoir visiter ces lieux est un privilège. »
Le succès des expositions de mode ou des journées du patrimoine – Balenciaga a exposé en septembre à cette occasion, au sein de son siège social, des silhouettes issues des collections de haute couture de 1938 à 1967 – donne à voir l’intérêt grandissant du public pour l’histoire de la mode et des couturiers. « Cela s’inscrit dans un contexte particulier. Aujourd’hui, la mode est de plus en plus critiquée pour ses dérives, sa propension à la surconsommation. Mais comprendre son histoire, ses savoir-faire, affirmer le rôle qu’elle a eu dans l’histoire de la France, cela participe à l’inscrire dans la culture du pays et cela intéresse le grand public », explique Sophie Kurkdjian, historienne de la mode et professeur à l’université américaine de Paris.
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