9 idées reçues sur le Far West, les cow-boys et les Indiens
Les cow-boys n’étaient pas tous blancs
Le cow-boy passait la majeure partie de son temps à cheval : il devait surveiller de près des animaux restés en liberté qui s’affolaient facilement, leur faire traverser des rivières ou des étendues désertiques – on comptait huit à dix cavaliers par troupeau de 2 000 à 2 500 têtes –, et cela seize à dix-huit heures par jour, tous les jours. Un travail harassant, mais mal rémunéré et peu valorisé. Le salaire mensuel variait entre 30 et 40 dollars, quand une paire de bottes en coûtait 15. Le cuisinier de l’équipe était mieux payé ! Près de la moitié des cow-boys (45 %) étaient des personnes de couleur : Mexicains, Noirs, métis voire Indiens. Les Blancs, eux, venaient de familles de fermiers pauvres ou étaient des vagabonds (hobos) louant leurs services à la saison. Au Texas, la majorité était d’origine hispanique ou indienne. Cet Etat comptait 5 000 cowboys noirs. Oubliez John Wayne !
Les Indiens ne portaient pas tous des plumes
EN IMAGES Les Indiens d’Amérique à l’aube du XXe siècle
Seuls les Sioux – qui rassemblaient les Lakotas, Nakotas et Dakotas – portaient effectivement de larges coiffes à plumes. Mais ils réservaient ces parures à leurs grandes fêtes et à leurs cérémonies. Le reste du temps, ces cavaliers émérites étaient beaucoup mois apprêtés. Ils endossaient des tenues de chasseur, beaucoup plus commodes pour rester longtemps en selle et tirer. Les bisons constituaient le principal moyen de subsistance de ces Indiens nomades, au point que l’armée américaine procéda à des éliminations massives de troupeaux entiers afin de les affamer. Autre cliché : la majeure partie des Indiens étaient sédentaires, les Sioux faisant exception ; ils dormaient l’été dans des tentes, les fameux tipis, et passaient l’hiver dans des huttes et cabanes.
Les indiens n’étaient pas si «sauvages»
Entre 500 000 et 600 000 Indiens vivaient au-delà du Mississippi quand les colons blancs arrivèrent au début du XIXe siècle. On a pu dénombrer une centaine de tribus, parlant 375 langues différentes et pratiquant l’agriculture, la chasse et la pêche. Dans les vallées du Missouri et de l’Arkansas, elles occupaient des maisons en terre dans des villages. Les Pawnees cultivaient le maïs. Les Sioux, les Cheyennes et les Comanches, eux, chassaient le bison. Les Blancs leur firent signer des traités pour s’installer chez eux, mais n’en respectèrent pas les termes, ce qui provoqua les révoltes indiennes. Guerriers sans pitié – ils scalpaient leurs victimes –, les Indiens faisaient souvent preuve de courage et d’abnégation. Entre 1866 et 1891, ils perdirent près de 4 000 combattants, tandis que 932 soldats américains furent tués et plus d’un millier, blessés.
Les cow-boys ne glissaient pas deux colts à leur ceinture
A quoi bon s’embarrasser d’un revolver quand on est un simple travailleur à cheval ? La mission essentielle des «garçons vachers» était de convoyer le bétail entre les Grandes Plaines et les gares du Kansas, afin que les troupeaux puissent ensuite être acheminés en train vers les abattoirs des grandes villes. Inutile donc de porter une arme à feu pour garder les vaches : les détonations ne pouvaient qu’effrayer les bovins. Pour se faire obéir des bêtes, les cow-boys utilisaient plutôt des lassos et des fouets. Seuls les chefs chargés de l’encadrement des équipes pouvaient détenir une arme, qu’ils devaient néanmoins laisser à l’entrée des hôtels et des saloons. Alors, si au Far West il arrivait que l’on croise par malheur des individus armés de deux colts, il ne pouvait s’agir que de tueurs à gages ou de redoutables hors-la-loi.
Les cow-boys ne ressemblaient pas du tout à Buffalo Bill
Les cow-boys portaient des habits rustiques, adaptés à leurs tâches : une chemise en toile épaisse, un pantalon en cuir sans ceinture avec des jambières, une paire de bottes… Pas de chapeau sur la tête car il se serait envolé, mais dans le dos, retenu par une lanière. Un mouchoir autour du cou servait à se protéger de la poussière. Les fameux jeans Levi’s, eux, ne firent leur apparition dans les ranchs que dans les années 1880, alors qu’approchait la fin des grandes transhumances. On est donc loin de l’élégance d’un Buffalo Bill arborant Stetson et tuniques en cuir à franges, dorures et étoiles. Ces tenues d’opérette étaient réservées à la scène ou aux photos et firent leur effet lors de spectacles de théâtre équestre ou de rodéos.
Les «villes du bétail» n’étaient pas toutes dangereuses
Dodge City, Abilene, Ellsworth, Wichita… Les villes des cow-boys (cattle towns) se ressemblaient toutes. Près de la gare, des milliers de bêtes étaient parquées avant leur départ. Les maquignons fréquentaient des hôtels et des bars assez luxueux où les cow-boys n’étaient pas admis. Ces derniers allaient s’amuser dans un quartier réservé à la prostitution et au jeu, avec des saloons où ils pouvaient boire et fumer… mais où le port d’arme était interdit, sous peine d’amende ! L’entrée était la plupart du temps refusée aux Mexicains, Indiens et métis. Des shérifs à poigne faisaient régner l’ordre. Entre 1867 et 1890, on a dénombré dans ces villes 55 homicides seulement (39 par fusil, dont 16 causés par la police) et un seul cow-boy a été abattu. Sur tout le Wyoming, il n’y eut que 4 meurtres en 1872. Ces bourgades étaient donc bien moins dangereuses que certaines villes d’aujourd’hui.
Les indiens attaquaient rarement les diligences ou les convois
Le cinéma a multiplié les scènes où des Indiens attaquaient des chariots. Mais ces agressions étaient rares. Car les tribus indiennes en guerre s’en prenaient plutôt à l’armée. A l’arrivée des Blancs, ils acceptèrent de signer des traités autorisant le passage sur leurs terres, puis l’installation de fermiers. Malgré ces compromis, beaucoup d’Indiens furent ensuite conduits de force dans des contrées inhospitalières, comme l’Oklahoma. Ils menèrent alors des raids lorsque la situation leur paraissait favorable, n’attaquant qu’à coup sûr, mais cherchant avant tout à se défendre. Ils volaient des chevaux et du bétail, et faisaient parfois des captifs. Buffalo Bill, qui n’eut pas à se plaindre des Indiens à l’époque où il convoyait colons puis troupeaux, en engagea même quelques-uns pour jouer leur propre rôle dans ses spectacles.
Le cow-boy ne tenait pas le premier rôle
Héritiers des garçons vachers mexicains (vaquero), les cow-boys sont apparus dans l’Ouest américain au milieu du XIXe siècle, et ce métier s’est répandu en l’espace d’une génération, entre 1865 et 1890. Les historiens estiment leur nombre entre 30 000 et 40 000, alors que 360 000 pionniers s’étaient lancés sur les pistes du Far West, à partir du Mississippi, entre 1840 et 1860, et que la population des Etats-Unis se chiffrait à 36 millions d’habitants. Ces salariés agricoles itinérants étaient donc beaucoup moins nombreux que les fermiers sédentaires ou que les ouvriers employés à la construction des chemins de fer. Sans compter les prospecteurs d’or, dont beaucoup étaient devenus mineurs.
Les Indiens n’étaient pas toujours battus par la cavalerie
C’est un classique des westerns et des albums de Lucky Luke : l’attaque de centaines d’Indiens contre les soldats des Etats-Unis. Une vision un peu épique de l’Histoire, car les Amérindiens, moins armés et souvent moins nombreux, préféraient la guérilla aux batailles rangées. Ainsi, les Sioux lakotas multiplièrent les escarmouches contre les Blancs lorsque les traités de cohabitation ne furent pas respectés. Dépassé par l’ampleur des attaques, le général nordiste Sheridan dut quitter leur territoire en 1868. Mais les intrusions dans les montagnes sacrées des Lakotas reprirent en 1874, suite à la découverte d’or. Les autorités tentèrent d’acheter ces terres aux Indiens, qui refusèrent. Le 25 juin 1876, le 7e régiment de cavalerie de Custer affronta les Lakotas, alliés aux Cheyennes, lors de la bataille de Little Bighorn ; Custer et 263 soldats y périrent. Cette victoire indienne reste une fierté pour la communauté et a inspiré de nombreux livres et films, dont La Charge fantastique (1941).
Article paru dans le magazine GEO Histoire sur Lucky Luke et la conquête de l’Ouest (n° 41, octobre - novembre 2018).
À LIRE AUSSI⋙ 1803 - 1890 : la conquête de l’Ouest vue par Lucky Luke⋙ Afro-Américains, Juifs, Irlandais… Les minorités au temps du Far West ⋙ Les Indiens d’Amérique à l’aube du XXe siècle⋙ Les Amérindiens : premiers écologistes ou destructeurs de la nature ?