Indonésie : La pratique de l’enchaînement est moins fréquente mais se poursuit
Le nombre de personnes en situation de handicap psychosocial (correspondant à un problème de santé mentale) qui sont enchaînées ou enfermées dans des espaces confinés est passé de près de 18 800, le dernier chiffre rapporté, à environ 12 800 en juillet 2018, d’après les données du gouvernement indonésien. Cette baisse est due en partie à la sensibilisation communautaire dont ont bénéficié 16,2 millions de foyers.
« Le gouvernement indonésien a fait de gros efforts pour s’attaquer à l’utilisation de chaînes et au manque de services communautaires de santé mentale », a déclaré Kriti Sharma, chercheuse senior auprès de la division Droits des personnes handicapées de Human Rights Watch. « Mais comme il y a peu d’inspections, des milliers de personnes handicapées sont toujours enchaînées ou enfermées dans des institutions dans toute l’Indonésie. »
Dans son rapport de 2016, « Living in Hell: Abuses against People with Psychosocial Disabilities in Indonesia » (« Vivre en enfer : Les mauvais traitements à l’égard des personnes en situation de handicap psychosocial en Indonésie »), Human Rights Watch avait constaté que des milliers de personnes ayant des handicaps psychosociaux étaient enchaînées et, pour beaucoup d’entre elles, détenues dans des institutions surpeuplées et insalubres. Bien que l’État ait banni l’utilisation de chaînes dès 1977, cette pratique persiste en raison de la stigmatisation de ces personnes et du manque de soutien communautaire et de services de santé mentale.
Depuis, Human Rights Watch a mené cinq visites en Indonésie afin d'observer les progrès accomplis par le gouvernement dans la réponse qu’il tente d’apporter au problème. Human Rights Watch a mené 19 entretiens avec des personnes en situation de handicap psychosocial et 48 avec des proches, des soignants et autres personnels des institutions, des professionnels de santé, des défenseurs des droits des handicapés et des responsables du gouvernement, à Jakarta, Bekasi, Bogor, Cianjur, Brebes et Tegal.
En janvier 2017, le ministère de la Santé a lancé le programme Indonesia Sehat dengan Pendekatan Keluarga (« Indonésie en bonne santé avec une approche familiale »), un programme de sensibilisation communautaire où les professionnels de santé utilisent une « approche basée sur la famille », allant de maison en maison pour collecter des données, sensibiliser et apporter des services en lien avec 12 mesures de santé familiale, dont la santé mentale.
À la date de septembre 2018, le programme avait touché 16,2 millions de foyers indonésiens – soit environ 25 % des foyers. Les données collectées indiquent cependant que seules 16 % des personnes en situation de handicap psychosocial participant à l’enquête avaient accès à des services de santé mentale.
Parmi les nombreuses personnes à qui les professionnels de santé de la communauté ont porté secours à Cijeruk, près de Bogor, se trouvait une femme de 52 ans, handicapée psychosociale : « Nous l’avions enfermée dans sa chambre pendant cinq ans », a déclaré sa sœur. « Elle dormait sur le sol ; elle ne pouvait plus marcher car ses muscles avaient cessé de fonctionner. Nous lui avions donné un seau pour uriner et déféquer. Il sentait très mauvais. Cela m’attristait beaucoup. »
Halte à une pratique injuste en Indonésie.
#BreakTheChains (ang)La famille avait le sentiment qu’il n’y avait aucune alternative à l’enfermement. Mais après avoir reçu la visite et l’aide de l’équipe de sensibilisation, la famille l’a laissée sortir de sa chambre en février 2017. Elle est désormais soignée dans la communauté.
« Il est crucial d’intégrer la santé mentale aux soins médicaux de base, mais ce n’est pas suffisant », a déclaré Kriti Sharma. « Afin d’éliminer l’utilisation de chaînes, le gouvernement doit éduquer le public sur la santé mentale et fournir aux gens en situation de handicap psychosocial des services allant au-delà du traitement médical, y compris l’accès à l’éducation, au logement et à l’emploi. »
Human Rights Watch a constaté que les personnes ayant des handicaps psychosociaux continuaient à être arbitrairement détenues dans des centres de guérison par la foi, des institutions de protection sociale et des hôpitaux psychiatriques. En l’absence de contrôles réguliers, il n’y a eu guère de changement dans les centres de guérison par la foi, où les gens sont enchaînés, victimes d’abus et forcés à recevoir des « traitements » alternatifs, comme des décoctions d’herbes, de vigoureux massages administrés par des guérisseurs traditionnels et des récitations coraniques. Dans les institutions privées, les personnes ayant des handicaps psychosociaux subissent des abus de façon routinière, dont des violences physiques et sexuelles, l’hospitalisation sous contrainte, la contention et l’isolement forcé.
Au Centre de réhabilitation Yayasan Galuh, à Bekasi, une femme d’une trentaine d’années, handicapée psychosociale, a déclaré : « Avant, j’étais enchaînée à la maison. Ma famille m’a trompée pour que je vienne ici. Ils m’ont dit que ma mère était morte et qu’ils m’emmenaient à son enterrement. À la place, ils m’ont amenée ici. J’ai été placée en chambre d’isolement pendant quatre semaines parce que je m’étais bagarrée avec quelqu’un. »
Le médiateur (ombudsman), la Commission nationale des droits de l’Homme et la Commission sur la violence à l’égard des femmes devraient immédiatement ordonner des inspections et une surveillance régulière de toutes les institutions, publiques et privées, et prendre des mesures appropriées contre celles qui commettent des abus, a déclaré Human Rights Watch. Le ministère des Affaires sociales a également la responsabilité de réglementer les institutions privées et de veiller à ne pas cautionner de pratiques abusives.
« Malgré les avancées, le gouvernement a du pain sur la planche pour faire cesser les abus des institutions », a conclu Kriti Sharma. « Le ministère des Affaires sociales doit adopter une politique de désinstitutionalisation, se détournant de la pratique consistant à stocker les gens en institution, pour faire en sorte qu’ils vivent de façon indépendante au sein de la communauté. »
Informations complémentaires
Progrès réalisés par le gouvernement dans la lutte contre la pratique de l’enchaînement
En 2017, les ministres indonésiens de l’Intérieur, de la Santé et des Affaires sociales, le chef de la police nationale ainsi que l’organisation indonésienne d’assurance maladie ont signé un protocole d’entente pour œuvrer de concert à appliquer totalement l’interdiction de 1977 sur la pratique de l’enchaînement. Les ministères des Affaires sociales et de la Santé ont tous deux prévu des campagnes visant à faire cesser l’utilisation de chaînes, pour 2018 et 2019 respectivement.
Ils ont mené des activités de sensibilisation et formé des équipes au niveau des provinces de tout le pays. Human Rights Watch a constaté que beaucoup de centres de santé communautaires avaient également lancé leur propre initiative pour éliminer cette pratique au niveau local. Le centre Puskesmas Banjarsari à Ciawi, par exemple, a initié une ligne directe par textos appelée « aidez à combattre l’enchaînement » afin d’encourager les gens à dénoncer les cas de personnes enchaînées.
Les chercheurs de Human Rights Watch sont retournés dans plusieurs communautés où ils avaient constaté de tels cas, pour constater que les gens avaient été libérés et vivaient dans la communauté. En 2014, lorsque Human Rights Watch a pour la première fois rendu visite à Sodikin, un homme de 34 ans présentant un handicap psychosocial, il était enfermé dans une minuscule cabane près de la maison familiale à Cianjur, dans l’ouest de l’île de Java. Au départ, la famille avait essayé de le faire soigner, mais le centre de santé local ne disposait pas de médicaments psychiatriques et l’hôpital était trop éloigné. Sodikin a passé plus de huit ans enchaîné dans la cabane, nourri à travers un trou dans le mur, avant d’être libéré en mai 2016 grâce à l’intervention d’une organisation non gouvernementale locale.
Le beau-frère de Sodikin a déclaré : « Sodikin était devenu très maigre. Quand on l’a libéré, ses jambes étaient raides et il ne pouvait même pas se mettre debout, sans parler de marcher, alors j’ai dû le porter. Sodikin a passé six mois de convalescence dans un refuge géré par une organisation non gouvernementale avant de pouvoir rentrer chez lui. Il travaille maintenant dans une usine textile, cousant des boutons sur des uniformes scolaires. « Nous sommes tellement contents qu’il vive à nouveau à la maison avec la famille ! », a déclaré son beau-frère. « Nous n’aurions jamais pensé qu’il pouvait se remettre. Son père le voyait comme un fardeau, et maintenant, c’est lui qui gagne le plus pour nourrir la famille. »
D’après la direction indonésienne de santé mentale, le nombre de personnes qui sont enchaînées ou confinées dans 32 provinces (toutes sauf la Papouasie et la Papouasie occidentale) a diminué, passant de 13 528 en décembre 2017 à 12 832 en juillet 2018. Cependant il est difficile d’obtenir des données précises sur l’enchaînement, étant donné qu’il est souvent pratiqué dans des zones reculées et que les familles sont peu enclines à en parler, vu la honte et la stigmatisation qui entourent les pathologies mentales. En outre, les personnes à qui on porte secours finissent parfois par être à nouveau enchaînées en raison du manque de services d’aide communautaires.
Human Rights Watch a constaté qu’un des risques de la méthode gouvernementale pour éradiquer l’enchaînement est que les gens qui sont libérés peuvent se retrouver à l’hôpital psychiatrique, où ils sont susceptibles d’être détenus arbitrairement ou traités sans leur consentement.
Comme l’a expliqué une infirmière de l’hôpital psychiatrique Bogor : « Quand nous intervenons dans un cas où quelqu’un est enchaîné, le patient ne veut pas toujours venir à l’hôpital, ou n’est pas en état de communiquer, donc c’est un membre de sa famille qui prend la décision. » Pourtant, le consentement éclairé de l’individu concerné est un principe clé de la déontologie médicale et du droit international relatif aux droits humains. Ne pas permettre aux personnes atteintes d’un handicap psychosocial de prendre leurs propres décisions médicales est une violation de leurs droits.
Suite à sa visite de mars 2017, l’expert de l’ONU sur la santé, Dainius Puras, a appelé le gouvernement indonésien à « faire passer à la vitesse supérieure » sa campagne contre l’enchaînement, mais en veillant à ne pas la « remplacer par d’autres formes de contention et de confinement qui violent également les droits humains ».
En partenariat avec l’Association psychiatrique indonésienne et des groupes non gouvernementaux, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) forme actuellement en Indonésie des psychiatres, des médecins, des infirmières, des assistantes sociales et des défenseurs des droits des handicapés, dans le cadre de son initiative Quality Rights qui vise à proposer des alternatives aux pratiques coercitives comme l’hospitalisation sous contrainte, l’isolement et la contention dans les hôpitaux psychiatriques et les institutions de protection sociale.
En mai 2018, l’OMS a démarré la formation par Internet de 61 personnes issues de 19 provinces différentes. En novembre, 80 autres participants seront formés en personne. Même si cette formation de l’OMS représente un effort important pour éliminer la coercition des hôpitaux et des institutions, l’Indonésie devrait amender sa loi de 2014 sur la santé mentale afin de veiller à ce que les personnes ayant un handicap psychosocial ne puissent pas être détenues arbitrairement contre leur volonté, conformément à ses obligations découlant de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.
Efforts du gouvernement en matière de santé mentale
Le gouvernement a démontré sa volonté de faire de la santé mentale une priorité en l’intégrant aux 12 indicateurs de son programme national de santé communautaire, le Programme Indonesia Sehat dengan Pendekatan Keluarga (« Indonésie en bonne santé avec une approche familiale »). Ce programme est une initiative gouvernementale ambitieuse qui veut faire en sorte que même les communautés les plus rurales, isolées et réfractaires aient accès aux soins médicaux. Les visites à domicile que prévoit le programme sont d’une importance cruciale : grâce à elles, les familles n’ont plus besoin de prendre sur leur temps de travail ni de dépenser de l’argent pour se rendre jusqu’aux centres de santé.
Pour le lancement national du programme, le ministère de la Santé a formé 25 000 formateurs cadres chargés de former à leur tour cinq employés dans chaque centre de santé communautaire d’Indonésie. Le fait de pouvoir compter sur les travailleurs communautaires, comme les sages-femmes ou les assistantes sociales, pour apporter des soins de santé mentale de base a permis de lever l’obstacle que constituait le manque de professionnels de psychiatrie. Les employés formés informent à leur tour d’autres membres de l’équipe des centres de santé sur le programme et sur la santé mentale. Fin 2018, 6 205 centres de santé communautaires auront mis le programme en place. L’objectif du gouvernement est d’avoir couvert l’ensemble des foyers indonésiens, soit plus de 65 millions, à travers les 9 909 centres de santé communautaires, pour la fin de l’année 2019.
L’approche innovante « basée sur la famille » se penche sur 12 mesures qui, prises ensemble, sont révélatrices de l’état de santé de la famille : l’accès à l’eau potable, l’hypertension, la tuberculose, le tabagisme, le planning familial, l’accès à l’assurance maladie d’État, la santé maternelle, la nutrition infantile, la vaccination, l’allaitement, l’assainissement et la santé mentale. Si une famille a un mauvais score pour un seul de ces indicateurs, elle est identifiée comme nécessitant de l’aide. Ce système donne réellement la même importance à la santé mentale qu’à tous les autres indicateurs et garantit que les professionnels de santé communautaires apportent des soins de santé mentale immédiats et continus pour atteindre leur objectif de 100 % de couverture.
Depuis que le programme prévoit des visites à domicile, les travailleurs médicaux peuvent plus facilement détecter les personnes enchaînées et les faire libérer. Dr. Tina Yustiniarsih, médecin dans un centre de santé, a déclaré qu’elle était intervenue pour porter secours à Asep, un homme de 34 ans enchaîné pendant trois ans dans le village de Banjarwangi près de Ciawi :
Nous avons trouvé Asep enchaîné dans une maison abandonnée toute délabrée. La chaîne autour de sa taille était si épaisse qu’il nous a fallu un quart d’heure pour la couper à l’aide d’une scie. J’ai conseillé la famille, je leur ai expliqué que quelqu’un qui présente des symptômes d’une maladie mentale est comme eux, il a des droits humains. Nous avons également informé tout le village pour nous assurer que tout le monde savait que les personnes ayant une maladie mentale ne devaient pas être enchaînées.
La sœur d’Asep a déclaré : « Je me sentais triste de le voir enchaîné. J’ai immédiatement accepté de le détacher, je voulais qu’il guérisse. Si l’équipe médicale n’était pas venue, on ne l’aurait jamais libéré. » Elle n’était pas au courant des avantages apportés par la carte d’assurance maladie ni des soins existant à l’hôpital.
Quant à Asep, il a témoigné : « Je me sentais à l’étroit, tout raide, lorsque j’étais enchaîné. Je ne me souviens pas bien de ce qui m’est arrivé, mais j’étais heureux lorsque j’ai été libéré. »
Lors des visites à domicile, le travailleur médical communautaire collecte des données, informe la famille en matière de santé mentale, la conseille et l’aide à se procurer une carte nationale d’assurance maladie donnant accès à des soins gratuits ou subventionnés. En outre, la personne présentant le handicap psychosocial – ou un membre de sa famille – peut se rendre au centre de santé communautaire pour bénéficier d’une aide psychologique en tête à tête avec un médecin ou le personnel infirmier, recevoir des médicaments et prendre part à des séances d’ergothérapie ou à d’autres activités. Dans certains cas, le centre de santé facilite la formation de groupes d’entraide à travers l’application de messagerie WhatsApp, sert de relais pour que les gens puissent apprendre à monter une petite affaire et les aide à trouver un financement pour la démarrer.
D’après Siti, une femme de 39 ans avec un handicap psychosocial vivant à Ciawi près de Bogor, « [le personnel] aide beaucoup les gens. Je suis heureuse qu’ils m’aient donné un capital de 2 800 000 roupies [190 USD] pour lancer un salon de coiffure. De cette façon, je peux gagner un peu d’argent. »
La sœur de Siti a déclaré que leur vie avait nettement changé après avoir reçu l’aide du programme :
Avant, nous devions faire le long voyage vers l’hôpital psychiatrique pour obtenir des médicaments. Parfois nous n’avions pas le temps d’y aller, ou le transport était trop cher. Depuis que nous avons reçu l’aide du centre de santé communautaire, Siti va beaucoup mieux. En plus des médicaments, le centre a fourni une aide psychologique, nous a mis en contact avec des groupes d’entraide et l’aide à trouver des soutiens pour son affaire. Mon rêve pour Siti, c’est qu’elle soit complètement indépendante.
Même si le programme a réellement le potentiel de donner facilement accès à des soins volontaires de santé mentale dans la communauté, il est encore à un stade précoce. Même dans les districts où le programme a été lancé, de nombreux centres de santé en sont toujours à collecter des données sur les 12 indicateurs et ne sont pas passés à la phase de délivrance des services. Le succès du programme dépend de l’efficacité de la formation, de la mise en œuvre et d’un suivi régulier, a déclaré Human Rights Watch.
Les centres de santé communautaires locaux ont développé des initiatives créatives pour soutenir les gens ayant des handicaps psychosociaux. Ainsi le centre Puskesmas Cilandak, au sud de Jakarta, a créé E-Mental, une application Android qui permet aux professionnels de santé communautaires d’intervenir précocement auprès de personnes ayant des handicaps psychosociaux et de les aider au sein de la communauté. Les travailleurs médicaux communautaires rendent visite aux familles avec une enquête simple fondée sur 29 questions pour déterminer si quelqu’un pourrait bénéficier d’un appui psychosocial et si cette personne a besoin d’une assistance immédiate.
Le programme a profité à 1 025 personnes, apportant à 97 % d’entre elles des soins au sein de la communauté. Seul un cas a été adressé à un hôpital. L’application permet aux professionnels de santé communautaires de suivre les gens de façon systématique et de développer des systèmes communautaires de soutien et des stratégies d’adaptation qui ne reposent pas uniquement sur les médicaments. Les travailleurs médicaux communautaires apportent une aide psychologique, informent sur le soutien psychosocial et mettent les gens en contact avec des formations professionnelles pour qu’ils puissent devenir financièrement indépendants.
Le ministre de la Santé a également créé une application mobile pour informer sur la santé mentale. En juillet, cette application avait été téléchargée 20 000 fois et comptait 15 000 utilisateurs actifs, selon les données du gouvernement.
Personnes placées en institution
Suivant la loi indonésienne, il est relativement aisé de faire hospitaliser sous contrainte une personne ayant un handicap psychosocial. En 2016, Human Rights Watch a rendu visite à 16 institutions situées sur les îles de Java et Sumatra et analysé 65 cas de personnes détenues arbitrairement dans des hôpitaux psychiatriques, des institutions sociales publiques et privées et des centres de guérison par la foi. Deux ans et demi plus tard, il y a eu bien peu d’améliorations.
Le centre Yayasan Bina Lestari Mandiri Brebes, un centre de guérison par la foi homologué par l’État et situé à Brebes, dans la province de Java central, que décrivait déjà le rapport de Human Rights Watch de 2016, continue à enchaîner les gens présentant un handicap psychosocial. En septembre 2018, la totalité des 50 résidents de Bina Lestari étaient enchaînés. Les gens sont enchaînés presque 24 heures sur 24, incapables de se déplacer de plus de 2 à 4 mètres dans toutes les directions. Ils ne reçoivent aucune assistance médicale ni soins psychiatriques, la nourriture qu’on leur donne est de piètre qualité et ils sont exposés au risque de subir des violences physiques et sexuelles de la part des autres résidents ou du personnel.
Le département local des Affaires sociales est conscient que des gens en situation de handicap psychosocial sont enchaînés à Yayasan Bina Lestari. De temps en temps, il y envoie même des personnes. La décision d’admettre ou de laisser sortir les patients revient entièrement au guérisseur par la foi. La Commission nationale des droits humains a mené une visite d’observation auprès de cette institution en décembre 2017, mais son rapport n’a pas encore été rendu public.
Human Rights Watch a également déjà publié un rapport sur le centre de réhabilitation Yayasan Galuh, une institution privée située à Bekasi, dans la banlieue de Jakarta.Ce centre détient actuellement, de façon arbitraire, environ 436 hommes, femmes et enfants présentant un handicap psychosocial. Les gens sont amenés à Galuh par leur famille ou par la police locale, dans le cas où on les a trouvés vivant dans la rue. À moins que la famille ne vienne pour faire sortir la personne, elle peut y rester indéfiniment.
Les résidents de Galuh sont également exposés à divers abus et négligences, à l’hospitalisation sous contrainte, l’isolement et la contention. Ils sont forcés à vivre dans des conditions de surpopulation et d’insalubrité. Ils sont détenus dans une grande promiscuité, sans pouvoir sortir ou se laver régulièrement, ce qui contribue à la propagation de poux et de la gale. Les femmes résidant dans ce centre sont particulièrement exposées au risque de violence sexuelle, vu que les toilettes n’ont pas de portes et qu’un personnel masculin surveille la section des femmes. Lors de la visite de Human Rights Watch, des hommes membres du personnel observaient pendant que les patientes nues se baignaient.
Ratih, une femme ayant un handicap psychosocial qui a été détenue à Galuh pendant des années, a déclaré :
J’ai été enchaînée ici trois fois. Le personnel m’a dit que si j’étais menottée, c’était pour mon bien. J’ai été frappée par des membres du personnel et menottée pendant une semaine entière. Je ne pouvais même pas aller aux toilettes, j’ai dû uriner sur place, dans mes vêtements. J’ai dû demander à mon amie de m’aider à manger, mais elle avait trop peur... Je veux rentrer à la maison, ma place n’est pas ici.
Recommandations
Le bureau du médiateur (ombudsman), la Commission nationale des droits humains et la Commission nationale sur la violence à l’égard des femmes devraient :
Le ministère de la Santé devrait :
Le ministère des Affaires sociales devrait :
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