« C’était des viols déguisés en vidéo » : le réseau, le recruteur et les proies
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Ils ont tous les âges. Des casquettes, des bonnets, des barbes, des lunettes. Ils ne se cachent pas, se parlent pour certains, sourient pour d’autres. Quelques jours plus tard, un confinement total s’abattra sur la France, mais ce dimanche 8 mars 2020 à 13 heures, ils attendent devant un immeuble gris de la porte d’Italie, à Paris, puis finissent par entrer. A quelques mètres de là, des gendarmes en planque dans un véhicule banalisé les photographient un à un, trente-trois hommes au total. Tous sont là en réponse à un e-mail lapidaire reçu deux jours plus tôt : « BUKKAKE le dimanche 8 mars 13 heures, 11 avenue Léon-Bollée, 75013 Paris. 2 grosses éjacs + 1 semaine d’abonnement chez french-bukakke. Impératif : cagoule + carte d’identité. » Les enquêteurs de la section de recherches (SR) de Paris ont également reçu cette invitation : ils viennent d’infiltrer cette plate-forme pornographique avec un faux profil.
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— Meerkat Sat Oct 17 18:49:46 +0000 2020
Ce dimanche de mars, les gendarmes n’ont pas besoin de franchir la grille ; ils savent déjà ce qui se joue derrière ces murs. « Pascal m’a dit qu’il y allait avoir beaucoup d’hommes, j’ai dit : “Non je ne veux pas faire ça, je ne peux pas le faire et j’ai peur.” », a témoigné Samira, l’une des victimes – tous les prénoms de celles-ci ont été modifiés –, lors d’une audition. « Tu vas le faire, tu vas être souriante, tu n’as pas le choix », lui aurait ordonné le Pascal en question. « Je rentre dans la pièce, ils avaient tous une cagoule ou un masque, avec des vêtements, mais tous le sexe à l’air », poursuit cette femme de 22 ans. Elle raconte avoir dû se mettre sur le coussin par terre et pratiquer une fellation à chacun des inconnus présents. Ensuite, ils ont éjaculé sur elle, alors qu’une caméra enregistrait ce « bukkake », du nom de cette pratique venue du Japon où une seule femme doit satisfaire plusieurs dizaines d’hommes. La victime, toujours : « J’avais plus aucune visibilité en fait, je pleurais mais les larmes ne coulaient pas, j’avais le visage rempli, les yeux remplis, mon corps tremblait, je n’avais plus aucun contrôle. Ça a duré une heure, j’avais l’impression que ça n’allait pas s’arrêter, c’était une torture. »
Cette scène n’est que l’une des centaines collectées par les gendarmes au cours de leurs deux années d’investigation sur ce qui s’annonce comme l’une des plus grandes affaires de violences sexuelles traitée par la justice française. Avec 53 victimes identifiées à ce jour, huit personnes mises en examen, trois juges d’instruction et des milliers de procès-verbaux, l’enquête, révélée en partie par Le Parisien, est ouverte pour « viols en réunion », « traite aggravée d’êtres humains », « proxénétisme aggravé », « blanchiment », « travail dissimulé » et « diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne ». Selon nos informations, plus de 500 hommes ayant participé à des « bukkake » ont été identifiés par les gendarmes et pourraient faire l’objet de poursuites.
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