Un Homme sur deux est une femme !
Elle a écrit et joué Femmes libérées en 2014 au théâtre Tristan-Bernard et travaille déjà à son adaptation en une série télé très attendue. Drôle, irrévérencieuse, Noémie de Lattre a commis un de ces livres très utiles qui mêlent si bien la farce et la profondeur. « Un Homme sur deux est une femme » encourage à la vigilance : non, l’égalité des sexes n’est pas gagnée.
On vous sent très… Énervée. Mais cette colère s’adresse aux hommes ou aux femmes ?Bonne question ! Et bien, plutôt aux femmes. Les hommes, ils ont tout eu pendant des siècles, et là, on leur demande d’en rendre la moitié, ce n’est pas évident pour eux. Je peux comprendre le désarroi des hommes modernes qui pour la plupart cherchent à bien faire, mais … J’ai plus d’empathie pour l’homme moderne que pour les femmes telles que j’en connais qui vont nous dire « Ah non, moi, je ne suis pas concernée par le féminisme ».
Du coup, vous leur demandez d’ouvrir les yeux, de se libérer, mais c’est quoi être une femme libre en 2016 ?Je pense que tout simplement, ce n’est pas encore possible. Les femmes seront libres quand elles pourront faire ce qu’elles veulent sans avoir à surmonter des préjugés sinon sexistes, du moins, de genre. Êtres encadrées dans ce que la nature a déterminé pour elles : le fait que nous sommes physiquement moins fortes, que nous mettons des enfants au monde. Il faut un encadrement législatif pour tout ça.
Que répondre à celles et ceux qui soulignent que les lois ont évolué, que c’est à chacune d’avancer sur le terrain de ces nouvelles égalités ?Que les lois passent mais qu’elles ne sont pas suffisamment respectées, ou mal appliquées. Je pense aux campagnes contre le harcèlement dans les transports, les affiches étaient formidables mais problème : pas un numéro de téléphone sur l’affiche ! On disait aux mecs, que, oui, ce n’est pas sympa, mais ça ne nous aidait pas « pour de vrai » ! De la même manière, quand on pense au salaire, moi la première, on me dit, à compétence égale, au même salaire, on prend une femme ou un homme, de 35 ans? Je ne suis pas débile, je prends l’homme ! Je sais que la femme sera en congé maternité à un moment. Il faut que les congés parentaux soient pris à égalité entre l’homme et la femme ! C’est le cas en Suède. La femme ne peut pas prendre plus que l’homme. Elle prend 3 semaines ? Son homme prendra la même chose. Une vraie parité ! En France, au-delà des chiffres (les femmes touchent 19% de salaire en moins), les femmes font encore 80% des tâches ménagères. Elles ont une double journée de travail. On appelle la mère sur son lieu de travail quand le gamin à de la fièvre à l’école, pas le père, ou après. A poste égal, elles n’ont pas le même salaire, et leur parcours est semé d’embûches.
Vous passez du règne des cosmétiques et des dictats de la pub aux agressions verbales et physiques auxquelles sont régulièrement soumises les femmes avant d’aborder les solutions qui selon vous passent par l’éducation…Mais le problème c’est qu’il faut éduquer les éducateurs. Et ça fini par se mordre la queue. Les institutrices peuvent encore être choquées de me voir offrir une poupée à mon fils. Elles n’ont pas reçu de formation à l’égalité des sexes. Avant de faire l’expérience de la maternité, les choses m’apparaissaient plus simples. C’était pour moi alors plus une question de volonté. Je disais, ben voilà, il faut partager point barre. Là je me rends compte que c’est plus compliqué. J’ai un petit garçon et avec mon homme et moi, on essaie de l’élever dans une neutralité de genre mais les modèles qu’il a devant les yeux c’est une mère douce et câline et un père farceur, vif. A moins d’un an il a déjà des représentations de l’homme comme figure tonique et de la femme comme image douce et chaleureuse. Et on y peut rien, on est comme ça. Il faut le savoir.
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C’est un peu le livre d’une fille qui en a marre et qui aimerait secouer les copines, les encourager à bouger ?J’aimerais, oui ! Mais il faut commencer par former les pédagogues qui vont former les jeunes générations et j’ai le sentiment que finalement notre seul outil, notre seule arme, c’est de fonctionner avec des modèles. Proposer des modèles inspirants à travers l’art, le cinéma, le théâtre et la littérature, ou soi-même, en tant que comédienne ! Montrer, proposer un modèle de femme moderne et féministe peut vraiment être salutaire…
C’est une solution pour toucher tous ceux qui n’iront pas naturellement lire un livre comme le vôtre ?Oui, et même s’ils ne le lisent pas, je suis interviewée dans de nombreuses émissions, j’écris un papier pour le Huffington Post… C’est une façon de communiquer! Le doute est là chez la plupart des hommes de ma génération qui me disent « vous voulez qu’on soit sensibles et féminins mais aussi virils, voire machos, on est un peu perdus ». C’est vrai que les choses sont plus claires quand elles sont caricaturées.
Vous vous êtes rapprochée d’associations féministes ?J’ai l’envie de porter un message, je ne suis pas contre le militantisme, je serais ravie de participer à un effort collectif mais les mouvements que je connais se positionnent contre d’autres féministes et c’est un principe qui me dérange. Être féministe, c’est être libre et par conséquent on n’a pas le droit de dire que Beyoncé n’est pas féministe parce qu’elle se met en sous-vêtements à la Une du Time Magazine. Mais ma réflexion n’est pas arrêtée. Il faut peut-être pour militer efficacement avoir des positions plus tranchées. Je trouve que Osez le féminisme fait des choses admirables, plein de femmes sont engagées comme Isabelle Alonso, pour qui j’ai pas mal de gratitude mais pour l’instant, je ne m’engage pas dans une asso.
Votre livre aborde des sujets graves, mais on sourit à toutes les pages, on a envie de le voir monté sur scène ! C’est un projet ?Il y a l’envie de le démultiplier, c’est déjà ce que je fais à la radio, sur France inter, et je travaille à l’adaptation pour une série télé, sur des personnages que l’on peut identifier, qui vivent et expérimentent toutes les questions et les raisonnements que j’ai dans mon livre.
Que pensez-vous de la journée des droits de la femme ?Le Huffington post m’a demandé une vidéo à ce sujet justement. Le « pitch » c’est, en gros « Madame, tu gagnes mal ta vie, tu as le droit à rien, tu es violée, excisée et battue, mais c’est pas grave parce que le 8 mars, c’est ta journée ! ». Voilà, je trouve ça dérisoire. On n’est pas une minorité. C’est humiliant.