Tennis : « Je regarde mes joueurs et un peu les autres »… Aux Petits As de Tarbes, ces ados sont déjà presque des pros
De notre envoyé spécial à Tarbes,
Depuis août dernier et le départ de son plus jeune fils pour le Pôle France de Poitiers, sous la houlette de la Fédération (FFT), Christian Witz ne voit plus Antonin, 13 ans, que très sporadiquement. Alors le Mulhousien, agent territorial, n’a pas hésité à poser une semaine de congé pour traverser la France et venir suivre le fiston aux Petits As de Tarbes. Ce mardi, tous deux répondent à une poignée de journalistes sur la mezzanine qui surplombe le Parc des Expositions de la préfecture des Hautes-Pyrénées, où se dispute le Mondial officieux des 12-14 ans depuis 1983.
Pas de quoi déstabiliser l’adolescent, qui vient de mater le Kazakh Zangar Nurlanuly, tête de série n° 4, sur un court central où les Djokovic, Federer, Hingis ou Henin ont bataillé bien avant lui. « Je ne le connaissais pas, mais on m’en avait parlé pour me dire qu’il jouait bien et qu’une belle bagarre m’attendait », glisse l’adolescent encore frêle, fan de Rafael Nadal (vainqueur ici en 2000), que son rythme de vie décalé par rapport à son âge fait mûrir en accéléré.
Impensable d’en dire plus, de peur de se faire piquer la perle rare. Pas besoin pourtant d’être un grand spécialiste pour constater que certain(e) s ont déjà une flatteuse réputation. Comme Laura Samsonova, tête de série n° 2, suivie par une bonne dizaine de personnes, dont des membres de la Rafa Nadal Academy, à Manacor, où elle passe plusieurs semaines par an. Comme certain(e) s de ses collègues, la blondinette tchèque de 13 ans, quart de finaliste ici-même en 2021, dispose déjà d’un agent, Ugo Colombini.
« Je regarde mes joueurs, comment ils progressent, détaille l’Italien basé à Monaco, qui regrette dans un sourire avoir de plus en plus de concurrence. Je regarde un peu les autres aussi, il y en a pas mal que je découvre… » Mais à quoi sert un agent pour de si jeunes athlètes ? « On devient le conseiller de la famille pour la carrière des enfants, les entraînements, la programmation des tournois, la partie commerciale. De plus en plus, ils suivent l’école à distance. »
Ksenia Efremova, nouvelle Kournikova ?
Pas de costume criant ou de chaîne en or qui brille. L’agent de tennis est discret. Mais il y en a forcément parmi les consommateurs de café ou de sandwichs qui discutent autour d’une table dans le hall central, en face de l’écran géant qui diffuse en matinée l’Open d’Australie.
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« 12 sociétés d’agents sont présentes, détaille Jean-Claude Knaebel (85 ans), cofondateur et codirecteur, avec sa femme Claudine et son beau-frère Jacques Dutrey, du tournoi aux 180 bénévoles et au budget de 950.000 euros. Elles viennent faire leur marché. Mais déjà, à l’époque, Richard Gasquet [vainqueur en 1999] avait été pris par IMG [société d’agents] et Anna Kournikova [titrée en 1994] par Adidas. Aujourd’hui, il y a une jeune Russe de 12 ans, Ksenia Efremova, qui lui ressemble beaucoup, au niveau du culot et du physique. Elle est déjà chez Nike pour les vêtements et chez Yonex pour les raquettes. »
La pensionnaire de l’académie Mouratoglou à Biot, près d’Antibes, clame son envie de devenir rapidement numéro 1 mondiale. Si la joueuse née en 2009, surclassée d’un an, s’est fait sortir dès le 2e tour cette année, elle appartient à l’élite de sa catégorie, et attire déjà sponsors et médias.
« Dans certains domaines, ces jeunes sont déjà un peu pros, juge Gilles Moretton, président de la FFT présent mardi à Tarbes avec une partie de son état-major. Certains le deviendront vraiment, d’autres resteront de bons joueurs de clubs. » Le patron du tennis tricolore ne s’en prend pas aux académies privées présentes en force aux Petits As et avec lesquelles il existe des « passerelles ». Mais il défend une logique moins élitiste pour les « 360 jeunes suivis et accompagnés un peu partout en France, de 10 à 18 ans » dont forcément seule une partie fera carrière.
Seulement, privé ou public, la famille d’un aspirant professionnel doit composer avec une donnée intangible : le tennis coûte cher. « A un moment, il faut que la Ligue [régionale], le comité [départemental], la Fédération ou des sponsors viennent aider, glisse Moretton. Contrairement à l’image que l’on a, ce ne sont pas forcément des gens riches qui jouent au tennis. »
Une saison à 40.000 euros
La famille Witz, rassurée d’être restée sous giron fédéral avec un « double projet sportif et scolaire », a ainsi fait ses comptes. « L’an dernier, la saison a coûté 40.000 euros », dévoile Christian, le père d’Antonin. Un financement participatif a même été lancé pour accompagner l’espoir alsacien, dont le parcours tarbais s’est arrêté mercredi, face à l’Américain Keaton Hance, pendant que la Tchèque Samsonova traçait sa route.
« Ce n’est pas forcément important d’être fort dès maintenant, anticipait Christian Witz mardi. Plein de joueurs ont gagné ici et n’ont jamais rien fait. » Juste. Qui se souvient de l’Espagnol Carlos Boluda, doublement titré en 2006 et 2007, alors qu’en leur temps, Federer et Djokovic avaient respectivement calé en 8es et en quart de finale ?
Un trophée, mais pas d’argent en jeu
Il n’empêche : si briller en Bigorre n’est surtout pas une garantie de succès chez les grands, les Petits As restent « the place to be » pour les ados en quête de gloire, comme le confient toutes les personnes du milieu du tennis croisées au Parc des Expos.
Et cela va continuer, même si Jean-Claude Knaebel et son équipe passeront la main à l’issue de cette 40e édition. « Le tournoi a été créé par une famille tarbaise et on veut qu’à vie, il reste à Tarbes », assène le cofondateur d’un événement lancé en 1983 « avec quatre nations, une caravane et un court ». Depuis l’épreuve a grandi, le tennis des ados s’est professionnalisé, mais toujours pas question d’un « prize money » : « La seule différence entre ceux et celles qui perdent au premier tour des qualifications et le ou la gagnante de la finale, c’est le trophée. »