Travail des enfants, mercure et orpaillage au Mali | HRW Human Rights Watch Human Rights Watch
Dans de nombreuses régions ruralespauvres à travers le monde, des hommes, des femmes et des enfantstravaillent dans des mines d’or artisanales pour gagner leur vie.L’exploitation artisanale ou à petite échelle est uneactivité de l’économie informelle qui recourt à destechniques d’extraction rudimentaires nécessitant une maind’œuvre abondante. Selon les estimations, quelque 12 pour cent de laproduction mondiale d’or proviendrait des mines artisanales.
L’exploitation minière estl’un des secteurs de travail les plus dangereux au monde, et pourtant letravail des enfants est courant dans les mines artisanales. Le présentrapport examine l’utilisation du travail des enfants dans les minesd’or artisanales du Mali, situées dans la vaste ceintureaurifère de l’Afrique de l’Ouest. Le Mali est letroisième plus grand producteur d’or d’Afrique, aprèsl’Afrique du Sud et le Ghana ; l’or est le principal produitd’exportation du Mali.
Selon les estimations, entre 20 000 et 40 000enfants travailleraient dans le secteur de l’exploitation aurifèreartisanale (orpaillage) au Mali. La plupart commencent à travaillerdès l’âge de six ans. Ces enfants sont soumis àquelques-unes des pires formes de travail des enfants, qui entraînent desblessures, une exposition à des produits chimiques toxiques, voire lamort. Ils creusent des puits et travaillent sous terre, extraient, transportentet concassent le minerai, et ils le lavent lors de l’opération depanage. Beaucoup d’enfants souffrent de graves douleurs à latête, au cou, dans les bras ou dans le dos, et risquent à longterme des lésions à la colonne vertébrale en raison descharges pesantes qu’ils déplacent et des mouvementsrépétitifs qu’ils exécutent. Certains enfants ontété blessés lors de la chute de blocs de pierre ou par desoutils tranchants, d’autres sont tombés dans des puits. Parailleurs, ils risquent d’être grièvement blesséslorsqu’ils travaillent dans des puits instables qui, parfois,s’effondrent.
Les enfants orpailleurs sont égalementexposés au mercure, une substance extrêmement toxique,lorsqu’ils effectuent l’amalgamation du minerai aurifère etdu mercure, brûlant ensuite l’amalgame pour récupérerl’or. Le mercure s’attaque au système nerveux central et serévèle particulièrement nocif pour les enfants. Lesenfants travailleurs risquent un empoisonnement au mercure, qui entraîneune série d’effets neurologiques, notamment des tremblements, desproblèmes de coordination, des troubles de la vue, des maux detête, des pertes de mémoire et des problèmes deconcentration. Les effets toxiques du mercure ne se remarquent pasimmédiatement mais se développent au fil du temps : pour lespersonnes qui ne sont pas des experts médicaux, ils sont difficilesà déceler. La plupart des orpailleurs adultes et enfantsn’ont pas conscience des graves risques qu’ils encourent sur leplan de la santé en utilisant du mercure.
La majorité des enfants travailleursvivent avec leurs parents et travaillent à leurs côtés. Lesparents envoient leurs enfants travailler à la mine pour accroîtreles revenus de la famille. La plupart des parents sont eux-mêmesorpailleurs et sont peu payés pour l’or qu’ils extraient,alors que les négociants et certains fonctionnaires locaux en retirentdes profits considérables. Mais certains enfants vivent ou travaillentégalement avec d’autres personnes – des proches, desconnaissances ou des étrangers – et sont exploitéséconomiquement par elles. Un pourcentage important d’enfantstravailleurs sont des migrants, provenant de différentes régionsdu Mali ou de pays voisins tels que le Burkina Faso et la Guinée.Certains sont peut-être victimes de la traite des enfants.Dans leszones d’extraction minière artisanale, les jeunes filles sont parfoisaussi victimes d’exploitation et d’abus sexuels.
Bon nombre d’enfants travaillant dansles mines artisanales ne vont jamais à l’école et sont doncprivés de l’acquisition de compétences essentielles pour lavie, ainsi que de possibilités d’emploi futures.Legouvernement a largement failli à sa mission de rendrel’éducation accessible et abordable pour ces enfants. Les frais descolarité, le manque d’infrastructures et la piètrequalité de l’enseignement dissuadent beaucoup de parents des zonesminières d’envoyer leurs enfants à l’école.Les écoles se mettent aussi parfois en défaut d’inscrire etd’intégrer les enfants qui ont migré sur des sites miniers.Toutefois, certains enfants travailleurs vont à l’école,mais il leur est difficile de suivre le rythme scolaire car ils travaillentdans les mines les jours de congé, les week-ends et pendant leur tempslibre.
De l’avis de Human Rights Watch, àquelques exceptions près, les entreprises malienneset internationales actives dans le négoce de l’orau Mali nese sont pas suffisamment employées à s’attaquer auproblème du travail des enfants dans la chaîned’approvisionnement. L’or provenant des mines artisanales du Maliest en grande partie acheté par des petits négociants qui lerevendent à des intermédiaires et à des maisons denégoce à Bamako, la capitale du pays. Quelques maisons denégoce exportent l’or vers la Suisse, les Émirats arabesunis (en particulier Dubaï), la Belgique et d’autres pays.
Au regard du droit international, legouvernement malien est tenu de protéger les enfants contre les piresformes de travail des enfants, ainsi que contre l’exploitationéconomique, la traite des êtres humains et la maltraitance. Il luiincombe également de garantir une éducation primaire gratuite etobligatoire pour tous. Par ailleurs, le gouvernement doit prendre des mesuresvisant à éviter les accidents et maladies liés au travail,et à réduire l’exposition de la population aux substancesnocives. Les partenaires internationaux du développement devraient aiderles nations les plus pauvres, telles que le Mali, à s’acquitterdes obligations qui leur incombent aux termes du droit international. Au regarddu droit international et d’autres normes, les entreprises ontégalement la responsabilité d’identifier, de prévenir,d’atténuer et de justifier leur impact sur les droits humains parle biais de politiques et de mesures de diligence raisonnable.
Le gouvernement malien a entrepris unedémarche encourageante en prenant certaines mesures importantes pourprotéger les droits des enfants. Il a déclaréillégal le travail dangereux des enfants dans les mines artisanales et,en juin 2011, a adopté un Plan d’action national pourl’élimination du travail des enfants. Il a égalementopéré quelques progrès en ce qui concernel’amélioration de l’accès àl’éducation, mais le taux net de scolarisation, à savoir60,6 pour cent, reste peu élevé.En ce qui concerne lemercure, le gouvernement appuie les mesures de réduction del’utilisation du mercure prévues dans le futur traitéinternational sur le mercure.
Le gouvernement n’a toutefois pasusé de tout son poids politique pour garantir l’efficacitéde ces efforts. Les initiatives existantes, telles que le travail de la Cellulenationale de lutte contre le travail des enfants, tendent à êtreisolées et à souffrir d’un manque d’effectifs. Parailleurs, elles ne bénéficient pas du soutien total des autresministères. La politique de la santé ne dispose pas d’unestratégie visant à prévenir ou à traiter lesproblèmes de santé liés à l’usage du mercureou autres états associés à l’extractionminière. Les enfants travailleurs, dont ceux qui vivent dans les zonesd’orpaillage, ne bénéficient d’aucune politique gouvernementaleen matière d’éducation, et le systèmed’enseignement n’a pas été adapté àleurs besoins. La politique minière s’est focalisée surl’exploitation industrielle, qui est l’apanage des entreprisesinternationales, et a fortement négligé les problèmesliés à l’exploitation artisanale, notamment le travail desenfants. Entre-temps, les fonctionnaires locaux et les autoritéstraditionnelles telles que les chefs locaux tirent financièrement profitde l’exploitation artisanale. Dans des domaines cruciaux tels que lasanté, l’éducation et les mines artisanales, les politiquesgouvernementales sont aussi parfois minées par le laissez-faire desfonctionnaires locaux, qui exercent un poids considérable dans lastructure gouvernante actuelle décentralisée. Cette attitude sapevéritablement les efforts déployés par le gouvernementpour s’attaquer aux problèmes des droits de l’enfant,notamment au travail des enfants dans les mines d’or artisanales.
Les bailleurs de fonds, les agences desNations Unies et les groupes de la société civile ontlancé quelques initiatives importantes relatives au travail des enfants,à l’éducation ou à l’extraction minièreartisanale au Mali. Par exemple, l’Organisation internationale du Travail(OIT) et une association non gouvernementale malienne, le Réseaud’Appui et de Conseils, ont aidé des enfants à abandonnerle travail de la mine et à se scolariser. Mais ces initiatives ontété d’une portée limitée et elles se sontheurtées à un manque de financement et àl’inconstance du soutien politique. Les États-Unis et laCommission européenne ont considérablement réduit lesfonds qu’ils allouaient aux programmes internationaux portant sur letravail des enfants au Mali, causant des problèmes de financementà l’OIT.Au niveau international, l’OIT n’a pas donnésuite à son appel de 2005 en faveur d’une action intitulée« Minors out of Mining » (« Les mineursd’âge hors des mines »), dans le cadre de laquelle lesgouvernements de quinze pays, dont le Mali, s’étaientengagés à éliminer le travail des enfants dans l’orpaillageà l’horizon 2015.
Le travail dangereux des enfants dans lesmines artisanales du Mali ne peut être éradiqué que sidifférents acteurs—le gouvernement central et les autoritéslocales, la société civile, les agences de l’ONU, lesbailleurs de fonds, les orpailleurs, ainsi que les négociants en or etles compagnies aurifères—considèrent cetteéradication comme une priorité, lui apportent pleinement leursoutien politique, et contribuent à financer les efforts visant àmettre un terme au travail dangereux des enfants. Il faut d’urgence des solutionsconcrètes et réalisables qui sont porteuses de changement.
Dans un premier temps, le gouvernement devraitprendre des mesures immédiates pour mettre fin àl’utilisation du mercure par les enfants qui travaillent dansl’orpaillage, notamment en réitérant publiquementl’interdiction de cette forme de travail dangereux des enfants, en menantune campagne d’information dans les zones minières et eneffectuant régulièrement des inspections du travail.
En dehors de cesmesures immédiates, le gouvernement et toutes les parties prenantesconcernées devraient unir leurs efforts pour mettre en œuvre leplan d’action gouvernemental sur le travail des enfants. Le gouvernementdevrait également prendre des mesures visant à améliorerl’accès à l’éducation dans les zonesminières, en abolissant tous les frais de scolarité, enintroduisant une aide de l’État aux écoles communautaireset en mettant en place un programme de protection sociale pour les enfantsvulnérables. Le gouvernement et les autres acteurs devraient apporter unsoutien accru aux orpailleurs, par exemple en les aidant à créerdes coopératives et à introduire des technologies de remplacementqui réduisent l’utilisation du mercure. Le gouvernement devrait parailleurs s’attaquer à l’impact du mercure sur lasanté des orpailleurs, en particulier des enfants, ets’intéresser à d’autres problèmes desanté liés à l’extraction minière. Lesbailleurs de fonds internationaux et les agences de l’ONU devraientappuyer le gouvernement, à la fois sur le plan politique, financieretde l’expertise technique, dans les efforts qu’ildéploie pour éliminer le travail dangereux des enfants dans lesmines artisanales. Il faut convoquer une table ronde nationale sur le travaildangereux des enfants dans les mines artisanales du Mali, rassembler tous lesacteurs concernés—gouvernement, société civile, ONU,bailleurs de fonds, experts et entreprises—et créer une dynamiqueen vue d’une action concertée.
Les entreprises maliennes et internationalesdevraient reconnaître leur responsabilité en ce qui concerne letravail des enfants et d’autres questions liées aux droitshumains. Elles devraient mettre en place des procédures trèscomplètes de diligence raisonnable et engager un véritabledialogue avec leurs fournisseurs et leur gouvernement, insistant surl’adoption de mesures en vue de l’élimination du travail desenfants dans un délai précis, par exemple deux ans. Ellesdevraient également apporter leur appui direct aux projets visantà éliminer le travail des enfants, entre autres des programmesd’éducation et de santé pour les enfants des zonesd’exploitation minière artisanale. Un boycott immédiat ettotal de l’or provenant du Mali n’est pas la solution auxviolations des droits humains commises dans les mines d’or artisanales duMali. Un boycott risquerait de réduire le revenu des communautésd’orpailleurs touchées par la pauvreté et pourraitmême accroître le travail des enfants, les familles cherchantà augmenter leurs revenus.
À l’échellerégionale, la Communauté économique des États del’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) devrait veiller à ce que lefutur Code minier de la CEDEAO interdise le travail des enfants dans les minesartisanales, y compris l’utilisation de mercure, et donne mandat auxgouvernements de prendre des mesures visant à une réduction del’utilisation du mercure. Au niveau international, le futur traitéinternational sur le mercure devrait obliger les gouvernements à prendredes mesures qui mettent un terme à la pratique de l’utilisation dumercure par des enfants travailleurs. L’OIT devrait donner suite auxefforts qu’elle a entamés antérieurement pour mettre fin autravail des enfants dans l’orpaillage en réactivant son initiative« Minors out of Mining ».
Les recherches de terrain en vue duprésent rapport ont été menées entre févrieret avril 2011 à Bamako et dans les zones minières del’ouest et du sud du Mali. Les chercheurs de Human Rights Watch se sontrendus sur trois sites miniers du cercle de Kéniéba, dans larégion de Kayes située dans l’ouest du Mali—Baroya (communede Sitakili), Tabakoto (commune de Sitakili) et Sensoko (commune de Kéniéba).Nous avons également visité la mine de Worognan (commune de Mena)dans le cercle de Kolondiéba, dans la région de Sikasso, au suddu Mali (voir carte).
Human Rights Watch a interrogé plus de150 personnes—dont 41 enfants travaillant dans les zones minières(24 garçons et 17 filles)—aux fins du présent rapport.[1]Trente-trois de ces enfants travaillaient dans l’orpaillage et les huitautres, dont sept filles, étaient des enfants travailleurs dansd’autres secteurs tels que la garde d’enfants, le travaildomestique, l’agriculture ou des petites entreprises. Cinq de cesquarante-et-un enfants étaient des immigrés ; deuxprovenaient du Burkina Faso et trois de Guinée. Nous avonségalement interrogé trois jeunes adultes âgés de dix-huitet dix-neuf ans ; deux d’entre eux travaillaient dans une mined’or et la troisième se livrait au commerce du sexe sur un siteminier.
La majorité des enfantsinterrogés vivaient avec leurs parents, mais cinq vivaient avecd’autres membres de leurs familles ou d’autres tuteurs, et septvivaient seuls.
Nous nous sommes également entretenusavec une vaste palette d’autres acteurs dans les régionsminières, notamment des parents et des tuteurs d’enfantstravailleurs, des orpailleurs adultes, des enseignants et des directeursd’école, des travailleurs des soins de santé et des expertsde la santé, des chefs de village, des tombolomas (chefstraditionnels des mines), des militants d’ONG et des travailleuses dusexe. Par ailleurs, les chercheurs de Human Rights Watch ont tenu desréunions avec des négociants en or dans les zones minièreset avec des représentants d’agences de l’ONU et degouvernements bailleurs de fonds à Bamako. Nous avons interrogéle ministre du Travail et de la Fonction Publique et son personnel, ainsi quedes responsables au sein du Ministère des Mines, du Ministère dela Santé, du Ministère de l’Environnement et del’Assainissement, du Ministère de l’Éducation et duMinistère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de laFamille. Nous nous sommes aussi entretenus avec des responsables desautorités locales dans les cercles de Kéniéba et deKolondiéba.
Nous avons également interrogédes entreprises internationales qui importent de l’or et d’autresproduits via des chaînes d’approvisionnement complexes, notammentdeux sociétés qui importent de l’or de mines artisanales duMali. Par ailleurs, à l’extérieur des frontièresmaliennes, nous avons parlé avec plusieurs experts internationauxà propos de l’orpaillage, de l’utilisation du mercure et deseffets du mercure sur la santé.
Les entretiens avec les enfants travailleursont eu lieu dans un environnement tranquille, en dehors de la présenced’autres adultes. Les noms des personnes interrogées demeurerontconfidentiels. Tous les noms des enfants utilisés dans le présentrapport sont des pseudonymes. Nous avons pris des dispositions pourqu’une ONG locale intervienne dans le cas d’un enfant victime demaltraitance à la maison. Lorsque nous avons interrogé desenfants, nous avons adapté la durée et le contenu del’entretien en fonction de l’âge et de la maturité del’enfant. Les entretiens avec des enfants de moins de 10 ans n’ontpas duré plus de 15 minutes, tandis que ceux avec des enfants plusâgés ont duré jusqu’à 60 minutes.
La plupart des entretiens ontété réalisés en bambara avec l’aided’un interprète. Le bambara est la langue maternelled’environ quatre millions de Maliens appartenant au groupe ethnique bambara ; il s’agit également de la langue véhiculaire au Maliet dans plusieurs autres pays ouest-africains. Trois entretiens avec desenfants guinéens et un avec un jeune Guinéen de 18 ans ontété menés en français. Un entretien avec unetravailleuse du sexe de 18 ans a été réalisé enanglais.
L’un des défis qui s’estposé lors de nos travaux de recherche a étéd’évaluer l’âge des enfants. Certains ne connaissaientpas leur âge exact. Les parents ou les tuteurs étaient parfoisaussi incapables de donner l’âge précis de l’enfant.Au Mali, près de la moitié de toutes les naissances ne sont pasdéclarées à l’état civil, ce qui fait qu’ilétait difficile d’obtenir des informations sur l’âgeréel des enfants que nous avons interrogés.[2] Nous avonsconsidéré que les personnes interrogées étaient desenfants uniquement si nous en étions certains, jugeant de leur âgeen fonction de leur propre estimation, de l’estimation de leurs procheset de leur apparence physique. Pour cette raison, nous n’avons pas inclusle témoignage d’un garçon qui affirmait avoir 18 ans alorsqu’il paraissait plus jeune.
Outre les entretiens, nous avonseffectué des recherches documentaires, consultant un largeéventail de documents écrits émanant du gouvernement, del’ONU, d’ONG, des médias, d’experts universitaires,d’entreprises et d’autres sources.
L’économieaurifère du Mali
Cela fait des siècles que les minesd’or sont exploitées au Mali. De vastes royaumes ouest-africains,dont l’Empire du Mali (environ 1235-1400), ont bâti leur richessesur l’or de la région de Bambouk, dans l’ouest du Mali, etsur le commerce de l’or transsaharien.[3] L’or a continué d’être une matièrepremière essentielle pendant la période du colonialisme et dansl’économie postcoloniale malienne.
Depuis 1999, l’or constitue le principalproduit d’exportation du Mali, suivi par le coton. En 2008, ilreprésentait quelque 75 pour cent de toutes les exportations maliennes.[4]Alors que le prix de l’or a considérablement augmenté aucours de la dernière décennie, les prix d’autresmatières premières, telles que le coton, ont chuté. LeMali est actuellement le troisième plus grand producteur d’or ducontinent africain, après l’Afrique du Sud et le Ghana, et letreizième plus grand producteur d’or au monde.[5] Depuis2005, la production aurifère du Mali s’élèveà près de 50 tonnes par an—ce qui représente unevaleur de plus de 2,9 milliards de dollars américains aux prix deseptembre 2011.[6]
Les principales régionsd’extraction aurifère sont situées dans l’ouest etdans le sud du Mali, plus précisément dans le cercle deKéniéba près de la frontièremalo-sénégalaise (connu auparavant sous le nom de Bambouk) ; dansla zone autour de Kangaba, à moins de 100 kilomètres au sud-ouestde la capitale ; et dans plusieurs zones de la région de Sikasso(voir carte). Alors que l’extraction minière àKéniéba et Kangaba remonte à des centainesd’années, de nombreuses mines de la région de Sikasso ontété ouvertes au cours des dernières années. Laceinture aurifère du Sahel comprend plusieurs autres pays, dont laGuinée, le Sénégal, le Burkina Faso, le Ghana, le Niger etle Nigeria.
Au cours de l’histoire, les mineursmaliens ont pratiqué l’extraction minière, connue sous lenom d’orpaillage. Cette pratique existe encore aujourd’hui.L’extraction minière artisanale ou à petite échelleest effectuée par des personnes, des groupes, des familles ou descoopératives. La mécanisation y est minimale ou inexistante etles méthodes d’excavation et de traitement requièrent unemain d’œuvre abondante. Les artisans mineurs, ou orpailleurs,opèrent avec des capitaux limités, souvent dans le secteurinformel de l’économie, et ils ne sont pas employés par unegrande entreprise.[7]Selon les chiffres officiels, les mines artisanales du Mali produisent quelquequatre tonnes d’or par an ; le chiffre réel pourraittoutefois être plus élevé.[8]En raison de la hausse des prix de l’or, l’orpaillage aattiré un nombre croissant de personnes au Mali et en Afrique del’Ouest au cours de la dernière décennie.[9]
La majorité de l’or produitaujourd’hui provient de grandes mines industrielles. Parmi lessociétés multinationales importantes présentes au Mali figurentAnglo Gold Ashanti et Randgold (deux compagnies multinationalessud-africaines), IAMGOLD et Avion Gold (deux entreprises canadiennes), ResoluteMining (d’Australie) et Avnel Gold Mining (du Royaume-Uni). Cesentreprises exploitent plusieurs grandes mines industrielles, telles que lesmines de Morila, Sadiola, Yatela et Loulo, dans le cadre de joint ventures avecle gouvernement malien ; celui-ci détient une participationminoritaire de quelque 20 pour cent.[10]Une nouvelle loi sur les mines est actuellement en coursd’élaboration ; elle augmentera la participation du gouvernementdans les mines industrielles et obligera les sociétésminières à mettre en œuvre des projets dedéveloppement locaux.[11]
En dépit de ses richessesaurifères, le Mali reste un pays très pauvre. L’Indice dedéveloppement humain 2010, qui mesure la santé,l’éducation et le revenu, place le Mali en 160eposition sur 169 pays.[12]Environ 50 pour cent de la population vit avec moins d’un dollar par jour[13] et les indicateurs sociaux sont très bas. Près de 20pour cent de tous les enfants meurent avant leur cinquième anniversaireet les adultes n’ont fréquenté l’école quependant 1,4 an en moyenne.[14]Les organisations de développement et de défense des droitshumains portent un regard critique sur les bénéficeslimités offerts par le secteur aurifère malien àl’ensemble de la population, mettant notamment en avant le manque detransparence des recettes.[15]
L’extractionminière artisanale ou orpaillage
L’ouest et le sud du Mali comptent plusde 350 sites d’orpaillage ; même le gouvernement ignore leurnombre précis.[16]
Selon les estimations, le nombred’orpailleurs au Mali oscillerait entre 100 000 et
200 000.[17]Quelque 20 pour cent d’entre eux sont des enfants.[18] En sebasant sur ces estimations, le nombre d’enfants travaillant dans lesmines artisanales du Mali serait compris entre 20 000 et 40 000.
Le processus de travail est organisépar des groupes d’orpailleurs qui s’accordent au départ surla façon dont ils répartiront l’or extrait. Ces groupespeuvent comprendre des adultes et des enfants. Les mines artisanales ontattiré des travailleurs de bon nombre de régions du Mali, ainsique de pays de la sous-région ouest-africaine, tels que la Guinéeet le Burkina Faso.
En vertu du Code minier, l’orpaillageest légal dans des zones géographiques spécifiéesappeléescouloirs d’orpaillage.[19] Enréalité, la plupart des sites miniers artisanaux se situent endehors de ces couloirs.[20]
Le gouvernement tolèregénéralement ces activités, en partie parce que les maireset autres autorités locales, ainsi que les autoritéstraditionnelles, tirent parfois financièrement profit de la présencede mines artisanales. Dans le cadre de la décentralisation qui a eu lieudans les années 1990, le contrôle et la taxation del’exploitation artisanale de l’or ont étéconfiés aux collectivités territoriales.[21] Parfois,les orpailleurs doivent verser de l’argent ou remettre une partie de leuror aux autorités traditionnelles qui exercent des droits depropriété coutumiers sur la terre. Selon des pratiquescoutumières qui continuent d’avoir cours aujourd’hui, lesautorités traditionnelles—telles que les chefs de village—sontconsidérées comme propriétaires de toutes les terrescomprises dans une zone déterminée.[22] Elles ontle pouvoir d’ouvrir ou de fermer une mine. Au nom du chef de village, le tomboloma(chef traditionnel de la mine) se charge des questions de gestion à lamine. Il attribue à chaque groupe de mineurs un puits et, dans certaineszones, il perçoit un paiement en retour.[23] Ilgère également les conflits entre les mineurs.
Les maires aussi font parfois payer pour lespuits ou perçoivent d’autres revenus de la mine.[24] Un mairedu cercle de Kolondiéba a transféré son bureau de lamairie habituelle située dans le centre urbain de la commune à unsite minier lorsque la mine a été ouverte au cours del’année 2010, et au moment de notre visite, il percevait un tiersde chaque paiement versé pour chaque nouveau puits attribué. Son tombolomaa expliqué :
Par ailleurs, il arrive souvent que lesorpailleurs versent une partie de leurs revenus à des mineurs plusriches et plus puissants qui louent des machines et un équipementà ceux qui ne peuvent se permettre de les acheter. Ces exploitantsaurifères sont des personnes qui occupent une certaine position etexercent une certaine influence au sein de la communauté ; ils’agit le plus souvent de notables (autorités traditionnelles) oude fonctionnaires locaux. Ainsi, un maire a signalé à HumanRights Watch qu’il « possédait » une mineoù il mettait des machines en location.[26]Son conseiller avait de 70 à 80 personnes travaillant pour lui sur huitsites.[27]La relation entre les riches exploitants aurifères et les orpailleurs ordinairess’apparente parfois à la relation entre un employeur et unemployé. Certains riches exploitants prêtent également del’argent aux mineurs plus pauvres, faisant peser sur eux le poids del’endettement. Les dirigeants d’une communauté surl’un des sites miniers ont expliqué que l’endettementcréait une sérieuse pression sur les orpailleurs, qui essaient derembourser l’argent dans un délai d’un mois, et ils ontcité ce fait comme étant l’une des raisons pour lesquellesles parents envoyaient leurs enfants travailler dans les mines.[28]
Les orpailleurs à qui un puitsparticulier a été attribué emploient parfoisd’autres mineurs pour travailler pour eux. Ils sontconsidérés comme étant les« propriétaires » du puits. Plusieurs orpailleursde la région de Kéniéba ont expliqué qu’ilsdevaient donner deux sacs de minerai sur trois au« propriétaire » du puits.[29]
Dans certaines zones, les mineurs ont mis surpied des coopératives ou des groupements d’intérêtéconomique pour investir ensemble dans du matériel,améliorer l’efficacité du processus de travail etaccroître leurs revenus.[30]
Le travail et lamigration des enfants en Afrique de l’Ouest
Le travail des enfants est trèsfréquent au Mali et dans d’autres parties de l’Afrique del’Ouest. Lorsque la pauvreté sert de toile de fond, ils’agit d’une stratégie courante pour accroître lesrevenus du ménage. Selon des chiffres officiels maliens, environ deuxtiers des enfants du Mali travaillent, et quelque 40 pour cent de tous lesenfants âgés de cinq à quatorze ans réalisent destâches dangereuses. En chiffres absolus, cela signifie qu’environ2,4 millions d’enfants exercent un travail considéré commepréjudiciable.[31]Le travail infantile défavorise les enfants travailleurs sur le plan del’accès à l’éducation et au marché dutravail en général, et il expose les enfants à unesérie de violations des droits humains, telles que l’exploitationde la main d’œuvre, la violence et la traite des enfants.[32]
Au Mali, la majorité des enfantstravaillent dans l’agriculture. Parmi les autres secteurs figurent letravail domestique—presque entièrement réalisé pardes filles—, l’élevage, la pêche, l’artisanat,le commerce et l’extraction minière artisanale, notammentl’orpaillage et l’exploitation en carrières. La mendicitéforcée est une autre forme de travail des enfantsqui concerne lesélèves des écoles coraniques (talibés) quisont exploités par leurs professeurs.[33]
La migration des enfants est une ancienne traditionen Afrique de l’Ouest.[34]Les enfants les plus jeunes sont souvent envoyés vivre avec des prochesparents ; cette pratique est appelée le « confiage »(placement familial).[35]En ce qui concerne les adolescents—enfants plus âgés demoins de 18 ans—quitter le village pour rechercherl’indépendance économique est, aujourd’hui commehier, un important rite de passage.[36]
Même si le placement familial et lamigration des enfants peuvent s’avérer bénéfiquespour l’accès d’un enfant à l’éducationet à l’enseignement, ils peuvent également conduireà l’exploitation et à la traite des enfants.[37]La traite des enfants dans plusieurs secteurs de travail devient unproblème de plus en plus répandu en Afrique de l’Ouest, ycompris au Mali. La plus grande partie de cette traite se fait à traversdes petits réseaux informels, notamment au sein des familles et entreconnaissances. Outre ce trafic interne, il existe également un trafictransfrontalier entre le Mali et ses pays voisins.[38]
Le droitinternational des droits humains
Le Mali a ratifié un grand nombre detraités internationaux, dont le Pacte international relatif aux droitséconomiques, sociaux et culturels (PIDESC), la Convention relative auxdroits de l’enfant (CDE) et son Protocole facultatif concernant la vented'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant enscène des enfants, ainsi que le Protocole visant àprévenir, réprimer et punir la traite des personnes, enparticulier des femmes et des enfants.[39]Par ailleurs, le Mali a ratifié des conventions contraignantes del’OIT, en particulier la Convention sur les pires formes de travail desenfants (Convention 182) et la convention sur l’âge minimum (Convention138).[40]Au niveau régional, le Mali est un État partie à la Charteafricaine des droits de l’homme et des peuples ainsi qu’à lacharte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.[41]Au Mali, les traités internationaux ont une autoritésupérieure à celle de la législation nationale.[42]
Le travail des enfants
Le terme« travail des enfants » est défini par l’OITcomme un travail susceptible de « nuire à la santéet au développement physique, mental, moral ou social des enfants »et de « compromettre leur scolarité ».[43]Le droit international n’interdit pas tous les types de travailinfantile. Certains types d’activité sont autoriséslorsqu’ils n’interfèrent pas avec lascolarité de l’enfant et ne nuisent pas àl’enfant.[44]La Convention sur l’âge minimum et la Convention sur les piresformes de travail des enfants énoncent en détail quels types detravail équivalent à un travail infantile, en fonction del’âge de l’enfant, du type de travail réalisé,des heures prestées, de l’impact sur l’éducation etd’autres facteurs.
Selon la CDE, tous les enfants ont le droitd’être protégés contre l’exploitationéconomique.[45]L’exploitation économique désigne le fait de se servird’enfants pour en retirer un intérêt matériel,notamment dans des activités telles que le travail, l’exploitationsexuelle et la traite des enfants.[46]
Les pires formesde travail des enfants
La Convention sur les pires formes de travaildes enfants établit que les pires formes de travail des enfantscomprennent « toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues,telles que la vente et la traite des enfants, … ainsi que le travailforcé ou obligatoire » et « les travaux qui, parleur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptiblesde nuire à la santé, à la sécurité ouà la moralité de l'enfant ».[47] Ce derniertype de travail est également défini comme dangereux.
Selon l’OIT, l’extractionminière compte parmi les secteurs et occupations les plus dangereux.[48]Aux termes de la Convention sur les pires formes de travail des enfants, lestravaux dangereux comprennent les travaux qui exposent les enfants à dessévices, ceux qui s’effectuent sous terre, ceux qui s'effectuent avec des machines, du matériel ou desoutils dangereux, ceux qui impliquent de manipuler ou de porter de lourdescharges, ceux qui s'effectuent dans un milieu malsain pouvant exposer lesenfants à des substances, des agents ou des procédésdangereux, ou à des conditions de températurepréjudiciables à leur santé, et ceux qui s'effectuent dansdes conditions particulièrement difficiles, par exemple pendant de longuesheures.[49]La Convention appelle les États à définir les travaux dangereuxdans leur législation nationale.[50]
L’âge minimum
En ce qui concerne les travaux autres que ceuxfaisant partie des pires formes de travail des enfants, le droit internationalexige que les États spécifient un âge minimumd’admission à l’emploi et au travail. La Convention surl’âge minimum dispose que « l’âge minimum nedevra pas être inférieur à l'âge auquel cesse lascolarité obligatoire, ni en tout cas à quinze ans ».”[51]À titre d’exception, les pays en voie de développement sontautorisés à spécifier un âge minimum de 14 ans aumoment de la ratification.[52]
La Convention sur l’âge minimumpermet également des travaux légers à partir del’âge de 13 ans, à condition que ceux-ci « nesoient pas susceptibles de porter préjudice à leur santéou à leur développement; et ne soient pas de nature àporter préjudice à leur assiduité scolaire, à leurparticipation à des programmes d'orientation ou de formationprofessionnelles […] ou à leur aptitude àbénéficier de l'instruction reçue ».[53]
Le droit àl’éducation
Tant la CDE que le PIDESC énoncent leprincipe de l’enseignement primaire gratuit et obligatoire.[54]Par ailleurs, l’enseignement secondaire, tant général queprofessionnel, et l’enseignement supérieur devraient êtreouverts et accessibles à tous.[55]Les États sont tenus de protéger les enfants contre tout travailsusceptible de compromettre leur éducation.[56]
Bien qu’aux termes du PIDESC, les droitssoient soumis à une réalisation progressive, les États ont« l'obligation fondamentale minimum d'assurer, au moins, lasatisfaction de l'essentiel de chacun des droits ».L’essentiel de ces droits ne peut faire l’objet d’uneréalisation progressive mais doit être assuréimmédiatement.[57]Plus particulièrement, les États sont tenus d’« assurer un enseignement primaire à tous, sansdiscrimination ».[58]Ils doivent également veiller à ce que l’enseignementprimaire soit gratuit et obligatoire. Afin de réaliser le droit àl’éducation primaire, les États sont tenusd’établir et de mettre en œuvre des plans d’action ;lorsqu’un État partie ne dispose manifestement pas des ressourcesfinancières nécessaires, la communauté internationale al’obligation de l’aider.[59]
La CDE invite les États àprendre les mesures qui s’imposent, s’il y a lieu dans le cadre dela coopération internationale.[60]De même, la Charte africaine des droits et du bien-être del’enfant dispose que « tout enfant a droit àl’éducation » et précise que le droità un enseignement de base gratuit et obligatoire devrait êtreréalisé progressivement.[61]
Le droit au meilleur état de santé susceptibled’être atteint
Le droit au meilleur état desanté susceptible d’être atteint est consacré dans ledroit international des droits humains. Le PIDESC, la CDE, la Charte africainedes droits de l’homme et des peuples, ainsi que la Charte africaine desdroits et du bien-être de l’enfant, reconnaissent le droit àla santé physique et mentale, ainsi que le droit des malades àaccéder aux soins de santé.[62]Plusieurs instruments juridiques régionaux et internationaux exigentégalement que les États protègent les enfants contre touttravail susceptible de nuire à leur santé ou à leurdéveloppement physique.[63]
En ce qui concerne les milieux de travaildangereux, les États parties au PIDESC sont tenus d’améliorer « tous les aspects de l'hygiènedu milieu et de l'hygiène industrielle », par exemple, aumoyen de mesures de prévention contre les accidents du travail et lesmaladies professionnelles et au moyen de mesures visant à empêcheret réduire l'exposition de la population à certaines substancesnocives tels que des produits chimiques toxiques.[64]
La pleine réalisation du droit aumeilleur état de santé susceptible d’être atteintdoit se faire progressivement.[65]Par ailleurs, les États ont des obligations fondamentales qui doiventêtre remplies immédiatement, entre autres les soins desanté primaires essentiels, l’accès aux services sanitairessans discrimination aucune, et l’accès à unapprovisionnement suffisant en eau salubre et potable.[66]D’autres obligations sont tout aussi prioritaires, notamment prodiguerdes soins de santé génésique, maternelle et infantile, etassurer une éducation et un accès à l'information sur lesprincipaux problèmes de santé de la communauté.[67]
La protection contre la violence, les abus sexuels et la traite des enfants
La CDE et d’autres traitésinternationaux auxquels le Mali est un État partie protègent lesenfants contre la violence et les mauvais traitements. Bien que les parents oules représentants légaux soient les premiers responsables desenfants qui sont sous leur garde, les États ont une obligationimmédiate de protéger les enfants contre toute forme de violence,d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou denégligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris laviolence sexuelle.[68]L’exploitation et les violences sexuelles contre des enfants sontinterdites sous toutes leurs formes.[69]
La traite despersonnes est interdite en vertu du droit international.[70] Ayant uneportée un peu plus large que la traite des adultes, la traite desenfants s’entend comme étant « le recrutement, letransport, le transfert, l’hébergement ou l’accueild’un enfant aux fins d’exploitation ».[71]L’exploitation comprend, « au minimum, l’exploitationde la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitationsexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou lespratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou leprélèvement d’organes ».[72]La traite des enfants est également cataloguée parmi lespires formes de travail des enfants.[73]
Les obligations internationales des entreprises en matière de droits humains
Bien que ce soit aux gouvernements qu’ilincombe au premier chef de promouvoir et de garantir le respect des droitshumains, les entités privées telles que les entreprises ontégalement des responsabilités en matière de droitshumains. Ce principe de base est largement reconnu àl’échelle internationale et il est reflété dans lesnormes internationales, comme tout récemment avec l’adoption, parle Conseil des droits de l’homme de l’ONU en juin 2011, desPrincipes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.[74]
Les Principes directeurs ont étéélaborés par John Ruggie, ex-représentant spécialdu secrétaire général des Nations Unies chargé dela question des droits de l’homme et des sociétéstransnationales et autres entreprises. Lesdits principes ne donnent pasd’orientations en ce qui concerne les réglementationsgouvernementales relatives aux incidences des entreprises sur les droitshumains et ils n’appellent pas à une surveillance ni à laproduction de rapports concernant lesdites incidences. Néanmoins, ilsconstituent un guide utile énonçant bon nombre des obligations enmatière de droits humains qui incombent aux entreprises et auxgouvernements qui supervisent leurs activités. Les Principes mettentparticulièrement l’accent sur le concept de devoir de diligence enmatière de droits humains—à savoir que les entreprisesdoivent mettre en œuvre un processus pour identifier, prévenir,atténuer et rendre compte de leurs incidences sur les droits humains.Selon les Principes directeurs, les entreprises devraient contrôlerconstamment leur impact et mettre en place des procédures leurpermettant de remédier aux incidences négatives qu’ellesont sur les droits humains ou auxquelles elles contribuent.[75]
Les entreprises peuvent égalementchoisir d’adhérer au Pacte mondial de l’ONU, une initiativevolontaire qui intègre des engagements en matière de droitshumains. Les 10 principes du Pacte Mondial couvrent les droits humains engénéral, les droits du travail, ainsi que des normesenvironnementales et des normes relatives à la lutte contre lacorruption. Ils sont tirés de la Déclaration universelle desdroits de l’homme et d’autres instruments. Les compagnies quis’engagent dans cette initiative volontaire de responsabilité desentreprises acceptent de « respecter l’abolition effectivedu travail des enfants ».[76]
En mai 2011, l’Organisation deCoopération et de Développement Économiques (OCDE) aadopté une Recommandation du Conseil relative au Guide sur le devoir dediligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables enminerais provenant de zones de conflit ou à hautrisque.[77] LaRecommandation n’est pas juridiquement contraignante mais elle appelleles États membres et autres à mettre en œuvre un cadre pourl’exercice du devoir de diligence dans la chaîned’approvisionnement en minerais, ainsi qu’un modèle depolitique relative à la chaîne d’approvisionnement. Lemodèle de politique stipule ce qui suit : « Nous netolérerons, ni profiterons, contribuerons, assisterons ou faciliteronsen aucune manière la perpétration par des tiers … [de]toute forme de travail forcé ou obligatoire … [et des] piresformes de travail des enfants ».[78]L’OCDE est actuellement en train d’élaborer dessuppléments relatifs à des minerais spécifiques, notammentun supplément sur la chaîne d’approvisionnement del’or.[79]
Lalégislation nationale relative aux droitshumains
En vertu du Code du travail malien de 1992,les enfants sont autorisés à travailler à partir del’âge de 14 ans, en violation du droit international, qui fixel’âge de 15 ans.[80]Pour toute personne âgée de moins de 18 ans, la législationmalienne interdit le travail forcé, obligatoire et dangereux, ou lestravaux excédant les forces des enfants ou susceptibles de blesser leurmoralité.[81]
Le gouvernement a dressé une listenationale de travaux dangereux pour les enfants, laquelle interditl’utilisation des enfants pour de nombreuses formes de travail dansl’orpaillage traditionnel. Plus précisément, elle interditle creusement de puits, la coupe et le transport des bois pour lesoutènement dans les galeries, le transport de roches du trou, leconcassage, le broyage, le panage à l’eau, ainsi quel’utilisation d’explosifs, de mercure et de cyanure.[82]Un décret stipule par ailleurs le poids que les enfants sontautorisés à porter, en fonction de leur âge, de leur sexeet du mode de transport.[83]
Le mercure n’est pas interdit au Mali,mais il figure dans la liste des déchets dangereux établie par legouvernement, ce qui le soumet à des règles de commercestrictes.[84]
En vertu de la loi relative àl’éducation, l’enseignement est gratuit au Mali ; celasignifie que tous les frais de scolarité, quels qu’ils soient,sont illégaux.[85] La même loi stipule en outre que l’enseignement estobligatoire ; les parents sont tenus de mettre leurs enfants àl’école pendant les neuf ans que dure l’enseignementfondamental, à partir de l’âge de six ans.[86]
Le Codepénal comprend des protections contre la violence, la négligenceà l’égard d’enfants et le trafic d’enfants.[87]Le trafic d’enfants est défini comme étant ledéplacement d’un enfant dans des conditions d’exploitation quile transforment en valeur marchande.[88]Une nouvelle initiative visant à une loi séparée sur lalutte contre la traite des enfants est actuellement en cours.[89]
Le Code de protection de l’enfanténonce des protections fondamentales pour les enfants, telles que ledroit à un traitement égal et le droit de ne pas êtreexposé à la violence, à la négligence, à dessévices sexuels et à l’exploitation.[90] Le Codeinterdit spécifiquement l’exploitation économique, ycompris le trafic d’enfants ou tout travail susceptible de nuire àl’éducation, la santé, la moralité ou ledéveloppement de l’enfant. Il fixe l’âge minimum pourle travail des enfants à 15 ans.[91]
Selon les estimations, entre 20 000 et 40 000enfants travaillent dans les mines d’or artisanales du Mali.[92]Tant les filles que les garçons sont actifs dans l’orpaillagetraditionnel, le nombre de filles et de garçons étant àpeu près égal.[93]Ils travaillent dans des conditions qui entraînent des problèmesde santé à court et à long terme et qui lesempêchent de fréquenter l’école. Leur droit àla santé, à l’éducation et à la protectioncontre le travail des enfants et les brutalités est violé auquotidien.
Les enfants sont envoyés au travailpour accroître les revenus de la famille. Bon nombre de parentsd’enfants travailleurs sont orpailleurs, et souvent, ils gagnenttrès peu d’argent. Les orpailleurs doivent fréquemmentverser de l’argent ou donner une partie de leurs minerais ou de leur oraux autorités traditionnelles ou locales, ou aux mineurs qui leur louentdes machines ou qui les embauchent comme main d’œuvre. Certainsorpailleurs sont également endettés, et cette pression quipèse sur eux les amène à envoyer leurs enfants à lamine pour y travailler afin de renflouer les revenus familiaux.
La plupart des enfants vont à la mineavec l’un de leurs parents ou de leurs frères et sœurs, etils travaillent à leurs côtés. D’autres,néanmoins, sont envoyés vivre et travailler avec une autrefamille, selon la tradition du confiage (placement familial), ou ils vivent ettravaillent par eux-mêmes. Parfois, d’autres adultes, des prochesparents, voire des étrangers, profitent aussi de lavulnérabilité des enfants et les exploitent économiquementen les envoyant travailler à la mine sans les rémunérer.
Le gouvernement s’est mis endéfaut de s’attaquer efficacement au travail des enfants dans lesmines artisanales. Il n’a pas fait appliquer la loi actuelle interdisantles formes dangereuses de travail des enfants et ne s’est guèreemployé à assurer la disponibilité etl’accessibilité de l’enseignement dans les zonesd’extraction minière artisanale. Il ne s’est pas davantageintéressé à la question de la protection del’enfance, aux problèmes de santé liés àl’extraction minière, ni aux questions de santéenvironnementale liées à l’utilisation de mercure dansl’orpaillage.
Les travaux dangereux des enfants tout au long duprocessus d’extraction minière
Creuser des puits et travailler sousterre
La première phase du processusd’extraction aurifère consiste à creuser et àconstruire des puits ou des fosses. Ce travail est très exigeant sur leplan physique. Certains garçons qui n’ont pas plus de six anseffectuent cette tâche. Un garçon âgé d’environsix ans s’est plaint du fait que le creusement de puits lui causait desdouleurs dans la paume des mains.[94]Un autre garçon, Moussa S., égalementâgé d’environ six ans, a expliqué à Human Rights Watch:
Hamidou S., environ huit ans, nous a signaléque lui aussi creusait des puits avec une pioche, ce qui provoquait chez luides maux de dos et de nuque.[96]
Les puits sont estimés avoir uneprofondeur d’au moins 30 mètres, parfois plus.[97] Onconsidère que ceux qui descendent dans les puits et travaillent sousterre font « un travail d’homme », même sicertains sont encore des enfants. Oumar K., 14 ans environ, a décrit sonexpérience :
Très peu de mesures desécurité sont prises pour s’assurer que les puits sontstables ou que les mineurs qui sont au fond peuvent remonter en toutesécurité. Oumar K. a expliqué que lui et un autre mineurse relayaient toutes les heures pour s’assurer que la personne setrouvant au fond avait encore suffisamment de force pour remonter à lasurface.[99]
Certains orpailleurs accomplissent des rituelsmagiques qui, croient-ils, les protégeront contre les accidents. Lesgarçons travaillant sous terre essaient de faire bonne figure mais ontdu mal à dissimuler leur peur et leur frustration. Ibrahim K., qui aémigré de la Guinée voisine pour venir travailler dans lesmines artisanales du Mali, a confié :
« Tirer la corde » et transporter leminerai
A l’extérieur du puits, desenfants et des adultes remontent le minerai avec des seaux. Cette tâcheest communément appelée « tirer la corde ».Plusieurs enfants nous ont signalé que le fait de tirer sur la corde etde transporter le minerai leur occasionnait des douleurs et qu’ilsvoulaient arrêter ce travail. Karim S., un garçon qui travaillaitsur le site minier de Worognan avec son frère aîné, nous adécrit ses douleurs :
Lansana K., un garçon de 13 ans quicreuse des puits et fait remonter des seaux pesants, s’est plaint :
Une fois que le minerai est sorti du puits, ildoit être transporté vers les endroits où il est soit misen sac pour être stocké, soit concassé, broyé etlavé lors du panage. La plupart des travailleurs—adultes etenfants—transportent le minerai sur leurs épaules, tandis quequelques autres utilisent des petits chariots pour transporter leurs charges.Plusieurs garçons interrogés se sont plaints de douleurs dues autransport du minerai. L’un d’eux était Djibril C., 15 ans,qui a expliqué :
Un autre garçon, âgé de 14ans, nous a signalé qu’il transportait le minerai du puitsjusqu’à l’endroit où il était mis en sac. Il aexpliqué que même s’il utilisait une charrette avec unâne pour le transport, il se sentait souvent tout courbaturé aprèsavoir soulevé des poids et s’être courbé,concluant : « Je sens que ce travail, c’est trop pour moi. » [104]
Certains enfants portent également delourdes charges d’eau dans les mines, la plupart du temps pourl’utiliser lors du panage de l’or (et parfois pour la boire). Cetravail est surtout réservé aux filles et pose les mêmesproblèmes de santé que les autres tâches de transport.[105]
Broyer le minerai
Le minerai dur et rocheux doit êtreconcassé et broyé avant l’opération de panage aucours de laquelle l’or est extrait. Lorsque des concasseurs et desbroyeurs sont disponibles, les mineurs les louent pour concasser et broyer laterre.[106]Les machines sont bruyantes et produisent beaucoup de vapeurs. Ce sontgénéralement des hommes et des adolescents qui manipulent cesmachines et chaque jour, ils passent souvent de nombreuses heures sur desconcasseurs ou des broyeurs sans aucun équipement de protection.[107]
Lorsqu’il n’y a pas de machinespour concasser la roche, les orpailleurs la concassent manuellement,habituellement avec un marteau ou un pilon et du mortier. Ce travail est parfoiseffectué par des filles ou des garçons.[108] Cela peutprovoquer des accidents, ainsi que des lésions dorsales à courtet à long terme.
Procéder au panage
Une fois que le minerai a étébroyé et réduit à l’état de sable fin, il estlavé (opération de panage) pour en extraire l’or. Le panagede l’or est la technique de base utilisée pour extraire l’ordu minerai. Le mouvement circulaire imprimé à la batée quicontient le minerai et l’eau fait que l’or se dépose au fondde la batée, tandis que les matières plus légèresqui restent en surface peuvent être éliminées. Cettetâche est en grande partie considérée comme un travail defemmes et de filles.[109]Sur 10 filles orpailleuses que nous avons interrogées, neuf ont ditqu’elles faisaient le panage de l’or. Certains garçons lefont également.[110]
Plusieurs filles ont évoqué desdouleurs dorsales, des maux de tête et une fatigue généralecausés par le panage de l’or.[111]Susanne D., 11 ans, a confié :
Aminata C., une fille de 13 ans travaillantà la mine de Baroya, nous a expliqué :
Parfois, avant le panage, le minerai est concentréen matériau à plus forte teneur en or en le faisant passer par unsluice. Le sluice est un conduit incliné recouvert en son fond par untapis ou autre matériau qui retient les particules d’or.[114]Des enfants effectuent aussi ce travail.
« Jetravaille tous les jours avec du mercure » :L’utilisation du mercure pour l’amalgamation
Au Mali et partout ailleurs dans le monde, lesorpailleurs utilisent du mercure—un métal liquide blancargenté—pour extraire l’or du minerai car il est bonmarché et facile à utiliser.[115]Au Mali, l’amalgamation est souvent effectuée par des femmes etdes enfants (filles et garçons).[116]Le mercure est mélangé avec le minerai réduit àl’état de sable fin et il forme un alliage avec l’or,créant un amalgame. Aprèsque l’amalgame eut été récupéré dumatériau sableux, il est chauffé pour que le mercures’évapore, de façon à ce qu’il ne reste quel’or.
L’utilisation du mercure sur les sitesd’orpaillage du Mali fait courir aux enfants travailleurs un risquesérieux d’intoxication au mercure, principalement en raison desvapeurs dégagées. Le mercure est une substance toxique quis’attaque au système nerveux central et estparticulièrement nuisible pour les enfants.[117]
Sur les 33 enfants interrogés quitravaillaient dans l’extraction minière artisanale, 14 ontdéclaré qu’ils effectuaient eux-mêmesl’amalgamation. Le plus jeune avait six ans.[118] SusanneD., 11 ans, nous a expliqué comment elle utilise le mercure :
Aucun des enfants avec lesquels nous noussommes entretenus ne savaient pourquoi le mercure était dangereux nicomment se protéger. Certains n’avaient jamais entendu dire quel’utilisation de mercure s’accompagnait de risques pour la santé.Fatimata N., une fille burkinabé, nous a expliqué:
Certains orpailleurs considèrent que le mercure est une substance magiquepuissante. Mohamed S., 16 ans, qui effectue l’amalgamation, aexpliqué :
Bien que le mercure soit un produit dangereuxselon les réglementations gouvernementales maliennes, le commerce dumercure est florissant. Il arrive souvent que les négociants en orfassent également du commerce de mercure. Les négociants nous ontdéclaré qu’ils recevaient le mercure de pays de lasous-région, notamment le Ghana et le Burkina Faso.[122] Les marchands de mercure sont présents dans les zonesd’extraction minière et ils vendent le mercure sur les sites.Human Rights Watch a appris que dans une ville, le mercure est même vendudans un magasin qui avait quelque 25 kilos de mercure en stock.[123] Dans certaines zones, les marchands fournissent gratuitement lemercure aux orpailleurs afin que ces derniers leur vendent l’or.
Les marchands de mercure fournissent cette substancedirectement aux enfants. Mariam D., àWorognan, a expliqué :
Un autre garçon nous a dit qu’ilavait reçu du mercure d’un négociant local. Oumar K. aexpliqué qu’il mélange le mercure et le minerai sableux etensuite, il ramène l’amalgame au marchand, qui le brûledevant lui. Interrogé sur les risques pour la santé, il arépondu qu’il ne savait pas que le mercure était dangereux.[125]
L’intoxicationau mercure des enfants dans les mines artisanales— une « épidémie invisible »
Le mercure, une substance toxique quis’attaque au système nerveux central, est particulièrementnocif pour les enfants. Il peut causer, entre autres, des problèmes dedéveloppement. Il n’y pas de niveau connu d’exposition au mercurequi soit sans danger.[126] Le mercure peut également s’attaquer au systèmecardiovasculaire, aux reins, à l’appareil gastro-intestinal, ausystème immunitaire et aux poumons. Les tremblements, les convulsions,les troubles de la vue, les maux de tête, les pertes de mémoire etde concentration sont autant de symptômes d’une exposition aumercure. Des niveaux plus élevés d’exposition au mercurepeuvent entraîner une insuffisance rénale, une insuffisancerespiratoire, voire la mort. Ce produit chimique peut également affecterla santé reproductive des femmes, par exemple en réduisant lafertilité et en provoquant des fausses couches.[127] Laplupart des gens qui sont exposés à des niveaux dangereux demercure le sont soit lorsqu’ils inhalent des vapeurs de mercure, soitlorsqu’ils consomment du poisson contaminé par du mercure.[128]
Les orpailleurs,y compris les enfants travailleurs, sont exposés au mercure en inhalantles vapeurs qui se dégagent lorsque l’amalgame est fondu. Ils sontégalement exposés à cette substance par le contact avec lapeau, bien que les risques pour la santé soient moins graves que dans lecas d’une inhalation des vapeurs de mercure.[129] Des chercheurs ont qualifié l’intoxication au mercured’ « épidémie invisible ».[130]
Bien qu’aucune étude n’aitété réalisée sur les enfants maliens, uneétude sur l’exposition au mercure d’enfants dans les minesd’or artisanales d’Indonésie et du Zimbabwe arévélé queles enfants vivant sur les sites miniers présentaient des niveauxconsidérablement plus élevés de mercure dans le sang, lescheveux et l’urine que ceux qui vivaient ailleurs.[131] Les enfants travailleurs—ceux qui vivaient dans une zoneminière et travaillaient avec du mercure—étaient ceux qui présentaient le niveau le plusélevé de concentration de mercure dans le sang, les cheveux etl’urine. Ils présentaient également des signes d’intoxication aumercure, tels que des problèmes de coordination (ataxie), destremblements et des troubles de la mémoire.[132] La cause principale de cette intoxication étaitl’exposition aux vapeurs de mercure au moment où l’amalgameest brûlé afin d’en extraire l’or.
Le mercure estparticulièrement nocif pour les fœtus et les nourrissons, et ilpeut être transmis de la mère à l’enfant pendant lagrossesse ou par le lait maternel. Le fait que des orpailleuses manipulent du mercurelorsqu’elles sont enceintes ou lorsqu’elles allaitent estdès lors préoccupant.[133] Par ailleurs, les petits enfantsinhalent les vapeurs de mercure lorsqu’ils sont présentsprès des aires d’amalgamation, soit à la mine, soità la maison. Au cours d’une visite, nous avons observé unefemme avec un bébé sur les genoux qui aidait une autre femmependant l’amalgamation en tenant le mercure dans les mains.[134]
Les eaux contaminées et la consommationdes poissons qui vivent dans ces eaux sont également une sourced’exposition au mercure pour les enfants.[135] Desorpailleuses de Sensoko nous ont confié qu’ellesdéversaient régulièrement dans la rivièrel’eau utilisée pour l’amalgamation.[136]C’est dangereux car c’est dans l’eau que le mercurepeut prendre sa forme la plus toxique, le méthylmercure, quis’accumule dans les poissons et affecte la population lorsqu’elleconsomme du poisson.[137] À Worognan, les chercheurs de Human Rights Watch ont observé desorpailleurs qui déversaient de l’eau sur le sol, tout prèsdes maisons, après l’avoir utilisée pourl’amalgamation. Un négociant en or local a confirméqu’il était courant de vider l’eau sur le sol en zonesrésidentielles.[138]
L’utilisationde mercure dans les mines artisanales :Une menace toxiquemondiale Le mercure est utilisé par les orpailleurs dans aumoins 70 pays à travers le monde, y compris dans les pays que traversela ceinture aurifère du Sahel. De 13 à 15 millionsd’artisans mineurs travaillant à travers le monde risquentd’être directement exposés au mercure ; bon nombred’entre eux sont des femmes et des enfants.[139] Cettesubstance chimique affecte la santé environnementale d’un nombrebien plus élevé de personnes à l’échelleplanétaire. Selon les estimations, 1 000 tonnes de mercure sontrejetées par les orpailleurs chaque année—environ 400tonnes vont dans l’atmosphère et quelque 600 tonnes sontdéversées dans les rivières, les lacs et le sol. LaChine, l’Indonésie et la Colombie sont parmi les pays quicompteraient les quantités d’émissions les plusélevées.[140] Le mercure est employé dans la méthoded’extraction de l’or la moins onéreuse et la plus facile.Les méthodes d’extraction de l’or sans mercurerequièrent des capitaux, une formation et une organisation auxquelsbeaucoup d’orpailleurs n’ont pas accès. Les minesindustrielles ont éliminé progressivement l’utilisationdu mercure et sont passées au traitement de l’or àl’aide de cyanure, lequel présente une autre série derisques sérieux pour la santé. Le cyanure a parfoisété promu en tant qu’alternative au mercure pour lesorpailleurs, ce qui a débouché sur l’utilisationparallèle de mercure et de cyanure. Cela s’avèreparticulièrement dangereux car le cyanure peut aggraver les incidencesnégatives du mercure sur l’environnement. En l’absence d’une alternative sans mercuresûre et praticable, plusieurs méthodes sontpréconisées par l’ONU et des ONG pour réduirel’utilisation de mercure et l’exposition au mercure, notammentdes technologies qui réduisent les émissions (petits conteneursqui retiennent les vapeurs de mercure, connus sous le nom de cornues), lerecyclage du mercure, ainsi que des méthodes pour concentrerl’or avant l’amalgamation.[141]Compte tenu de la menace posée par le mercure partout dans le monde,un traité internationalpour la réduction del’utilisation de mercure est en cours d’élaboration et sonadoption est prévue en 2013.[142] |
« J’ai mal partout » :Autres conséquences du travail des enfants dans les mines artisanalessur le plan de la santé
Les maladies respiratoires
Les enfants des zones minièressouffrent de maladies respiratoires qui vont de la bronchite à lapneumonie, en passant par la tuberculose (TB).[143] Enrégion minière, les maladies respiratoires sont en grande partiedues à la poussière émanant des mines artisanales pendant leprocessus de travail, et elles peuvent affecter à la fois les enfantstravailleurs et les autres enfants vivant dans le voisinage. Mory C., ungarçon de 11 ans de Baroya, s’est plaint :
Les maladies respiratoires sontfréquentes parmi les mineurs partout dans le monde, et une maladie, lasilicose, est spécifiquement associée au travail de la mine.[145] Au Mali, les médecins n’ont ni l’équipementni la capacité nécessaires pour diagnostiquer la silicose ;il n’existe dès lors aucune donnée sur la prévalencede cette maladie dans le pays.[146]
Les troubles musculosquelettiques
Sur 33 enfants travailleurs interrogés,21 ont déclaré qu’ils souffraient de maux de dos, dedouleurs à la nuque, de maux de tête ou de douleurs aux bras, auxmains ou aux articulations. C’est le fait de creuser, de tirer, desoulever et de transporter les lourdes charges de minerai qui a causéces douleurs. Ainsi, Oumar K. s’est plaint des conséquences pourla santé de travaux tels que le creusement de puits, le travail sousterre et le fait de remonter des seaux très lourds :
Ces travaux pénibles peuvent affecterle développement à long terme des enfants, provoquant unedéformation squelettique du dos et de la nuque etaccélérant une détérioration des articulations.[148]
Se maintenir en position courbéependant de longues périodes pour creuser ou procéder au panage,et faire des mouvements répétitifs, tels que broyer la roche avecdes outils manuels, peuvent entraîner des douleurs analogues et desconséquences physiques à long terme.[149]
Les lésions dues aux accidents
Sur les sites miniers, les enfants risquentdes blessures provoquées par des outils tranchants, des éclats etdes chutes de roche et des effondrements fréquents de puits. Ainsi, enfévrier 2011, un garçon de 15 ans de Tabakoto s’estcoupé le tibia avec une houe.[150] Les enfants qui broient les pierres peuvent souffrir de coupuresoccasionnées par des éclats de roche ou ils risquent de se coupereux-mêmes avec des outils.[151]
Le transport de minerai peut égalementprovoquer des accidents, comme l’illustre l’expérience de MamadouS., âgé d’environ six ans :
Le père de Mamadou S. a insistésur le fait que le travail à la mine était bon pourl’éducation et la formation de son fils, et il a affirméque Mamadou avait quatre ans.[153]
Les enfants travailleurs tombent parfois dansles puits lorsqu’ils travaillent sous terre, ou ils tombentlorsqu’ils montent ou descendent, comme les adultes.[154] Une infirmière de Tabakoto a soigné un garçon de11 ans qui était tombé dans un puits et s’étaitfracturé la main.[155]
Comme expliqué plus haut par Oumar K.,un enfant travailleur, il arrive que les puits s’effondrent.[156] Très souvent, cela provoque des fractures, des blessuresouvertes, des lésions dorsales et autres blessures, et cela peut mêmeentraîner la mort.[157] Un médecin du cercle de Kolondiéba a fait remarquerqu’il y avait chaque mois des effondrements de puits dans les mines de Mpékadiassaet de Worognan, mais Human Rights Watch n’a pas été enmesure de vérifier cette information.[158]
Plusieurs cas d’effondrements dans desmines illustrent le danger potentiel pour les enfants travailleurs, mêmesi aucun enfant n’a été touché par ces incidents. Enavril 2010, un adulte a perdu la vie à la mine de Kéniéba,sa tête ayant été fracassée lors del’effondrement d’un puits, et deux autres sont morts lorsd’effondrements de puits survenus dans la région la mêmeannée.[159] Au moins trois travailleurs ont été tués lors del’effondrement d’un puits à la mine de Worognan fin 2010 oudébut 2011, semant la peur chez de nombreux mineurs. Bien que le maireait cité le chiffre de trois victimes et essayé de minimiserl’incident, d’autres travailleurs de la mine ontdéclaré que le nombre de victimes risquait d’êtreplus élevé.[160] Un responsable du Ministère du Travail a égalementassisté à un effondrement de puits lors d’une visite dansune mine de la région de Kéniéba.[161]
Même les enfants qui ne participent pasà l’extraction minière visitent les mines et courent desrisques. Parmi eux figurent ceux qui sont emmenés à la mine parleurs parents compte tenu de l’absence de crèches. Les enfantsplus âgés sont confrontés à la tâche difficilede protéger leurs frères et sœurs plus jeunes pour qu’ilsne tombent pas dans les puits ou pour qu’il ne leur arrive pasd’autres accidents.[162] Un médecin de Kéniéba a soigné deuxenfants qui étaient tombés dans un puits de mine près deKéniéba. Les enfants avaient environ cinq et six ans.[163] À Baroya, un garçon d’environ trois ans esttombé dans un puits et s’est blessé au bras.[164]
Les heuresde travail et le salaire : Entre le soutien à la famille etl’exploitation
Les heures de travail
Les enfants que nous avons interrogésont déclaré qu’ils travaillaient souventjusqu’à 11 heures par jour, de 7 ou 8 heures du matinjusqu’à 18 heures.[165]Une étude de l’OIT sur le travail des enfants dansl’extraction minière artisanale au Mali arévélé que les enfants travaillaient en moyenne neufheures par jour.[166]La journée de travail est presque continue. Par exemple, Haroun C., 12ans, qui n’a jamais fréquenté l’école, aexpliqué à Human Rights Watch qu’il travaillait à lamine de 9 heures à 17 heures et qu’il avait mal aux articulationsla nuit.[167]Certains enfants ont dit qu’ils faisaient une pause pour déjeunerou qu’ils se reposaient un moment lorsqu’ils se sentaientépuisés ou avaient mal.[168]
Les mines artisanales prévoientgénéralement un jour de repos par semaine pour chacun, y comprisles enfants. Ce jour est considéré comme un jour pour les espritsde la mine.[169]
Certains enfants travailleurs vont àl’école, mais ils font des journées de travailcomplètes à la mine d’or pendant les vacances et lesweek-ends. Ils travaillent aussi parfois à la mine aprèsl’école ou sèchent des cours pour aller à la mine.[170]Sur 33 enfants orpailleurs interrogés, 16 allaient àl’école. Ces derniers étaient pour la plupart plus jeuneset fréquentaient l’école primaire. Parmi les enfantstravailleurs qui allaient à l’école, Issa S., 12 ans,s’est plaint de l’impact des longs horaires de travail sur sasanté :
Le salaire
Souvent, les enfants qui travaillent dans lesmines artisanales ne sont pas payés. S’il sontrémunérés, ils donnent la plus grande partie de leurargent à leurs parents ou à leurs tuteurs ; les adolescentsqui vivent par eux-mêmes envoient souvent de l’argent àleurs parents. Lorsque les enfants travaillent pour des personnes autres queleurs parents, ils sont en outre exposés à la maltraitance età l’exploitation.
La contributionéconomique des enfants à leur famille
Nombreux sont les enfants qui contribuent auprocessus de production mais qui, au final, ne reçoivent pas d’or.Leur travail est considéré comme faisant partie du produitd’un travail de groupe.[172]
Certains enfants travailleurs sontrémunérés. Le salaire est irrégulier, variefortement et est basé sur la quantité d’or extraite.[173]Le plus souvent, les enfants travailleurs remettent l’argent àleurs parents ou à leurs tuteurs pour augmenter les revenus de lafamille. Sur les 17 enfants qui nous ont déclaré gagner del’argent, 13 devaient le donner à leurs parents ou à leurstuteurs.[174]
Lorsque les parents ne sont pasprésents, les enfants gagnent parfois de l’argent qu’ilsleur envoient. L’un de ces enfants, Nanfadima A., 11 ans, aexpliqué :
Un garçon de 15 ans, Abdoulaye M.,envoie également son argent à la maison :
Un autre garçon, Tiémoko K., 15ans, gagnait également de l’argent pour ses parents qui vivaientloin. Il était soumis aux mêmes conditions d’exploitationque les orpailleurs adultes, devant donner deux tiers de son minerai àun autre orpailleur considéré comme le propriétaire dupuits :
Les enfants qui gagnent leur vie
Certains adolescents gagnent de l’argentpour eux-mêmes, en particulier quand ils ont migré et viventseuls. Toutefois, ce n’est pas toujours suffisant pour survivre. IbrahimK., 15 ans, a confié :
Certains adolescents avaient àl’occasion gagné une importante quantité d’argent eten avaient gardé une partie pour eux. La perspective de gagner del’argent les encourageait à travailler dans une mine artisanale,mais ils n’avaient en grande partie pas conscience des risques encourus.Un garçon, Julani M, nous a raconté qu’il avaitgagné à une occasion 30 000 francs CFA (environ 65$) en deuxjours et qu’il s’était acheté des vêtementsavec l’argent.[179]Plusieurs adolescentes nous ont dit fièrement qu’elles gagnaientde l’argent. L’une d’elles, Fatimata N. du Burkina Faso, adéclaré qu’elle avait gagné à une occasion 80000 francs CFA (environ 174$) et en avait gardé une partie pours’acheter des vêtements. Elle en concluait que « letravail, c’est bien pour moi ».[180] AïssatouS., 17 ans, gagnait son propre argent et l’utilisait pour son trousseaude mariage. Elle a expliqué :
À l’occasion, certains parentsrécompensent également leurs enfants en leur donnant de petitesquantités d’argent ou un décigramme d’or. Ainsi,Moussa S., six ans, reçoit parfois100 francs CFA (environ 0,21$)de son père comme cadeau.[182]
L’exploitation des enfants par leurs tuteurs
Selon l’OIT, environ 20 pour cent desenfants orpailleurs travaillent pour des adultes qui ne sont pas leurs parents,par exemple un employeur ou un proche. Cela débouche fréquemmentsur une exploitation économique.[183]
Parmi l’un des cas rencontrésfigurait celui de Boubacar S., qui vivait avec des tuteurs. Ses parentsbiologiques travaillaient ailleurs et l’avaient placé dans unefamille qu’ils connaissaient. Boubacar a déclaréqu’il gagnait 1 000 francs CFA (environ 2,18$) par jour et qu’ildevait immédiatement remettre son salaire à son tuteur. Ilétait en larmes lorsqu’il nous a expliqué ce quisuit :
L’instituteur de Boubacar aconfirmé que le garçon était maltraité par sonbeau-père. Ce dernier lui avait dit qu’il ne paierait pas lesfrais de scolarité si l’enfant refusait de faire le travailqu’il lui demandait de faire.[185]
Mariam D., la fille de Worognan quiétait très contrariée par le fait que sa belle-mèreprenait l’argent qu’elle gagnait, a confié à HumanRights Watch :
La traite des enfants
Dans les mines artisanales du Mali, toutes lesconditions sont réunies pour la traite des enfants étantdonné les conditions d’exploitation de la main d’œuvredécrites plus haut. Les enfants qui migrent sans leurs parents ettravaillent pour d’autres adultes sont particulièrementexposés à la traite des êtres humains. Selon l’OIT,environ deux tiers des enfants travailleurs interrogés dans les mines artisanalesdu Mali sont des migrants.[187]Une enquête régionale sur l’extraction minièreartisanale a révélé que 10 pour cent des enfantstravaillant dans les mines artisanales de Guinée, du Mali et du BurkinaFaso étaient des étrangers qui provenaient d’autres paysd’Afrique de l’Ouest et vivaient sur les sites miniers sans leursparents.[188]
Au cours de nos recherches, nous avonsrencontré plusieurs enfants qui étaient victimesd’exploitation et dont la situation pouvait équivaloir à dela traite d’enfants. L’un d’eux était Boubacar S., 14ans, de Sensoko, dans la région de Kéniéba, dont lasituation est décrite plus haut.[189]Il vivait avec des tuteurs qui le traitaient « comme si jen’étais pas un être humain ». Ils leforçaient à travailler dans une mine artisanale et àfabriquer des briques. Ses parents étaient des orpailleurs quiétaient partis travailler dans une autre mine d’or du Mali ;ils n’étaient pas en contact avec lui.[190]
Human Rights Watch a égalementinterrogé des enfants burkinabés et guinéenspeut-être victimes de traite. Salif E., 15 ans, avait étéenvoyé du Burkina Faso au Mali par ses parents, et il avaitvoyagé jusqu’à une mine de Worognan avec deux autresgarçons qui étaient membres de sa famille. Ils étaientaccompagnés du chef de la communauté burkinabé, quiétait l’oncle de Salif, et ils travaillaient aussi pour lui.[191]Lorsque nous avons interrogé Salif, cela faisait trois semainesqu’il travaillait à la mine et il n’avait pas encoreété payé.
Les chefs des communautés de migrantsjouent un rôle clé dans l’organisation de la vie des orpailleursétrangers.[192]Le chef de la communauté burkinabé de Worognan, l’oncle deSalif E., a expliqué qu’environ 60 personnes travaillaient pourlui. Un négociant en or local a confirmé qu’il employaitplusieurs enfants.[193]
Le travail sous la contrainte
Selon une enquête récente, lamajorité des enfants travailleurs n’aiment pas le travailqu’ils font mais ils le font pour aider leurs parents.[194]Même lorsque les enfants ne sont pas victimes de traite, ils sont souventconfrontés à un certain degré de contraintelorsqu’ils travaillent dans l’orpaillage. La décisiond’envoyer des enfants à la mine—soit seuls, soit avec de lafamille ou des tuteurs—est presque toujours prise par les parents, et lesenfants n’ont guère voix au chapitre. Cette situation de contrainteempire lorsque les parents ou les tuteurs exercent des pressions psychologiquesou menacent les enfants de maltraitance physique.
Plusieurs enfants nous ont confiéqu’ils aimeraient abandonner le travail d’orpaillage s’ils lepouvaient.[195]C’était le cas de Mariam D., que sa belle-mère faisaittravailler à la mine lorsqu’il n’y avait pas école etobligeait à lui remettre toute sa paie. La jeune fille étaitcontrariée par cette situation, mais elle ne savait pas comment ensortir. Elle a expliqué àHuman Rights Watch :« Je ne veux pas travailler à la mine. Je veux resterà l’école ».[196]
Aminata C., 13 ans, a déclaréqu’elle lavait l’or et l’amalgamait avec du mercure.Même si son père lui donnait des antidouleurs lorsqu’ellesouffrait des effets de son dur labeur, elle a signalé que sonpère insistait pour qu’elle continue à travailler :
Hamidou S., huit ans et en troisièmeannée, a décrit sa situation :
Dans certains cas, les enfants aimeraientabandonner leur travail mais ils sentent qu’ils ne peuvent pas. Dansl’étude de l’OIT susmentionnée, 39 pour cent desenfants interrogés ont déclaré qu’ils ne pouvaientpas arrêter et quitter le travail à la mine d’or selon leurbon vouloir.[199]
Les autresformes de travail des enfants dans les communautésminières
L’existence de mines d’orartisanales débouche souvent sur la création de petits centrescommerciaux. Les enfants effectuent beaucoup d’autres formes de travaildans ces communautés. Certains travaillent dans l’orpaillage etfont un autre travail en même temps.
L’agriculture et le travail domestiquesont les formes les plus communes de travail des enfants au Mali.[200]Les garçons travaillent souvent dans l’agriculture, quittantparfois la mine pendant la moisson. D’autres travaillent uniquement dansl’agriculture.[201]
Beaucoup de filles des communautésminières font du travail domestique, au sein de leurs propres famillesou dans des familles d’accueil avec lesquelles elles vivent.[202]Bien que la plus grande partie du travail domestique s’effectue àla maison, une partie s’effectue à la mine. Les femmesemmènent souvent leurs plus jeunes enfants avec elles à la minecar elles n’ont pas de garderies à leur disposition et elles seservent de leurs enfants plus âgés pour s’occuper de leurspetits frères et de leurs petites sœurs.[203] Lesenfants doivent souvent porter leurs plus jeunes frères et sœurssur le dos, ils doivent leur donner à manger et les protéger desblessures. Dans l’un des cas, une mère nous a expliqué quesa fille de quatre ans s’occupait de sa petite sœur à la mine.[204]
Les enfants travaillent également dansd’autres activités. Par exemple, ils vendent de l’eau ou desaliments, ou ils font des briques ou des vêtements.[205] Par ailleurs, certains enfants se livrent au commerce du sexe,l’une des pires formes de travail des enfants.[206]
Lesattitudes face au travail des enfants
Le travail des enfants est courant etlargement accepté au Mali. Une enquête récente sur lespositions par rapport au travail des enfants confirme que les parentsconsidèrent généralement le travail des enfants comme acceptable.[207]Apprendre à un enfant comment extraire de l’or est vu commefaisant partie de la socialisation.[208]Des responsables gouvernementaux ont également déclaréà Human Rights Watch que le travail des enfants faisait partie de laculture malienne. Un responsable d’un ministère a qualifiéle travail des enfants de « socialisant » car ilapprend aux enfants la valeur du travail.[209]
Nous avons interrogé un orpailleur quiaffirmait posséder de l’or pour une valeur dépassant les 10000$US. Il a envoyé son fils Mamadou S. à la mine alorsqu’il n’avait pas besoin de ce revenu. Il a expliqué :
Des chefs de communauté à Worognanont souligné ce qu’ils percevaient comme un effet positif dutravail des enfants dans l’extraction aurifère, à savoirque la communauté avait maintenant les moyens d’acheter de plusgros articles tels que de nouveaux toits, des bicyclettes ou des machinesagricoles.[211]
L’exploitation sexuelle
L’exploitation sexuelle est monnaiecourante dans les zones minières, en particulier sur les vastes sitesminiers qui rassemblent de nombreuses populations différentes provenantdu Mali et d’ailleurs.[212]La prostitution infantile est nuisible par essence et, au regard du droitinternational, elle constitue l’une des pires formes de travail desenfants. Le droit international interdit également l’exploitationsexuelle.
Certaines filles s’identifient commeétant des travailleuses du sexe. Les ONG travaillant sur la question dela prévention et du traitement du VIH dans les zones minièressont en contact avec des travailleuses du sexe adultes et enfants dans lesmines artisanales de la région de Sikasso et de Kayes, notamment sur lesgrands sites miniers tels qu’Alhamdoulaye et Massiogo dans le cercle deKadiolo, M’Pékadiassa dans le cercle de Kolondiéba, etHamdallaye dans le cercle de Kéniéba.[213]
L’une de ces ONG a établi queplus de 12 pour cent des travailleuses du sexe dont elle s’occupe avaiententre 15 et 19 ans. Elle a également relevé que la vastemajorité des travailleuses du sexe étaient desétrangères, dont la plupart provenaient du Nigeria et deCôte d’Ivoire.[214]
Sur le site minier de Worognan, dans larégion de Sikasso, des femmes et des filles, pour la plupartNigérianes, se livraient au commerce du sexe. Stella A., unetravailleuse du sexe âgée de 17 ans, nous a décrit leclimat de violence dans lequel elle travaille :
Mariam D., environ 11 ans, travaillaità la mine de Worognan et a décrit son milieu :
Bon nombre de filles se livrent à desrapports sexuels pour échapper à la pauvreté,échangeant des faveurs sexuelles contre de la nourriture oud’autres produits, sans considérer qu’il s’agit decommerce du sexe. Certaines de ces filles viennent travailler dans des petitscommerces locaux comme des restaurants, mais elles sont encouragées par lespatrons du restaurant ou d’autres employeurs ou tuteurs à selivrer à des rapports sexuels.[217]Le conseiller d’un chef de village, interrogé par Save theChildren, a décrit la situation dans une mine du cercle de Kadiolo :
Les autorités traditionnelles etlocales du cercle de Kolondiéba ont fait part de leurpréoccupation par rapport à l’exploitation sexuelle dansles mines. Un fonctionnaire local responsable des affaires sociales s’estplaint des relations éphémères qui prennentl’apparence de « mariages » informels entredes orpailleurs adultes et des filles ou jeunes femmes.[219]
Les filles qui se livrent au commerce du sexeou à des rapports sexuels multiples s’exposent à un risqueaccru d’infection par le VIH. Bien que la prévalence du VIH nesoit que d’un pour cent au Mali, elle est considérablement plusélevée chez les travailleuses du sexe. Dans cettecatégorie de population, la prévalence du VIHs’élevait à 35 pour cent en 2006.[220] Lestravailleurs et organismes de la santé travaillant sur le VIHs’accordent à dire que les sites miniers sont des zones àhaut risque en ce qui concerne l’infection par le VIH, en raison de laprésence d’un grand nombre de travailleuses du sexe etd’hommes sans famille.[221]Il n’existe toutefois pas de données sur la prévalence duVIH dans les zones minières.
Laviolence sexuelle
Certains cas de viol sont àdéplorer dans les zones de mines artisanales. Des responsablesgouvernementaux du cercle de Kolondiéba ont décrit le viol commeun phénomène courant.[222]
En décembre 2010, une fillette de huitans a été violée à la mine deM’Pékadiassa (cercle de Kolondiéba), apparemment par unhomme de 53 ans.[223]Selon les forces de sécurité, plusieurs autres cas deviols’étaient produits récemment àM’Pékadiassa, notamment sur des filles.[224] Selon lagendarmerie, une fille de 15 ans a été violée à lamine de Worognan en février 2011.[225]Un suspect a été placé en détention, mais iln’avait pas encore été jugé au moment de la visitede Human Rights Watch à la mine.[226]
Des gendarmes de Worognan ontdéclaré que la zone était fréquemment lethéâtre de violences. Ils se sont plaints d’un manqued’effectifs et de bâtiment.[227]
C’est le gouvernement malien qui doit aupremier chef assumer la responsabilité politique et juridique des’attaquer aux violations des droits de l’enfant au Mali. Enratifiant un grand nombre d’instruments internationaux relatifs auxdroits humains, le gouvernement démocratiquement élu du Mali adémontré qu’il avait la volonté de combattre lesatteintes aux droits humains. Cependant, les politiques et programmesgouvernementaux concernant le travail et les droits des enfants ont eu peud’impact car ils ont été confrontés à unmanque de soutien politique et financier, ou ils n’ont pasété mis en œuvre.
Les bailleurs de fonds internationaux ont unimportant rôle à jouer en appuyant le gouvernement dans laréalisation des droits. En 2009, les cinq principaux donateurs du Maliétaient les États-Unis, l’Union européenne, laBanque africaine de développement, la Banque mondiale et la Chine. LaFrance, le Canada, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Japon comptaient parmiles autres importants bailleurs de fonds bilatéraux du Mali.[228]Bien que certains donateurs soient engagés dans des initiativesrelatives au travail des enfants et à la protection de l’enfance,ces domaines n’ont pas bénéficié de toutel’attention nécessaire.
Certaines agences de l’ONU et certainesONG s’intéressent également au travail des enfants et auxproblèmes liés à l’extraction minière au Maliet dans d’autres pays. Toutefois, même si l’OIT et les ONGont réalisé quelques programmes importants au Mali, ceux-ci onteu une portée limitée. Malheureusement, l’OIT n’a pasdonné suite à une campagne mondiale en faveur del’élimination du travail des enfants dans les mines artisanales,dans le cadre de laquelle 15 gouvernements s’étaientengagés à mettre un terme au travail des enfants dansl’extraction minière à l’horizon 2015.
L’actiongouvernementale face au travail des enfants
En 2006, le gouvernement a crééla Cellule nationale de lutte contre le travail des enfants (ci-aprèsabrégée en Cellule contre le travail des enfants). Ladite cellulea réalisé des études sur le travail des enfants etdressé une liste des travaux dangereux qui interdit l’utilisationd’enfants pour pratiquementtoutes les activitésd’orpaillage, telles que le creusement de puits, le transport de pierres,le concassage et le broyage du minerai, le panage dans de l’eau etl’utilisation du mercure.[229]
Néanmoins, les effortsdéployés par le gouvernement pour mettre fin au travail desenfants ont, d’une part, été minés par la mauvaiseapplication des politiques mises en place, et d‘autre part, ils n’ontpas bénéficié d’un engagement politique entier detoutes les institutions gouvernementales. La Cellule contre le travail desenfants opère en quelque sorte isolément et elle souffred’un manque de financement ainsi que d’un manque de soutienpolitique des autres ministères.[230]Les efforts visant à endiguer le travail des enfants ontégalement été entravés par le nombre réduitd’inspecteurs du travail que compte le Mali.[231] Lesinspecteurs du travail ont été critiqués pour lespiètres résultats obtenus.[232]Par ailleurs, très peu d’inspections du travail ontété effectuées dans les zones minières ; lesquelques inspections qui ont eu lieu l’ont été à lademande de l’OIT et avec son financement.[233]
Plus récemment, la Cellule contre letravail des enfants a dirigé le processus d’élaborationd’un plan d’action pour combattre le travail des enfants.[234] Le Plan d’action pour l’élimination du travail des enfantsau Mali (PANETEM) a été adopté en juin 2011. Il veutéliminer les pires formes de travail des enfants àl’horizon 2015, et toutes les formes de travail des enfants àl’horizon 2020. Au cours de la première phase, il proposed’une part d’identifier les enfants qui effectuent les travaux lesplus dangereux ou qui ont été victimes de traite, etd’autre part, de les soustraire à ces conditionsd’exploitation. Il vise également à fournir à cesenfants un accès à l’éducation, à laformation professionnelle et à une prise en charge, ainsiqu’à offrir des activités génératrices derevenus aux familles concernées. Par ailleurs, le plan d’actionenvisage l’adoption d’une loi sur la traite des enfants, surl’engagement de poursuites à l’encontre des trafiquantsd’enfants et des responsables de leur exploitation sexuelle à desfins commerciales, ainsi que sur une augmentation de l’âge minimumde l’emploi, le faisant passer de 14 à 15 ans afin de respecterles engagements internationaux du Mali.[235]Malheureusement, le plan d’action ne s’intéressepassuffisamment aux implications désastreuses du travail des enfants sur leplan de la santé, entre autres à l’utilisation du mercuredans les mines d’or artisanales. Il ne comprend pas non plus destratégie à l’égard des entreprises susceptibles detirer profit du travail des enfants, soit directement, soit via leurschaînes d’approvisionnement.[236]
En dépit de ces lacunes, le pland’action offre la possibilité d’améliorer la vie deplus de deux millions d’enfants qui travaillent dans des conditionspréjudiciables au Mali. On ignore encore si le gouvernementlui-même apportera pleinement son soutien au plan d’action, aurisque de porter atteinte aux intérêts d’opérateurséconomiques influents. Le gouvernement est égalementconfronté à un défi, celui d’obtenir un appuifinancier suffisant pour ce plan de 100 millions de dollars.[237]
Lesprogrammes des bailleurs de fonds et des ONG concernantle travail des enfants
Le rôle des bailleurs de fonds dans la lutte contre letravail des enfants
La plupart des programmes relatifs au travaildes enfants au Mali sont financés par des bailleurs de fonds etdernièrement, ils ont été confrontés à descoupes drastiques. Jusqu’en 2010, les États-Unis octroyaient unfinancement important à l’OIT/IPEC au Mali, qui mettait enœuvre des programmes liés au travail des enfants par le truchementd’ONG partenaires maliennes.[238]L’un des programmes de l’OIT/IPEC comprenait une étuderégionale sur l’extraction minière artisanale au Mali, auNiger et au Burkina Faso, ainsi que des initiatives visant à retirer desmines les enfants qui travaillaient dans l’orpaillage dans ces troispays.[239]Malheureusement, les États-Unis ont mis fin à leur financementdes programmes liés au travail des enfants au Mali depuis ledébut de l’année 2011. Cette situation n’est paspropre au Mali : le financement américain des programmes del’IPEC à travers le monde a été réduit et estpassé de 49 millions de dollars en 2010 à 27 millions de dollarsen 2011.[240]
Depuis plusieurs années, la Commissioneuropéenne (CE) est un autre bailleur de fonds important pourl’OIT/IPEC au Mali, mais elle a décidé de réduireses financements. En 2011, la CE financera l’OIT/IPEC au Mali àhauteur de 202 000 dollars américains, soit moins de la moitié dusoutien apporté en 2010.[241]La CE finance un projet de l’OIT/IPEC intitulé TACKLE, lequel viseà retirer les enfants du travail pour les scolariser au Mali et dans 10autres pays, et combat le travail des enfants dans les mines.[242]D’autres bailleurs de fonds bilatéraux ou des ONG financentégalement des programmes contre le travail des enfants au Mali, entreautres les Pays-Bas et l’Espagne.[243]
Des programmes visant à mettre fin au travail desenfants dans les mines artisanales
Plusieurs ONG maliennes mettent en œuvredes programmes qui visent à soustraire les enfants au travaild’orpaillage, à améliorer l’accès àl’éducation et à sensibiliser les communautés de mineursà la question du travail des enfants. Certains de ces projets sontfinancés par les bailleurs de fonds mentionnés plus haut.
L’ONG Réseau d’Appui et deConseils (RAC) a réalisé, avec l’OIT/IPEC, plusieursprogrammes couronnés de succès pour aider les enfantstravailleurs des mines d’or artisanales de Kéniéba.L’ONG est parvenue à soustraire plus de 1 300 enfants au travaild’orpaillage et elle a promu l’accès àl’éducation dans les communautés d’orpailleurs (voirencadré).[244]Plus récemment, l’OIT/IPEC a également commencéà travailler avec une ONG, Jiekatanie, sur le problème du travaildes enfants dans les mines artisanales de Sikasso.[245]
Néanmoins, les bailleurs de fonds nefournissent des financements que pour des périodes limitées etpour des projets spécifiques. Étant donné que les fonds del’OIT/IPEC arrivent à leur fin, les communautés risquent demanquer de soutien et les enfants qui ont arrêté de travaillerà la mine artisanale risquent de devoir recommencer.
Un projet d’éducation dansles zones d’orpaillage Dans le cadre de son programme mondialpour l’élimination du travail des enfants parl’éducation, l’OIT/IPEC a élaboré unprogramme dans plusieurs communautés d’orpailleurs autour deKéniéba, conjointement avec son ONG partenaire, le Réseaud’Appui et de Conseils (RAC).[246]Ce programme pourrait servir de modèle à des initiativesanalogues menées ailleurs. Dans trois villages de la zone deKéniéba, l’OIT/IPEC et le RAC ont rénové devieux bâtiments scolaires ou en ont construit des nouveaux, ils ontconstruit des écoles maternelles et ont engagé du personnel,ont fourni du mobilier et du matériel pédagogique,engagé des instituteurs maternels et instauré des repasscolaires gratuits. Au-delà de ce soutien immédiat, l’OIT/IPEC et le RAC ont contribué à créer unenvironnement plus favorable à l’école. Ils ontsensibilisé la communauté à la question du travail desenfants en organisant de grandes réunions et des spots radio et ontrenforcé les comités de gestion scolaire chargés degérer l’école au niveau local.[247] Ils ont égalementœuvré en étroite collaboration avec les dirigeants descommunautés et avec les autorités locales afin de recueillirleur soutien. Dans chaque village, les responsables de la communautéont signé un engagement promettant d’envoyer leurs enfantsà l’école et d’appuyer l’école duvillage.[248]Le projet a également soutenu la délivrance de certificats denaissance par l’administration locale et a invité lesautorités à commencer à soutenir les écolescommunautaires de la zone, faisant ainsi une transition del’école communautaire à l’école publique. Lorsque le projet adémarré, le taux d’inscription était peuélevé. Le directeur de l’école du village deBaroya a expliqué à Human Rights Watch : Avant [que le projet ne commence], lapopulation disait que cette école était un lieu hanté.Il y avait un enfant en sixième année. Puis, le RAC a vraimentconstruit cette école.[249] À Sensoko, le nombred’élèves est passé de 36 en 2007 à 97 en2010, selon le RAC. Par ailleurs, la nouvelle école maternelle aaccueilli 64 enfants. Le directeur de l’école adéclaré : Le changement a commencé en 2009.À l’époque, peu d’enfants allaient àl’école. Maintenant, environ 65 pour cent des enfants vontà l’école. Avant, c’était peut-être 10pour cent qui y allaient.[250] Au total, l’OIT et le RAC ontrelevé que 424 enfants étaient victimes des pires formes detravail des enfants rien que dans ces trois villages. Ils les ontaidés à quitter le travail et à avoir accès àl’éducation. Le projet a constaté qu’un nombre plusimportant d’enfants risquaient d’être soumis au travail desenfants et il a fourni du matériel scolaire à 1 360 enfants.[251] |
L’initiativede l’OIT « Minors out of Mining » :De vaines promesses ?
En 2005, l’OIT a lancé une vastecampagne visant à lutter contre le travail des enfants dans les minesartisanales du monde entier. Elle a rassemblé des gouvernements, dessyndicats et des employeurs des quatre coins de la planète pour sejoindre à son appel exhortant à sortir les mineursd’âge des mines – « Minors out of Mining! »—, le but étant d’éliminer le travail des enfantsdans l’extraction minière à l’horizon 2015.[252]La campagne comprenait un programme d’action détaillé,notamment la régularisation des opérations et activitésminières à petite échelle afin de retirer des mines lesenfants découverts en train de travailler dans l’extractionminière.
En juin 2005, 15 pays, dont le Mali, se sontengagés publiquement à se fixer pour objectifd’éliminer le travail des enfants dans les mines d’ici 2015et ils ont signé une promesse en ce sens.[253] Parailleurs, le gouvernement américain, le gouvernement ghanéen, la Fédérationinternationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l'énergie,des mines et des industries diverses (ICEM), le Conseil International des Mineset Métaux (ICMM), une association regroupant les sociétésminières, se sont engagés à appuyer l’OIT et lesgouvernements dans les efforts déployés pour éliminer letravail des enfants dans l’exploitation minière.[254]
Force est malheureusement de constater quel’initiative a tourné court sans aucun résultat concret niaucun suivi. L’OIT s’est plainte d’un manqued’engagement de certaines des parties signataires, entre autresd’un changement de direction au sein des associations de travailleurs etd’employeurs. L’OIT/IPEC a également déploréle manque de financement alloué aux efforts relatifs au travail desenfants dans les mines.[255]Six ans ont passé et l’initiative est en grande partietombée dans l’oubli.[256]
Lesefforts déployés pour mettre finà la maltraitance et à la traite des enfants
Certes, le gouvernement a pris quelquesmesures visant à s’attaquer à la maltraitance et àla traite des enfants, mais sa capacité à prévenir ce typede violations des droits de l’enfant est très limitée, etle système de protection de l’enfance n’est pas pleinementfonctionnel au Mali.[257]
En 1999, le gouvernement a mis sur pied laDirection nationale de la promotion de l’enfant et de la famille, maiscelle-ci ne dispose que d’un vague mandat juridique la chargeant d’élaboreret de mettre en œuvre « les programmes et les plansd’actions de promotion de l’Enfant et de la Famille ».[258]
La Direction nationale a réaliséune étude sur la maltraitance des enfants et elle gère deuxrefuges à Bamako pour les victimes de maltraitance.[259]Cependant, elle ne s’intéresse à certains cas que demanière ponctuelle. Les zones rurales telles que les zonesminières se trouvent très éloignées de son centred’opérations. La plus grande partie du travail de protection del’enfance réalisé aujourd’hui, entre autres lesinitiatives visant à prévenir la maltraitance et la traite desenfants, est le fait d’ONG et d’organisations locales, mais mêmeces associations travaillent rarement dans les zones minières.[260]
Au cours des dernières années,le gouvernement malien et ses voisins ont fourni quelques efforts visantà lutter contre la traite des êtres humains en Afrique del’Ouest, comme énoncé dans le Plan d’action contre latraite des personnes adopté par la CEDEAO en 2006.[261] Les ONGcoopèrent avec la police malienne et les agences de l’ONU sur leplan de l’identification des victimes de la traite des personnes et, danscertains cas, elles les ramènent dans leur pays d’origine.[262]Toutefois, peu de poursuites ont été engagées.[263]
Dans certaines zones d’orpaillage, lesONG ont créé des comités de vigilance locaux.[264]Ces comités sont composés d’une paletted’acteurs—enseignants, autorités locales et acteurs de lasociété civile—qui réalisent des activités desensibilisation et de prévention concernant la traite des personnes ausein de la communauté. Malheureusement, certaines études ontrelevé que les comités de vigilance locaux dans les zones ruralesdu Mali avaient parfois empêché toute migration, au lieu de fairela distinction entre migration et traite des personnes, restreignant ainsi ledroit des enfants à la liberté de circulation et, dans certainscas, les rapatriant contre leur gré.[265]
La mortalitéinfantile est extrêmement élevée au Mali. Prèsd’un enfant sur cinq—19 pour cent—meurt avantd’atteindre l’âge de cinq ans. La diarrhée, lapneumonie et le paludisme sont les trois principales causes de mortalitéinfantile au Mali, et ces maladies sont aussi très courantes dans leszones minières.[266]
Les enfants qui travaillent dansl’orpaillage sont exposés à plusieurs risquessupplémentaires graves liés à l’environnementmalsain dans lequel ils vivent et aux travaux dangereux qu’ilsréalisent. Cependant, l’accès auxsoins de santé pour traiter ces problèmes de santéliés au travail de la mine est extrêmement médiocre enraison de sérieuses lacunes dans la politique de santé. Plusprécisément, le gouvernement s’est mis en défaut deprendre des mesures de prévention efficaces, telles que des campagnes desensibilisation relatives aux risques associés au mercure, oul’introduction de technologies qui réduisent l’exposition aumercure.
Les carencesdu système de santé
Le Mali est un pays oùl’accès aux soins de santé est médiocre parcomparaison avec d’autres pays ouest-africains. Plus de la moitiéde la population vit à plus de cinq kilomètres del’établissement de santé le plus proche.[267] Le Maliconnaît également une pénurie prononcée de personnelde la santé. Il compte un médecin pour 20 000 patients, et troisinfirmières ou sages-femmes pour 10 000 patients, soit bien en-dessousde la moyenne de l’ensemble du continent africain.[268]
Il existe peu d’établissements desanté par habitant et l’accès général auxservices de soins de santé locaux demeure médiocre, endépit des efforts déployés pour rapprocher les services desanté des communautés dans le cadre de la stratégieactuelle en matière de santé.[269] Le Malidispose d’une structure de santé pyramidale, avec des centres desanté communautaires (CSCOM) au niveau des communautés, descentres de santé de référence (CSREF) au niveau desdistricts, et des hôpitaux régionaux et nationaux au sommet de lastructure. Le système de santé repose sur des fraisd’utilisation payés par les patients. Par voie deconséquence, l’accès aux soins de santé estdifficile pour les indigents et les centres de santé communautaires sontsous-utilisés.[270]
Certains services de santéspécifiques sont gratuits, notamment les soins de santé pour lesenfants de moins de cinq ans, les césariennes, ainsi que le traitementdu VIH et de quelques autres maladies. L’accès aux soins desanté s’est amélioré dans ces domainesspécifiques.[271]
Les obstacles à l’accès des enfants à la santé dans les zonesminières
L’accès aux soins de santédans les zones d’orpaillage est souvent très limité, endépit du risque élevé de problèmes de santédécoulant du travail à la mine. Par exemple, dans le districtsanitaire de Kéniéba, il n’existe qu’un seul centrede santé de référence, avec quelques docteurs enmédecine, pour desservir 208 000 habitants. Il y a 19 centres desanté communautaires, qui ont pour personnel des infirmières etdes sages-femmes.[272]
Dans certaines mines, il y a un travailleur dela santé, par exemple une infirmière, qui tient une petitepharmacie et renvoie certains cas au centre de santé communautaire leplus proche. Néanmoins, bon nombre d’autres mines ne disposentd’aucun service de santé publique. C’est le cas del’une des plus grandes mines artisanales de la région deKéniéba, Hamdallaye.[273]
En l’absence de services de santépublique, plusieurs ONG mènent des programmes de prévention et detraitement du VIH dans les zones d’orpaillage, mais elles disposent deressources trop limitées pour fournir des soins de santé plusgénéraux. Elles font généralement un travail desensibilisation, distribuent des préservatifs, vont à la rencontredes travailleuses du sexe et aident les patients à avoir accèsvolontairement à une guidance et à un dépistage, ets’il y a lieu, à un traitement.[274]
Les zones d’orpaillage souffrent aussid’un manque de services de santé sexuelle etgénésique, notamment de services prénatals et dematernités.[275]Un médecin s’est plaint du fait que les mines n’avaient pasnon plus de services spécialisés pour les victimes de violencesexuelle.[276]
Certains patients sollicitent l’aide deguérisseurs traditionnels ou recourent àl’automédication pour leurs enfants.[277] Quatreenfants travailleurs ont confié à Human Rights Watch qu’ilsprenaient régulièrement des comprimés analgésiques.[278]
L’indifférencedu gouvernement face aux problèmes de santé liés au mercure
Au Mali, le gouvernement n’apratiquement rien fait sur le plan de la recherche, du diagnostic ou du traitementdes maladies et problèmes liés au mercure. Il ne dispose pas dedonnées sur l’intoxication d’adultes ou d’enfants parle mercure dans les zones d’orpaillage.[279] Lescapacités sont très réduites au sein du Ministèrede la santé et dans l’ensemble du système de santépour diagnostiquer une intoxication au mercure et la traiter.[280] Legouvernement souffre tout particulièrement d’une absence destratégie à plus long terme concernant la façon des’attaquer à la menace que pose le mercure pour la santé,entre autres l’intoxication au mercure chez les enfants. Lastratégie actuelle en matière de santé des enfants ne sepenche absolument pas sur cette question.[281]Même un rapport gouvernemental récent sur la santéenvironnementale s’intéresse à peine au problème. Ilse contente de mentionner que le mercure est utilisé dansl’extraction minière artisanale, mais que les quantitésutilisées ne sont pas connues.[282]
Lesefforts pour réduire l’exposition aumercure
Le Ministère de l’Environnementgère les questions relatives au mercure à travers son point focalsur l’Approche stratégique de la gestion internationale desproduits chimiques (SAICM)[283]et, en 2009, il a accueilli une conférence nationale surl’extraction artisanale de l’or en Afrique de l’Ouestfrancophone, laquelle a mis particulièrement l’accent surl’utilisation du mercure.[284]Cependant, il existe peu d’actions concrètes sur le terrain,telles que des formations pour les orpailleurs sur les risques posés parle mercure et sur l’introduction de cornues ou autres technologies deremplacement.
Avec le soutien de l’Organisation desNations Unies pour le développement industriel (ONUDI), de bailleurs defonds et d’experts, le gouvernement commencera à élaborerun plan d’action pour la réduction de l’utilisation de mercuredans l’orpaillage en 2012.[285]Des bailleurs de fonds internationaux—la France, les États-Unis etle Fonds pour l’environnement mondial—ont égalementaccepté, à la mi-2011, de lancer plusieurs autres projetsrelatifs à l’exploitation minière artisanale au Mali, auBurkina Faso et au Sénégal, en mettant l’accent sur laréduction de l’utilisation de mercure.[286] Ils’agit d’une évolution prometteuse et on espère queles programmes, qui seront mis en œuvre par des ONG et l’ONUDI,prêteront attention à la situation particulière des enfantstravailleurs qui utilisent du mercure et, plus généralement,à l’exposition des enfants au mercure.
Vers un traité international sur la réduction de l’utilisation du mercure
Sur le plan international, les Étatssont actuellement en train de négocier un instrument juridiquementcontraignant sur le mercure. En 2009, le Conseil d’administration duProgramme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a convenu de lanécessité d’élaborer ce traité, et sonadoption est prévue en 2013.[287]Le projet de traité actuel ne prévoit pas de mesuresspécifiques pour protéger les enfants travailleurs quiprocèdent à l’amalgamation.[288]
Le Mali, comme le Nigeria, est l’un despays africains représentés au sein du Comitéintergouvernemental de négociation (CIN) du traité. Il jouedès lors un rôle important dans le processusd’élaboration. Ainsi, le Mali joue un rôle de premier plandans le développement d’une position africaine commune en faveur deplans d’action nationaux obligatoires pour réduire l’utilisationde mercure dans l’extraction minière artisanale.[289]
Le manque d’accès àl’éducation est l’une des causes du travail des enfants dansles mines artisanales. L’accès à l’éducationest généralement médiocre au Mali en général,et dans les zones d’extraction minière artisanale en particulier.En 2009-2010, le taux net de scolarisation était de 60,6 pour cent, etseuls 56,3 pour cent des enfants avaient terminé leurs étudesprimaires.[290] Les politiques en matière d’éducation sont loind’avoir profité aux groupes vulnérables, entre autres auxenfants travailleurs des zones minières et d’autres secteurs. Dansles zones minières, les bâtiments et infrastructures scolairesfont défaut ; et les frais de scolarité créent desbarrières au sein des communautés minières indigentes. Parailleurs, les autorités chargées de l’éducation etles écoles elles-mêmes se sont en grande partie mises endéfaut d’aller à la rencontre des familles d’enfantsmigrants pour assurer leur éducation scolaire.
L’accèsdifficile à l’éducation dans leszones d’orpaillage
L’absence d’infrastructures scolaires dans lescommunautés minières
Étant donné que les minesartisanales sont situées dans des zones reculées,l’accès physique aux écoles est souvent un problème.Dans la région de Kéniéba, de nombreux villages seconsacrant depuis longtemps à l’exploitation minièren’ont pas d’école. Par exemple, l’une des grandesmines au sud de Kéniéba, Hamdallaye, n’avait pasd’école au moment où une ONG locale s’est rendue surplace en mai 2010.[291]Lorsque de nouvelles communautés d’orpailleurs apparaissent danscertaines zones, elles sont encore plus susceptibles de manquerd’écoles.[292]
Les écoles publiques existant dans leszones minières sont souvent dans un état pitoyable. La vastemajorité des écoles sont trop petites et n’ont pas desalles de classe séparées pour chaque groupe.[293] Ainsi,l’école de Worognan ne compte que deux locaux pour sixannées, et par conséquent, elle ne peut accueillir que deuxannées à la fois ; lors de notre visite, il y avait uneclasse de première et une classe de sixième.[294]D’autres écoles regroupent plusieurs années ensemble etleur donnent cours dans la même salle de classe.[295] Environla moitié de toutes les écoles ne disposent pas delatrines—un problème pratique qui dissuade les filles defréquenter l’école—et n’ont pas de cantine,d’installations sportives ou de salle des professeurs.[296]
Certaines mines ont des écolescommunautaires, des écoles privées ou des madrassas(écoles coraniques). Toutefois dans les zones minières, lademande d’écoles basées dans les communautés estassez faible ; cela signifie que le gouvernement a davantage encorel’obligation de veiller à ce que des écoles publiquessoient mises à la disposition des enfants.[297]
Les frais de scolarité
Les frais de scolarité sontillégaux au Mali, et pourtant, les parents en paientgénéralement pour les enfants qui vont àl’école. Les écoles communautaires perçoivent desfrais, et même les écoles publiques demandent parfois aux parentsde payer en argent ou en nature, par exemple en donnant de la nourritureà l’enseignant.
Les frais de scolaritédécouragent les parents d’envoyer leurs enfants àl’école plutôt qu’à la mine. Des enseignants,des parents et des enfants travailleurs nous ont confié que les frais descolarité étaient l’une des raisons pour lesquelles lesenfants n’allaient pas à l’école. Un groupe de septfemmes de Sensoko, dans la région de Kéniéba, aexpliqué qu’elles ne pouvaient pas payer les frais descolarité pour tous les enfants de la famille et que parconséquent, elles envoyaient certains enfants à la mined’or pour y travailler à temps plein plutôt que de lesenvoyer à l’école. Chaque mois, elles paient àl’école locale 800 francs CFA (environ 1,75$US) parenfant. Ce groupe de femmes avait au total 29 enfants d’âgescolaire qui travaillaient à la mine ; sur ces 29 enfants, 18 fréquentaientégalement l’école.[298]
Karim S., un enfant travaillant à lamine de Worognan, a décrit son désir d’aller àl’école :
Un autre enfant travailleur, Oumar K., aexpliqué qu’il était allé àl’école mais qu’il avait dû abandonner parce que sesparents ne pouvaient plus payer les frais de scolarité. Il estallé à l’école jusqu’en quatrièmeannée, mais il n’a plus été admis après uneabsence pour maladie parce que ses parents n’avaient pas payé lesfrais d’école. Ses trois sœurs n’étaient passcolarisées non plus.[300]
Au Mali, lorsque des parents doiventopérer des choix quant à la fréquentation scolaire, ilsenvoient les garçons plus souvent que les filles. Il arrivefréquemment que les filles soient plutôt utilisées poureffectuer du travail domestique, ou elles sont mariées avantd’atteindre l’âge adulte.[301]La situation ne diffère pas dans les zones minières. Susanne J.,11 ans, a confié à Human Rights Watch :
Certains parents justifient le travail de leurenfant à la mine par le besoin de gagner de l’argent pour payerles frais de scolarité. Lansana K., un écolier decinquième année, s’est plaint :
De même, Hamidou S., qui n’estqu’en troisième année, a utilisé l’argentgagné à la mine pour acheter du matériel scolaire.[304]
L’utilisation des frais descolarité pour financer les écoles entraînentégalement d’autres problèmes. Des enseignants ontconfirmé que « le grand problème … est queles parents ne paient pas tous leur part ».[305] Un membred’un comité de gestion scolaire s’est plaint du faitqu’ils ont « toutes les difficultés du monde »à faire en sorte que les parents versent leur contribution àl’école.[306]Il en résulte que parfois les enseignants ne reçoivent pas desalaire, ou seulement une partie de leur salaire.[307]
Lasituation des enfants migrants
Bon nombre d’orpailleurs migrent de mineen mine. Cela crée un sérieux problème sur le plan del’éducation de leurs enfants. Selon l’OIT, deux tiers desenfants travaillant dans les mines artisanales sont des migrants.[308]Certains enfants se déplacent avec leurs parentsde mine en mine tous les deux mois. Ainsi, en 2010, de nombreux orpailleurs ontmigré entre plusieurs mines de la région de Sikasso, notammentles mines de Kola, Kékoro, Kalankan et Worognan.[309] FatimataN. une adolescente burkinabé qui n’est jamais alléeà l’école, nous a confié qu’elle avaitcommencé à travailler comme orpailleuse dès son plus jeuneâge. Elle a tout d’abord travaillé dans l’extractionminière au Burkina Faso, et ensuite elle est venue au Mali avec sestuteurs—son oncle et sa tante—pour y chercher de l’or. Ilsont vécu pendant près d’un mois sur un site minier de Kékoro(cercle de Bougouni) et par la suite, ils sont partis pour Worognan.[310]
Un responsable éducatif aexpliqué ce qui arrive lorsqu’une nouvelle mine est ouverte :
Sur les sites miniers, les écolessemblent mal préparées à l’arrivée demigrants. Un directeur d’école nous a signalé que sonécole ne comptait aucun enfant migrant, alors que la communautéavait accueilli plusieurs milliers de migrants au cours de l’annéeprécédente. Seuls 30 enfants étaient inscrits àl’école alors que le nombre d’habitants étaitestimé à plus de 4 000.[312]
Lesenfants travailleurs scolarisés
Certains enfants travailleurs vont àl’école, ce qui représente un double fardeau pour lesenfants et débouche souvent sur de mauvais résultats scolaires. MoryC., un garçon de 11 ans de Baroya, nous a décrit son expérience:
Certains enfants n’arrivent pas àsuivre à l’école. Nanfadima A., 11 ans, nous aconfié qu’elle avait dû redoubler une année. Elletravaillait à la mine pendant les congés scolaires etaprès l’école pendant la semaine :
Il arrive souvent que les élèvesqui travaillent dans l’orpaillage ne se présentent pas àl’école, entraînant un taux élevéd’absentéisme et d’abandon.[315] Desdirecteurs d’école et des enseignants ont décrit les effetsnégatifs de l’orpaillage sur les résultats desélèves.[316]Un enseignant des cinquième et sixième années aprécisé que près de la moitié des enfants de saclasse travaillaient à la mine. Il a expliqué :
La politique éducative : Incapacité à atteindre les enfants travailleurs
Le gouvernement malien a pour butd’assurer l’éducation pour tous et d’appuyer lesObjectifs du Millénaire pour le Développement relatifs àl’enseignement,[318]en garantissant un accès à l’éducationjusqu’à la neuvième année (éducationfondamentale), un meilleur accès à l’éducation pourles filles, la formation des enseignants, ainsi que l’éducationnon formelle. La décentralisation est l’un deséléments clés de la stratégiegouvernementale ; elle vise à permettre aux communautés demieux s’approprier l’école.[319] Lesbailleurs de fonds octroient des financements considérables au secteuréducatif, notamment un soutien au budget de ce secteur. En 2009, ils ontversé 161 millions de dollars américains en aide officielleà l’éducation au Mali.[320]Ils ont également contribué à financer une remarquableexpansion des écoles communautaires.[321]
Il n’en demeure pas moins que lapolitique éducative n’a pas accordé une attentionsuffisante aux enfants qui sont vulnérables en raison de leur conditionéconomique, de leur sexe, de leur situation familiale, de leursanté ou autres motifs. Le programme éducatif actuel dugouvernement se met en défaut de proposer des mesures spécifiquespour atteindre les enfants vulnérables, à l’exceptionnotable des enfants souffrant de handicaps et des enfants descommunautés nomades.[322]
Bien que le nombre d’enfants inscritsdans l’enseignement primaire ait considérablement augmentédepuis 1998, bon nombre d’enfants en âge de fréquenterl’école primaire ne sont toujours pas scolarisés.[323]Le Mali reste bien en-dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne.[324]L’accès à l’enseignement secondaire est encoremoindre.[325]Un nombre important d’enfants n’ont jamais étéinscrits à l’école. Parmi ceux qui sont inscrits, beaucoupn’assistent pas régulièrement aux cours et abandonnentprécocement l’école.[326]
Il existe également une grandedisparité entre les garçons et les filles dans le domaine del’éducation. Le taux de scolarisation net des filles est de 54,6 pourcent, contre 66,8 pour cent pour les garçons, et seules 48,6 pour centdes filles terminent leurs études primaires, contre 64,1 pour cent desgarçons.[327]Dans l’enseignement secondaire et supérieur, le fossé entreles garçons et les filles s’avère encore plus grand.[328]Bien que le gouvernement ait mis l’accent sur l’améliorationde l’accès à l’éducation pour les filles, lamajorité des enfants officiellement non scolarisés sont desfilles. En 2007-2008, plus de la moitié des filles âgées de7 à 12 ans n’étaient pas scolarisées.[329]
Comme illustré plus haut, l’unedes raisons du taux peu élevé de scolarisation est le coût.Les parents doivent payer des frais pour l’école, tels que desfrais d’inscription, les livres, le matériel, l’uniforme oules honoraires du comité de gestion scolaire.[330] Dans denombreux pays africains, les frais de scolarité et les frais scolairesindirects sont des obstacles majeurs à l’éducation despauvres. En revanche, il est prouvé que l’abolition des frais descolarité augmente considérablement le taux d’inscriptionet de fréquentation scolaires, en particulier chez les pauvres et chezles filles ; cette abolition est également exigée par ledroit international.[331]Il existe d’autres obstacles à la scolarisation, notamment ladistance à laquelle se trouve l’école, ainsi que laqualité de l’enseignement.[332]Le pourcentage élevé d’élèves par enseignant,le manque ou l’absence de formation des enseignants et les fournituresinsuffisantes ont une incidence défavorable sur la qualité del’enseignement.[333]
Les écoles communautaires, qui sontdans une large mesure indépendantes, constituent une alternative ausystème d’écoles publiques. Une école communautaireest une école à but non lucratif créée et géréepar une communauté ou une association. Une reconnaissance officielle estoctroyée par les autorités locales à toute écolerépondant à une série de critères simples.[334]La reconnaissance des écoles communautaires a élargil’accès à l’éducation, mais elle aofficialisé le paiement de frais de scolarité et abaisséles normes éducatives car la majorité des enseignants ne sont pasformés.[335]
La création d’écolesmobiles est l’une des stratégies mises en place pouraméliorer l’accès à l’éducation dansles zones connaissant de hauts degrés de mobilité et de migration.Dans le nord du Mali, des écoles mobiles ont été mises surpied au cours des dernières années pour les groupes nomades. Lesenseignants se déplacent avec les nomades et enseignent sous des tentesqui sont fournies par la communauté.[336]L’expérience du nord du Mali pourrait servir de modèleutile aux zones minières du pays.
Desmesures de protection sociale pour améliorerl’accès à l’éducation
Des programmes de protection socialepourraient promouvoir l’accès à l’éducationpour les enfants travailleurs dans les zones d’orpaillage et ailleurs.
La protection sociale est un ensemble depolitiques visant à accroître l’accès aux servicessociaux de base et à réduire la vulnérabilité auxchocs économiques et sociaux. Elle comprend l’assistance sociale(tels que des transferts en espèces et des repas scolaires gratuits),des services sociaux pour les ménages pauvres, ainsi quel’assurance sociale et la législation connexe.[337]
Jusqu’à présent, le Malin’a pas mené de politique de protection sociale cohérenteet il n’a mis en œuvre que des mesures de protection socialepartielles, sans accorder une attention spéciale aux besoins des enfantsvulnérables. Des programmes de transferts en espèces ontété utilisés dans plusieurs pays afin de financerl’accès à l’éducation pour les enfantsvulnérables.[338]
Un programme précédent deprotection sociale pour les enfants vulnérables réaliséavec succès au Mali a pris fin. De 2002 à 2007, le Mali avaitbénéficié d’un programme de transferts enespèces à l’intention des mères, destinéà leur permettre d’envoyer leurs enfants àl’école. Il couvrait également les zones d’orpaillagede la région de Kayes. Dans le cadre de ce programme appelé BourseMaman, des mères indigentes recevaient une bourse mensuelle(équivalant à 11$US) si elles acceptaient d’envoyer leursenfants à l’école et de les faire poursuivre leurscolarité. Si les enfants abandonnaient l’école, lestransferts en espèces étaient suspendus.[339] Leprogramme était calqué sur un programme de transferts enespèces mis en œuvre avec succès au Brésil, la bolsafamilia.[340]Bien que le programme Bourse Maman ait entraîné une haussedes taux de scolarisation et une diminution des taux d’abandon, il aété interrompu, probablement en raison du scepticisme de certainsbailleurs de fonds par rapport aux programmes de transferts en espèces.[341]
La politique gouvernementale actuellereconnaît l’importance des repas scolaires gratuits pour encouragerles familles pauvres à envoyer leurs enfants àl’école. Le gouvernement a introduit une proposition de loi visantà mettre sur pied un Centre national pour les cantines scolaires,chargé de coordonner et de superviser la création de cantinesscolaires.[342] À ce jour, des cantines scolaires ont été misessur pied dans 166 communes touchées par la sécheresse et la faim,notamment dans le nord du Mali. Actuellement, les zones d’orpaillage del’ouest et du sud du Mali ne bénéficient pas de ces repasscolaires gratuits. Le gouvernement lui-même a reconnu que le nombre decantines scolaires au Mali était beaucoup trop réduit.[343]
Un plan gouvernemental récemmentadopté sur la protection sociale pourrait finalement apporter deschangements, s’il est mis en œuvre comme il convient. Aprèsun long processus de concertations, le gouvernement malien a élaboréun plan d’action national sur la protection sociale en 2010, et l’aadopté en août 2011. Ce plan d’action comprend un programmede transferts en espèces pour les populations vulnérables, ainsique la gratuité des repas scolaires.[344]Au moment où ont été écrites ces lignes, aucunedécision n’avait encore été prise sur la question desavoir si le programme viserait particulièrement les enfantsvulnérables et les orphelins.[345]
Compte tenu de la prévalence du travaildes enfants dans les mines artisanales maliennes, il est probable quel’or produit grâce à l’utilisation de maind’œuvre infantile se retrouve dans les chaînesd’approvisionnement des entreprises nationales et internationales activesdans le négoce de l’or artisanal, à moins que celles-cin’appliquent des procédures appropriées de diligenceraisonnable. Les normes internationales exigent que les entreprises identifientleur impact sur les droits humains en exerçant un devoir de diligence,qu’elles préviennent les violations des droits humains que leuraction risque d’engendrer et qu’elles pallient et rendent descomptes pour les atteintes aux droits humains commises à cause de leuraction. Human Rights Watch n’a connaissance que de deux entreprises, KalotiJewellery International de Dubaï et Tony Goetz de Belgique, qui ont mis enplace des procédures de diligence raisonnable. Il se peut qued’autres compagnies actives dans le négoce de l’or artisanalaient instauré ce type de procédure, mais Human Rights Watch n’a pas été en mesure d’établir ce fait. Parailleurs, il n’a pas été possible pour Human Rights Watchd’obtenir des informations sur les procédures et les politiques debon nombre de sociétés actives dans le commerce de l’orprovenant de mines artisanales.
Au niveau national, le gouvernement maliens’est mis en défaut de prendre des mesures pour placer lesentreprises face à leurs responsabilités dans ce domaine.
La responsabilité desnégociants en or au Mali
Sur tous les sites d’orpaillage du Mali,des petits négociants en or achètent l’or extrait par desenfants et des adultes. Parfois, les négociants aident lors del’amalgamation ; dans d’autres cas, ils achètentl’or brut après l’amalgamation.
Les prix de l’or fluctuent et ontatteint des sommets record en 2011. En avril 2011, les négociantspayaient aux orpailleurs entre 10 000 et 17 500 francs CFA (entre 21,94 et38,40$US environ) pour un gramme d’or.[346]À Bamako, les négociants payaient entre 21 000 et 21 200 francs CFA (entre 46,06 et 46,40$ environ) pour un gramme d’or, alors quel’or se négociait à environ 21 400 francs CFA (46,94$environ) le gramme au niveau international.[347]
La plus grande partie de l’or extraitdes mines artisanales est vendue par des négociants locaux – quise rendent sur les sites d’orpaillage – à de plus grosnégociants à Bamako, parfois par le canald’intermédiaires. Ces plus gros négociants dirigent desmaisons de négoce qui sont généralementenregistrées en tant que sociétés àresponsabilité limitée. Les relations commerciales sont souventstables et durables ; plusieurs négociants des zonesminières ont confirmé qu’ils vendaient toujours à lamême maison de négoce à Bamako.[348] Àune occasion, un petit négociant en or a qualifié son homologueà Bamako de « patron » et à une autreoccasion, un négociant basé à Bamako a montré uneliste de personnes qui achetaient de l’or pour lui dans les mines.[349]Certains orpailleurs fortunés se livrent également aunégoce de l’or extrait de « leur » mine oude « leur » puits ; l’un de ces exploitants dela région de Kéniéba a ouvert sa propre compagnie àBamako, supprimant tous les intermédiaires.[350]
Il existe également un commerce del’or transfrontalier avec la Guinée ou d’autres paysvoisins, dans les deux sens.[351]Une partie de l’or provenant des mines du Mali est introduite encontrebande dans les pays voisins, mais des quantités plus importantesd’or sont importées, par exemple de Guinée et du BurkinaFaso.[352]
Il incombe aux négociants du Mali et dela sous-région de s’assurer qu’ils n’achètentpas d’or extrait par des enfants, mais bon nombre de négociantsinterrogés par Human Rights Watch ont montré qu’ilsétaient peu conscients de leur responsabilité ou qu’ils nes’en souciaient guère.[353]Unnégociant de Kéniéba a nié le fait que des enfantsplus jeunes que des adolescents travaillaient dans les mines.[354] Un autrea reconnu l’existence du problème, mais il a déclaréqu’il ne pouvait rien faire pour changer la situation.[355] Lepropriétaire d’une maison de négoce de Bamako a soutenuqu’il n’était absolument pas au courant du travail desenfants et qu’il n’avait jamais visité de mine artisanale.[356]Un autre négociant de Bamako a signalé qu’il ne savait riendes risques associés à l’utilisation de mercure.[357]
Bon nombre de négociants achètentmême l’or directement aux enfants, signe évident de leursoutien tacite au travail des enfants.[358]Un négociant a fait remarquer :
Le rôle desassociations d’orpailleurs
Les orpailleurs et exploitants miniers malienssont organisés au sein de plusieurs organisations, dont l’Union desopérateurs miniers du Mali (UNOMIN), la Fédérationnationale desorpailleurs du Mali (FNOM) et l’Association desfemmes minières du Mali (AFEMIN). Dans certains cas, ces associationsont aidé les orpailleurs à créer des coopérativesou des groupements d’intérêt économique, ou leur ontfourni du matériel.[360]La professionnalisation du secteur de l’orpaillage pourrait contribuerà accroître les revenus des orpailleurs et, par conséquent,à réduire le travail des enfants.[361]
À ce jour, cela n’a pourtant pasété le cas. Qui pis est, au sein de certaines associations,l’accent n’est pas suffisamment mis sur des problèmes telsque le travail des enfants, l’utilisation du mercure etl’exploitation des orpailleurs indigents. Ainsi, certains membres de laChambre des Mines du Mali, organe créé récemment pourreprésenter les petites et grandes entreprises minières, ontrefusé d’admettre que le travail des enfants était unproblème.[362]Le président de la Chambre des Mines a déclaré à Human Rights Watch :
Il a également défendul’utilisation de main d’œuvre infantile, si par hasard elleexistait, en disant que dans différents secteurs de travail, les parentsemmenaient souvent les enfants travailler avec eux. Un autre membre de laChambre des Mines a défendu le travail des enfants en expliquantqu’il faisait partie de l’éducation (socialisation) del’enfant.[364]
Par contre, le président de laFédération nationale des orpailleurs du Mali a exprimé sapréoccupation quant à l’utilisation du travail des enfantset il a déclaré qu’il tenait à prendre des mesures àce propos.[365]
Laresponsabilité des entreprises internationales actives dans lenégoce de l’or
Les chiffres officiels du Mali indiquent quela quantité d’or artisanal exportée chaque annéetournait autour de quatre tonnes, soit une valeur de 230 millions de dollarsaméricains aux prix de septembre 2011. Néanmoins, laquantité réelle pourrait se révéler plusélevée, car une partie de l’or sort probablement du paysclandestinement. D’autres chiffres obtenus du Ministère malien del’Industrie, de l’Investissement et du Commerce montrentqu’au cours du premier semestre 2011, neuf entreprises internationalesont acheté de l’or artisanal à hauteur de 83 millions dedollars américains.[366]
Les entreprises suisses
Les statistiques d’exportation obtenuesdu Ministère malien de l’Économie et des Finances montrentque la Suisse est le principal partenaire commercial du Mali dans lenégoce de l’or artisanal.[367]Entre janvier 2009 et mai 2011, des quantités d’or artisanal ontété exportées du Mali vers la Suisse pour une valeur de 34millions de dollars américains.[368]
Selon les données obtenues du Ministèrede l’Industrie, de l’Investissement et du Commerce, entre janvieret juin 2011, l’entreprise suisse Decafin a été la seuledestinataire des exportations vers la Suisse.[369] Decafinest une société basée à Genève,fondée en 1977, active dans le commerce des métauxprécieux et opérant également en tant qu’institutionfinancière.[370]Dans une lettre adressée à Decafin, Human Rights Watch a décrit l’utilisation de la main d’œuvre infantiledans les mines d’or artisanales et a demandé à lasociété de fournir des informations sur sa politique et sur lesprocédures qu’elle a mises en place pour prévenir lesviolations des droits de l’enfant, ainsi que sur la façon dontelle contrôle la situation des enfants sur les sites d’orpaillage.Decafin, par le truchement de son avocat, a déclaré que lasociété « n’intervient qu’en bout dechaîne » et qu’elle « n’a aucuncontact ni avec les entreprises productrices ni avec le gouvernement du Mali ».[371]À la suite d’une réunion avec Human Rights Watch, l’entreprise a envoyé une seconde lettre par l’entremisede son avocat, déclarant qu’elle n’intervenait qu’aubout d’une chaîne composée d’au minimum quatreintermédiaires et qu’elle ne pouvait exercer aucun pouvoir niaucune pression sur les entreprises productrices ou sur le gouvernement duMali. Néanmoins, l’entreprise a souligné qu’elleinterpellerait ses fournisseurs et la Chambre des Mines du Mali sur lesconditions d’extraction de l’or. La lettre signale égalementque les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits del’homme constituent son code de conduite.[372]
Les entreprises de Dubaï
Les Émirats arabes unis, et plusparticulièrement Dubaï, sont la deuxième destination la plusimportante pour l’or artisanal malien. Entre janvier 2009 et juin2011, les entreprises des Emirats ont acheté de l’or pour unevaleur approximative de 18 million de dollars.[373]
Selon les statistiques obtenues duMinistère de l’Industrie, de l’Investissement et duCommerce, quatre sociétés basées à Dubaï ontacheté de l’or artisanal au cours du premier semestre 2011 :Kaloti Jewellery International, Mayer, Globe Gold et Salor DMCC.[374]Human Rights Watch n’a pas été en mesure d’obtenirles coordonnées de Mayer, Globe Gold et Salor DMCC, et n’adès lors pas pu entrer en contact avec ces compagnies. Par voie deconséquence, Human Rights Watch ignore si ces entreprises appliquent desprocédures de diligence raisonnable en ce qui concerne l’orartisanal qui pourrait avoir été produit grâce àl’utilisation d’une main d’œuvre infantile.
En réponse à une lettredécrivant les résultats des recherches de Human Rights Watch sur le travail des enfants dans les mines artisanales du Mali, KalotiJewellery International a fait part à Human Rights Watch de sa politique en matière de travail des enfants et d’autresquestions relatives aux droits humains.[375]L’entreprise a également fourni des documents signés pardeux négociants maliens dans lesquels ceux-ci déclaraient que« les soussignés certifient par la présente que cesmétaux proviennent d’une zone épargnée par lesconflits, dépourvue de main d’œuvre infantile et qu’ilssont passés par des canaux d’exploitation appropriés,fondés sur des connaissances personnelles ».[376]Kaloti Jewellery International a informé Human Rights Watch qu’elle avait récemment suspendu toutes les importationsd’or provenant de ses clients maliens, mesure que Human Rights Watch n’a ni recommandé ni appuyé car elle pourraitentraîner des conséquences économiquespréjudiciables pour les communautés d’orpailleurs, ycompris pour les enfants.[377]Le directeur général de Kaloti s’est égalementmontré intéressé par un soutien aux initiatives visantà mettre fin au travail des enfants dans ce secteur, par exemple desprojets permettant d’améliorer l’accès àl’éducation.[378]HumanRights Watch poursuit son dialogue avec Kaloti Jewellery International sur lesmesures que les entreprises internationales devraient prendre pour endiguer letravail des enfants.
Les entreprises d’autres pays
Le Mali exporte également de l’orvers plusieurs autres pays européens et nord-américains, ainsiqu’en Thaïlande et en Chine. Un négociant a signaléque les acheteurs internationaux venaient à l’occasion acheterl’or directement sur les sites d’orpaillage.[379]
Selon les chiffres obtenus auprès duMinistère de l’Économie et des Finances, entre 2009 et2011, le troisième plus gros partenaire commercial du Mali aprèsla Suisse et les Émirats arabes unis était la Belgique. Au coursdu premier semestre 2011, une société belge, Tony Goetz, aimporté quelque 60 kg, d’une valeur avoisinant les 3 millions dedollars.[380]En réponse à la lettre de Human Rights Watch concernant l’utilisation de main d’œuvre infantile dans lesmines d’or artisanales du Mali, Tony Goetz a déclaré que« les mines artisanales qui font usage de mercure extrêmementtoxique ne sont pas au nombre des fournisseurs de Tony Goetz NV »et que leurs fournisseurs avaient affirmé qu’ilsn’utilisaient pas de main d’œuvre infantile. La compagnie aégalement signalé que « la quantitéd’or acheté par Tony Goetz à des fournisseurs maliens nereprésente qu’une quantité très négligeabledes achats totaux de l’entreprise (à savoir moins de 0,5% desachats totaux) ».[381]
La politique minière du gouvernement :Incapacité à réglementer le secteur de l’orpaillage
La politique minière du gouvernementmalien se focalise principalement sur l’exploitation minièreà grande échelle, qui produit la majorité de l’orexporté du Mali, ainsi que sur le besoin d’attirer les investisseursinternationaux. Lorsque le gouvernement traite de questions liéesà l’orpaillage, l’approche qu’il adopte secaractérise surtout par un laissez-faire et une indifférence faceà la pauvreté omniprésente, au travail des enfants età l’utilisation du mercure dans les mines artisanales. Iltolère la plupart des activités d’orpaillage, y compris cellesmenées en dehors des couloirs d’orpaillage fixés par laloi. Selon un fonctionnaire, 97 pour cent des sites d’orpaillage sontsitués en dehors de ces couloirs.[382]Le gouvernement s’est mis en défaut de réglementer et d’apporterson soutien au secteur, une mesure qui pourrait accroître les revenus desorpailleurs et contribuer à éradiquer le travail des enfants.
L’une des raisons de cette situation estque beaucoup de responsables des collectivités locales et de membres desautorités traditionnelles tirent profit de l’orpaillage enprélevant des droits sur les puits ou en recevant une partie de laproduction d’or en tant que propriétaires coutumiers de la terre.[383]Parfois, les responsables des collectivités locales deviennenteux-mêmes exploitants et perçoivent des revenusconsidérables par le biais des orpailleurs qui travaillent pour eux. Unresponsable du Ministère des Mines a déclaré qu’il yavait « un conflit d’intérêts lorsque le maireest orpailleur ».[384]Par conséquent, les autorités locales—qui exercent uncontrôle sur les activités d’orpaillage—ne prennentpas leur rôle de régulateur au sérieux et sont peususceptibles de prendre des mesures contre le travail des enfants. Unresponsable gouvernemental a expliqué à Human Rights Watch : « Parfois, les maires gagnent de l’argent avec lesmines, donc ils n’exercent pas un bon contrôle ».[385]Il n’est dès lors pas surprenant que les responsablesgouvernementaux au niveau central considèrent l’orpaillage commeune question « difficile » et que le gouvernementévite généralement de s’intéresser auproblème du travail des enfants.[386]
Bien que se dérobant à certainesquestions épineuses, le gouvernement a reconnu le besoin de recueillirde meilleures informations à propos de ce secteur. Conjointement avec laBanque mondiale, il réalise actuellement une étude sur lerendement économique des mines d’or artisanales du Mali.[387]Selon un responsable du Ministère des Mines, il existe unevolonté de mieux réglementer le secteur, par exemple endélimitant clairement les zones où l’orpaillage estinterdit.[388]Certains responsables gouvernementaux ont annoncé la fermeture de minesqui sont situées dans des forêts classées ou près decourants d’eau, mais il reste à savoir si cette politique seramise en œuvre.[389]Dans le cercle de Kolondiéba, le gouvernement a annoncé lafermeture d’une mine, mais il n’a ensuite fermé le site quependant la saison des pluies, lorsque la plupart des orpailleurs partenttravailler dans l’agriculture plusieurs mois durant.[390]Même s’il est possible que certains sites d’orpaillage soientfermés dans le futur dans le cadre des efforts visant àprotéger l’environnement, il semble peu probable que de plusvastes pans de ce secteur soient déclarés illégaux ousoient soumis à de sévères restrictions. Le nouveau projetde code minier continue d’utiliser le concept de couloirsd’orpaillage, tout en renforçant le rôle desMinistères des Mines et de l’Environnement, illustrant le souhaitde contrôler dans une certaine mesure l’orpaillage depuis legouvernement central.[391]La création récente de la Chambre des Mines du Mali estégalement un signe de soutien au secteur, en particulier aux exploitantsplus fortunés et aux négociants en or.
Les initiatives régionales et internationales visant lesentreprises minières
L’Initiative pour laTransparence dans les Industries Extractives (ITIE) au Mali
En août 2011, le Mali aadhéré à l’Initiative pour la Transparence dans lesIndustries Extractives (ITIE).[392]L’ITIE est une initiative internationale volontaire qui exige de sesmembres qu’ils divulguent des informations sur les paiementsversés aux gouvernements par les entreprises pétrolières,minières et gazières. Elle réunit en son sein des gouvernements,des entreprises et des groupes de la société civile. Les pays quiposent leur candidature pour devenir membres de l’ITIE sont soumisà un processus de validation.[393]
L’ITIE se concentre presqueexclusivement sur les obligations des gouvernements et des entreprisespétrolières, minières et gazières internationales,et elle accorde peu d’attention aux compagnies nationales etinternationales actives dans le négoce de l’or artisanal.Toutefois, en s’engageant à respecter des normes de transparencedans le secteur de l’extraction minière à grande échelle,le gouvernement malien a instauré un important principe qui pourrait, àl’avenir, être étendu au secteur de l’orpaillage.
L’action de lasociété civile par rapport au secteur minier au Mali
La plupart des groupements de lasociété civile malienne s’intéressant àl’exploitation minière axent leur travail sur le secteur del’extraction minière à grande échelle. Ils observentet recueillent des informations sur le comportement du gouvernement et desgrandes entreprises minières sur le plan de la transparence, desincidences environnementales et du bénéfice qu’en retire lapopulation locale. Les ONG servent de contrepoids important au point de vue dugouvernement, par exemple, en remettant à l’ITIE un rapport parallèlesur le gouvernement ou en recueillant des informations sur les dommagesenvironnementaux causés par les entreprises minières.[394]
Il arrive que des groupes de lasociété civile s’intéressent aussi àl’orpaillage. La Fondation pour le Développement au Sahel,l’une des principales ONG de cette région, a réaliséune petite étude sur l’utilisation du mercure à Kangaba.[395]
Une politique minière et uncode minier communs pour l’Afrique de l’Ouest
Sur le plan régional, laCommunauté Économique des États de l’Afrique del’Ouest (CEDEAO) a adopté une directive sur l’extractionminière en 2009, et elle est sur le point d’adopter une politiqueminière en 2011. Un code minier juridiquement contraignant estprévu pour 2014.[396]Ce processus a pour objectif d’harmoniser les façonsd’aborder la question de l’extraction minière etd’éviter un nivellement par le bas dans le cadre duquel lesÉtats offrent des conditions incitatives aux entreprises minièresinternationales sans protéger suffisamment les revenus de l’État.
La directive souligne l’obligationqu’ont les États, les titulaires de droits miniers et autresentreprises minières de respecter les droits humains, notamment lesdroits de l’enfant, de protéger l’environnement et detravailler dans la transparence. Néanmoins, il fait à peine mention de l’orpaillage.[397]
La politique, que les ministres ontvalidée en juin 2011 et qui sera adoptée plus tard en 2011 parles chefs d’État, aborde les questions liées àl’orpaillage.[398]Elle appelle à la réglementation et au développement del’exploitation minière artisanale, et scelle l’engagementdes États membres à améliorer les activitésd’orpaillage en introduisant des changements dans le cadreréglementaire, ainsi que via la création de coopératives d’orpailleurs,des programmes d’assistance technique et financière et d’autresmesures de renforcement des capacités. Elle appelle également lesÉtats à « promouvoir la coexistence harmonieuse entreles opérateurs miniers à grande échelle et lesopérateurs miniers artisanaux et à petite échelle ».[399]
Le futur code minier pourrait devenir un outilrégional important s’il contient une interdiction claire dutravail des enfants dans l’orpaillage et prescrit des mesures visantà réduire l’utilisation du mercure dansl’orpaillage.
Les efforts internationaux visantà créer une chaîne d’approvisionnement de l’orsans travail des enfants
Les entreprises reconnaissent de plus en plusqu’elles doivent adhérer à des normes en matière dedroits humains, notamment aux normes relatives aux droits de l’enfant età l’environnement. Une série de normes et codes volontairesont été élaborés au niveau international ;certains sont généraux, d’autres portentspécifiquement sur le secteur de l’extraction minière.Néanmoins, à ce jour, leur impact a été trèslimité dans le secteur de l’orpaillage au Mali.
Certaines initiatives cherchentspécifiquement à garantir une chaîned’approvisionnement de l’or artisanal sans travail des enfants.Plus particulièrement, deux organisations ayant acquis del’expérience dans l’étiquetage de produits issus ducommerce équitable et dans l’orpaillage ont publiérécemment la Fairtrade and Fairmined Standard for Goldfrom Artisanal and Small-Scale Mining, c’est-à-dire une normede certification « Fairtrade » (commerceéquitable) et « Fairmined » (extractionéquitable) pour l’or provenant de l’exploitationminière artisanale ou à petite échelle. Pourbénéficier de ce label commerce équitable, les producteursdoivent être organisés au sein d’associationsd’orpailleurs et de petits exploitants miniers, adhérer auxConventions n° 138 et 182 de l’OIT, et exclure l’utilisation demain d’œuvre infantile pour les travaux dangereuxd’orpaillage. Cette norme exige également que les producteursaident les adolescents à avoir accès à despossibilités de formation et d’emploi.[400] Par ailleurs,les producteurs doivent recourir à des techniques qui permettent deréduire l’utilisation de mercure et ils sont tenus de renoncerà certaines pratiques à risque, telles que l’amalgamationentière du minerai d’or avec du mercure, le fait de brûlerl’amalgame dans les maisons, ou l’utilisation de mercure par desenfants, des femmes enceintes et des personnes souffrant de certaines maladieschroniques.[401]
Le label « commerceéquitable » offre l’occasion de promouvoir lesmeilleures pratiques et de mettre en lumière le besoin d’exercerun devoir de diligence. Sa mise en œuvre présente toutefois desdifficultés. En règle générale, il est difficile degarantir la validité du label commerce équitable, comme l’amontré l’utilisation de main d’œuvre infantile pour desproduits prétendument certifiés.[402] Àl’heure actuelle, cette certification est limitée àl’Amérique latine, mais au cours de l’année 2012,plusieurs pays africains feront l’objet d’une évaluation envue de leur participation à ce programme.[403] Le projet régional susmentionné sur la réductionde l’utilisation du mercure examinera s’il sera possible àl’avenir d’introduire le label en Afrique, entre autres au Mali.[404]
Les entreprises actives sur le marchédu diamant et de l’or ont également lancé une initiativevisant à promouvoir des normes éthiques et elles se sont uniespour créer le Council for Responsible Jewellery (Conseil pour unepratique responsable de la joaillerie).[405]L’organisation a mis en place un système de certification pour sesmembres, lesquels sont soumis à une procédure devérification pour être admis au sein de l’association.
Des ONG internationales se sontengagées dans une campagne prometteuse intitulée No DirtyGold (Pas d’or sale), qui invite les détaillants àopérer des changements dans l’industrie de l’exploitationaurifère, en particulier en ce qui concerne les dommagesenvironnementaux occasionnés par l’extraction aurifère.Dans le cadre de cette campagne, un ensemble de principes générauxont été élaborés et les détaillants sontinvités à y souscrire. Ces principes comprennent notammentl’adhésion aux conventions internationales et le respect desnormes en matière de travail, mais ils ne font pas mention du travaildes enfants.[406]
Le travail des enfants dans les minesd’or artisanales du Mali expose les enfants à de graves risquespour leur santé et les empêche souvent d’aller àl’école. Les enfants orpailleurs sont parfois égalementvictimes d’exploitation économique, de contrainte, de la traitedes personnes, de maltraitance physique et d’abus sexuels.
Les enfants sont contraints au travailpour augmenter les revenus familiaux ; par ailleurs, le travail desenfants est accepté socialement et considéré comme uneexpérience éducative utile. De nombreux parents d’enfantstravailleurs sont des orpailleurs qui vivent dans la pauvreté et negagnent qu’une fraction de l’or qu’ils extraient, car ilsdoivent verser des droits aux autorités traditionnelles ou locales etaux exploitants qui les engagent comme main d’œuvre ou leur louentdes machines.
Le gouvernement malien s’est mis endéfaut de s’attaquer efficacement au travail des enfants dansl’orpaillage. Certes, il a pris quelques mesures importantes pourprotéger les droits des enfants, mais il n’a pas usé detout son poids politique pour garantir l’efficacité de cesefforts. Les initiatives existantes tendent à être isoléeset ne bénéficient pas d’un soutien politique et financiertotal. Par ailleurs, les politiques du gouvernement central ont parfoisété minées par le laissez-faire des fonctionnaires locaux.Dans le cadre de la décentralisation, le gouvernement central adélégué aux autorités locales une grande partie desresponsabilités dans des domaines cruciaux tels quel’éducation, la santé et l’extraction minièreartisanale, mais ces autorités locales ne s’emploient passuffisamment à lutter contre le travail des enfants et àremédier au problème d’accès des enfants àl’éducation et aux soins de santé.
La politique en matière de travail desenfants n’a pas été pleinement mise en œuvre et manquede vitalité : seules quelques rares inspections du travail desenfants ont eu lieu dans les mines d’or artisanales et la loi sur letravail des enfants n’est pas appliquée.
La politique éducative du gouvernementn’a pas profité aux enfants travailleurs, y compris ceux des zonesd’orpaillage, et elle n’a pas été adaptéeà leurs besoins. Les frais de scolarité, le manqued’infrastructures scolaires et la piètre qualité del’enseignement dissuadent beaucoup de parents d’envoyer leursenfants à l’école. Le gouvernement a en grande partiefailli à sa mission de rendre l’éducation accessible etabordable pour les enfants vulnérables tels que les enfantstravailleurs.
La politique minière se focalise surl’extraction minière industrielle, qui est l’apanage desentreprises internationales, et elle a fortement négligé lesproblèmes liés à l’exploitation artisanale,notamment le travail des enfants. Dans ce secteur, le gouvernement tendà appuyer les exploitants et les négociants puissants et fortunéset il tire financièrement profit des mines artisanales au niveau local,mais il n’apporte pratiquement aucun soutien aux orpailleurs ordinaires.
En ce qui concerne la politique desanté, le gouvernement n’a pas élaboré destratégie ni pris de mesures concrètes pour prévenir outraiter les problèmes de santé liés àl’utilisation du mercure ou d’autres questions associéesà l’activité minière dans les zonesd’orpaillage.
Les bailleurs de fonds, les agences del’ONU et les associations de la société civile ontlancé quelques initiatives utiles relatives au travail des enfants,à l’éducation ou à l’exploitationminière artisanale au Mali, mais ces initiatives ont étéréalisées sans véritable plan d’ensemble, et ellesse sont heurtées à un manque de financement fiable et de soutienpolitique cohérent. Plus particulièrement, l’OIT estconfrontée à des problèmes de financement après queles États-Unis et la Commission européenne ontconsidérablement réduit les fonds qu’ils allouaient. Au niveau international, l’OIT n’a pas donné suite àson appel de 2005 en faveur d’une action intitulée « Minorsout of Mining » (Les mineurs d’âge hors des mines),dans le cadre de laquelle les gouvernements de quinze pays, dont le Mali,s’étaient engagés à éliminer le travail desenfants dans le secteur des mines artisanales à l’horizon 2015.
Les entreprises maliennes et internationalesactives dans le négoce de l’or ne se sont pas suffisammentemployées à s’attaquer au travail des enfants dans leurchaîne d’approvisionnement, par exemple, en surveillant les minesqui les approvisionnent afin de vérifier si elles ne recourent pas autravail des enfants, et en insistant pour que leurs fournisseurs mettent unterme à l’utilisation du travail des enfants si elles constatentl’existence de ce travail. Le gouvernement malien n’a pasréclamé de comptes aux autorités traditionnelles et auxexploitants puissants sur les sites miniers, par exemple en effectuant desinspections du travail régulières, et il n’a pasinsisté auprès des négociants nationaux pour qu’ilsgarantissent une chaîne d’approvisionnement sans travail desenfants.
Le travail dangereux des enfants dans lesmines artisanales du Mali ne peut être éradiqué que sidifférents acteurs—le gouvernement, la sociétécivile, l’ONU, les bailleurs de fonds, les exploitants artisanaux, lesnégociants en or et les compagnies actives dans le négoce del’or—considèrent que son éradication est unepriorité, lui apportent pleinement leur soutien politique, etcontribuent à financer les efforts visant à y mettre un terme.
Le gouvernement doit faire en sorte que lesministères nationaux compétents—le Ministère duTravail et de la Fonction publique,le Ministère des Mines, leMinistère de la Santé, le Ministère de l’Environnementet de l’Assainissement, le Ministère de l’Éducationet le Ministère de la Femme, de l’Enfant et de laFamille—ainsi que les autorités locales travaillent tous deconcert.En fonction de leur domaine d’expertise, différentsministères et institutions gouvernementaux devraient prendre les devantspour se pencher sur les points soulevés dans les recommandationsénoncées ci-après, et travailler en étroitecollaboration avec tous les autres ministères concernés.
Dans un premier temps, le gouvernement devraitimmédiatement prendre des mesures visant à mettre un termeà l’utilisation du mercure par les enfants qui travaillent dansles mines artisanales. Par ailleurs, le gouvernement et toutes les partiesconcernées devraient unir leurs efforts pour appuyer et mettre enœuvre le Plan d’action national sur le travail des enfantsadopté récemment. Ils devraient également prendre desmesures pour améliorer l’accès àl’éducation dans les zones d’orpaillage, notamment enabolissant tous les frais de scolarité, en apportant un soutien del’État aux écoles communautaires et en mettant enœuvre un programme de protection sociale pour les enfantsvulnérables. Afin de renforcer les communautésd’orpailleurs et d’améliorer l’hygièneenvironnementale, le gouvernement et les autres parties prenantes devraientfournir un soutien et renforcer les capacités des orpailleurs, notammenten ce qui concerne les technologies qui réduisent l’utilisation dumercure, et s’intéresser à l’impact du mercure surles orpailleurs, en particulier les enfants. Une table ronde nationale sur lestravaux dangereux pour les enfants dans les mines artisanales devrait servir deforum permettant de rassembler les acteurs concernés et de créerune dynamique en vue d’une action concertée.
Les entreprises maliennes et internationalesdevraient assumer leur responsabilité par rapport au travail des enfantset à d’autres questions relatives aux droits humains, enappliquant le principe de diligence raisonnable et en exerçant despressions sur leurs fournisseurs et sur le gouvernement afin d’aboutirà une réduction tangible du travail des enfants. Un boycottimmédiat et total de l’or provenant du Mali ne constitue pas uneréponse aux violations des droits humains dans les mines d’orartisanales du Mali. Un boycott risquerait de réduire les revenus descommunautés indigentes d’orpailleurs et serait mêmesusceptible de provoquer une augmentation du travail des enfants, les famillescherchant à accroître leurs revenus.
Augouvernement malien :
Mettre fin au travail des enfants dans l’orpaillage, ycompris à leur utilisation du mercure :
Améliorer l’accès des enfants aux soinsde santé dans les zones d’orpaillage :
Améliorer l’accès àl’éducation pour les enfants travaillant dans les mines d’orartisanales :
Protéger les enfants qui travaillent dans les zones d’orpaillagecontre la maltraitance
Améliorer les moyens d’existence descommunautés d’orpailleurs :
À la Communautééconomique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
Aux pays bailleurs de fonds, à laBanque mondiale et aux agences de l’ONU compétentes, telles quel’OIT, l’UNICEF, l’ONUDI, le PNUE et l’OMS :
Aux entreprises maliennes et internationalesactives dans le négoce de l’or artisanal :
Prendredes mesures pour garantir une chaîne d’approvisionnement sans travail des enfants :
Aux associations maliennesd’orpailleurs :
À tous les gouvernements :
Juliane Kippenberg, chercheusesenior à la Division Droits de l’enfant de Human Rights Watch, a effectué les recherches en vue duprésent rapport et en a assuré la rédaction. Clive Baldwin, conseiller juridique senior, a participé auxtravaux de recherche sur le terrain. Judit Costa, assistante à la Division Droits de l’enfant, et Katharina Theil, stagiaire Roland Algrant à la Division Droits de l’enfant, ont apporté leur concours auxtravaux de recherche documentaire. Katharina Theil a également fourniune première ébauche de la section portant sur le droitinternational.
Le présent rapport a étérevu par Zama Coursen-Neff, directrice adjointe à la Division Droits de l’enfant ; Matt Wells, chercheur à la Division Afrique ; Jane Cohen, chercheuse à la Division Santé et droits humains ; Chris Albin-Lackey, chercheur senior à la Division Entreprises et droits humains ; Agnes Odhiambo, chercheuseà la Division Droits de la femme ; Clive Baldwin, conseiller juridiquesenior ; et Babatunde Olugboji, directeur adjoint au bureau duProgramme de Human Rights Watch. La traduction en français aété réalisée par Françoise Denayer et revuepar Peter Huvos.
Judit Costa et NoahBeaudette, assistants à la Division Droits de l’enfant ; Anna Lopriore, responsable création ; Grace Choi, directrice des publications ; et Fitzroy Hepkins, responsable du courrier, ont apporté leur concoursà la production du présent document.
Nous aimerions remercier Ben Silverstone de DoughtyStreet Chambers à Londres ; Susan Gunn et Benjamin Smith del’Organisation internationale du Travail ; Marcello Veiga, professeur audépartement de génie minier de l’Université de la Colombie Britannique (Canada) ; et Stephan Böse O’Reilly, professeur adjoint desanté publique, Université des sciences de la santé, del’informatique et de la technologie médicales (Autriche), pour lesprécieux conseils qu’ils nous ont fournis sur des questionsspécialisées et pour leurs remarques à propos de cerapport ou de parties du rapport.
Par-dessus tout, nous aimerions remercier lesnombreux enfants maliens qui ont eu le courage de nous faire part de leurstémoignages. Nous voudrions également exprimer notre gratitudeaux militants des ONG, aux autorités traditionnelles, aux orpailleurs,aux enseignants, aux travailleurs de la santé et autres personnes quenous avons rencontrés au cours de nos recherches et qui nous ont offertleur soutien et leur hospitalité. Nous souhaiterions par ailleursremercier le gouvernement malien qui a fait preuve d’ouverture enacceptant de discuter avec nous des questions abordées dans leprésent rapport.
Human Rights Watch ne possède aucune informationpermettant d’établir si les exportateurs figurant dans la liste présentée ci-après ont mis en place despolitiques et/ou procédures de diligence raisonnable relatives aunégoce de l’or artisanal susceptible d’être extraitgrâce à l’utilisation de main d’œuvre infantile.
Human Rights Watch n’a pas été en mesured’entrer en contact avec les personnes ou entreprises mentionnées ci-après, à l’exception de Decafin, Kalotiet Tony Goetz. Sauf en ce qui concerne ces trois compagnies, Human Rights Watchne dispose d’aucune information permettant d’établir si lespersonnes ou entreprises figurant ci-après ont mis en place despolitiques et/ou procédures de diligence raisonnable relatives aunégoce de l’or susceptible d’être extrait grâceà l’utilisation de main d’œuvre infantile.
Human Rights Watch présume que le nom « Kaloute» fait référence à « Kaloti ».